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The king is speaking
Publié dans La Gazette du Maroc le 29 - 07 - 2002


Discours royaux
Plus qu'un simple moyen de communication
qui consiste à s'adresser à la communauté pour lui annoncer une nouvelle ou en vue de marquer la célébration d'une fête nationale, les discours royaux revêtent une importance suprême dans la détermination des orientations politiques du pays et aussi
dans la consolidation des liens d'allégeance entre le sultan et son peuple.
Quelle est l'histoire des discours royaux ? S'agit-il vraiment d'une forme de communication politique ou sommes-nous, tout simplement, face à un rituel politique des plus traditionnels ? Quelles sont les caractéristiques des allocutions royales ? Quel est le style oratoire du roi Mohammed VI et quels sont les thèmes-clés de ses discours ? Autant de questions qui ne peuvent trouver de réponse que dans une lecture profonde des discours royaux.
Histoire d'une tradition
Historiquement, les discours du roi ont toujours été considérés comme un vecteur principal pour tracer les contours de la politique générale que le palais entend adopter pour gérer les affaires publiques de la communauté. Ceci est d'autant plus vrai dans les pays arabo-musulmans que dans les pays occidentaux. Les Ottomans firent des discours de l'empereur un outil privilégié pour gouverner, diriger et dominer. Plus, les discours du roi versèrent dans la divinité et le sacré. Autrement dit, les propos du roi furent considérés comme des directives sacrées et inviolables vu qu'ils émanèrent du commandeur des croyants " Amir Al-Mouminine ".
Cette tradition s'est perpétuée dans l'histoire des dynasties qui se sont succédé au pouvoir dans les pays arabo-musulmans. Ainsi, la dynastie alaouite depuis 1666, date de son accession au pouvoir au Maroc, fit des discours du sultan un levier d'excellence pour gouverner les communautés autochtones. À défaut de véritables canaux de transmission de la volonté du sultan, la coutume fit charger un individu " Berrah " pour propager les nouvelles et tenir la population au courant des décisions prises par le sultan. À titre illustratif, à l'occasion de la célébration d'une fête nationale ou pour la mobilisation de la communauté face à une épidémie ou une menace étrangère…
Depuis lors, les choses ont considérablement changé puisque les sultans se sont rendus compte de l'importance des discours dans la gestion des affaires publiques et dans la détermination de la politique générale du pays. Puisant leur légitimité dans la personne sacrée et inviolable du roi et du commandeur des croyants " Amir Al-mouminine”, les discours royaux sont devenus désormais une source incontournable pour gouverner et décider des politiques que le palais juge appropriées pour l'intérêt de la communauté.
Après l'indépendance, et malgré l'adoption de la constitution, les discours royaux continuaient à dominer la scène politique. Plus, ils sont devenus une pratique institutionnelle inhérente à la monarchie et reconnue comme faisant partie des prérogatives ancestrales de la personne du roi dont il est le seul et l'unique détenteur. C'est pourquoi, les discours royaux font l'objet d'autant d'intérêt aussi bien de la part du roi, qui veille personnellement à y tracer les lignes directives de sa politique générale, que de la part de la communauté qui s'est accoutumée à renouer avec le roi les liens d'allégeance et d'obédience à l'occasion de chaque discours.
Il est certain que les discours royaux ont subi un large remaniement vu l'élargissement du public, l'évolution des moyens de communication de masse (T.V, radio, journaux, Internet..) et la complexité des problèmes à surmonter. Désormais, les discours du roi mobilisent tout un staff technique de professionnels qui veille à l'organisation, l'ordonnance, la programmation et la diffusion des discours. À cet égard, il serait utile de souligner la différence, tant au niveau de la forme que du fond, entre, par exemple, un discours royal à l'occasion d'une fête nationale, un autre à l'ouverture de l'année législative et un autre prononcé par le roi à l'occasion d'une conférence internationale. En d'autres termes, les discours royaux prennent des formes très variées, puisent dans des registres divers et recèlent des contenus très modulés.
Rituel politique
Les discours royaux traduisent toujours la manifestation d'un rituel politique qui s'appuie sur les traditions séculaires de la dynastie alaouite pour appréhender les contraintes de la modernité. En effet, les discours royaux télévisés reflètent l'ancrage d'une culture politique traditionnelle, fondée sur les liens d'allégeance qui unissent le roi à ses sujets.
En fait, les discours du roi sont toujours une occasion pour activer un cérémonial, vieux comme le monde, qui met souvent sur scène un rituel politique qui donne à l'acte de l'allégeance "Al baiâa" toute sa dimension symbolique : du palais royal, et après l'hymne national, le sultan, vêtu de l'habit traditionnel, et accompagné souvent des princes, prend place devant les caméras de la chaîne de T.Vnationale R.T.M pour s'adresser à ses sujets. Ces derniers suivent le discours royal dans une ambiance presque mystique, marquée par le recours systématique du monarque, dans son discours, au référentiel islamique.
À titre illustratif, le discours royal est toujours basé sur un fond religieux à l'image de l'amorce d'introduction (que la prière et la paix soient sur le Prophète, sa famille et ses compagnons) et de conclusion (Louange à Dieu, que la paix, la miséricorde et la bénédiction de Dieu soient sur vous). Sans compter les citations inspirées du Coran et du Hadith. Ce qui contribue à donner au discours une empreinte mystique et divine. L'effet est immédiat sur les acteurs sociaux surtout auprès des partis politiques. La preuve en est que l'allocution du roi, le jour suivant, fera la “une” de tous les quotidiens partisans et deviendra, en plus, une source référentielle pour le travail gouvernemental.
Tout est prévu pour que l'évènement couvre l'ensemble du royaume. Ainsi, les chaînes de T.V interrompent leurs programmes pour être au rendez-vous. Plus, les autorités publiques, dans un effort de médiatisation, rassemblent les notables et les responsables politiques de chaque région, souvent au siège des préfectures, pour qu'ils puissent assister en public au discours royal. D'un autre côté, les stations radio ne dérogent pas à la règle. D'autant plus qu'elles représentent le seul et unique canal de communication pour les régions enclavées et dépourvues d'électricité. Sans compter la couverture consacrée par la presse écrite à un tel évènement. Ainsi, le lecteur peut trouver le texte intégral du discours dans certains quotidiens officiels. Plus encore, les ressortissants marocains à l'étranger (MRE) ne sont pas en reste, dans la mesure où ils bénéficient d'un site sur le Web, couvrant l'ensemble des activités royales y compris les discours du roi.
Speech royal
D'après Francis Balle (1980), spécialiste en communication, " le discours est un message émis par A (un individu ou un groupe) et reçu par B par le bias d'un support de transmission ". Si on essaye de transposer ce schéma directif sur le cas des discours royaux, on obtiendra le résultat suivant : l'émetteur (A) est la source du message, en l'occurrence le roi. Le récepteur (B) est le destinataire du message : aussi bien les sujets et les acteurs sociaux que la communauté internationale… Le message est le contenu transmis dans les discours du roi. Le média est le canal de transmission des allocutions royales (T.V, radio, presse écrite, Internet).
Donc, il semble établi que les discours royaux constituent une forme privilégiée de la communication politique au Maroc. D'ailleurs, différents arguments attestent positivement de cet état de fait : d'abord, il n'est nul besoin de rappeler l'attention particulière accordée par les acteurs politiques aux discours royaux. En effet, les allocutions royales recèlent une importance suprême dans l'orientation de la politique générale du pays. C'est pourquoi, tous les acteurs politiques, entre autres, accordent le plus grand intérêt aux directives comprises dans les discours du roi et veillent à les mettre en œuvre autant que faire se peut.
Ensuite, le nombre croissant des discours royaux contribue à les doter d'une autorité incontestable leur permettant, par là même, de se placer au sommet de la pyramide institutionnelle. En effet, la fréquence des allocutions royales prononcées au grand public suivent une courbe ascendante qui réduit la communication gouvernementale à une peau de chagrin. D'autant plus que les discours royaux peuvent être élevés au rang de dahirs.
Enfin, les discours royaux excellent par l'adoption d'un système de rénovation qui assure la diversité et la richesse des allocutions. Ainsi, les discours du roi prennent plusieurs formes en fonction du cours des évènements. À cet égard, on relève trois types de discours : primo, les discours royaux à l'occasion des fêtes nationales. Secundo, les discours politiques à l'image des allocutions royales lors de l'ouverture de l'année législative. Tertio, les discours diplomatiques notamment lors des manifestations internationales. Néanmoins, cette répartition demeure arbitraire puisqu'il n'est point de frontière déterminée entre les trois types de discours. Pour exemple, un discours royal à l'occasion d'une fête nationale peut très bien véhiculer des décisions politiques majeures.
Le style c'est l'homme
Il va sans dire que le discours reflète la personnalité de son auteur (T.Vincent 2000). Aussi, les communications royales sont une occasion pour le roi de mettre en valeur son image de marque auprès du grand public. En effet, les discours royaux télévisés constituent un moment privilégié pour le roi pour marquer de son empreinte sa politique générale et sa vision de l'avenir. Pour cette raison, autant de qualités sont requises pour donner à l'orateur et à son discours toute l'ampleur et la portée souhaitées : la maîtrise de la langue, la concordance gestuelle, la clarté de la prononciation, le jeu de regard….etc.
D'après une analyse des discours du roi Mohammed VI, depuis son accession au trône, il apparaît que les allocutions royales, au moins au niveau de la forme, n'ont pas subi de transformations majeures. En d'autres termes, le roi avait préservé intacte la configuration structurelle traditionnelle des discours royaux.
En effet, la visualisation de quelques discours nous renseigne sur le style de l'orateur dont l'allure générale et la voix constituent les composantes essentielles. Pour ce qui concerne l'allure générale du roi, il faut souligner le caractère modéré de son attitude lors de ses discours qu'il présente, d'ailleurs, d'une manière posée et convenable sans recourir aux gestes artificiels. Quant au timbre de voix, les allocutions royales sont marquées par une audibilité distincte, une tonnalité correcte, un débit convenable, une diction soignée et une amplitude moyenne.
Toutefois, deux modifications dans les discours sont à mettre à l'actif du nouveau roi : d'une part, l'observateur ne manquera pas de relever la réduction du temps des allocutions royales, devenues plus ou moins courtes et précises. Et d'autre part, il semble que le roi Mohammed VI ait opté pour un style plus orthodoxe qui privilégie l'allocution en arabe littéraire à celle en arabe dialectal. Mais, à part ces petites retouches, les discours royaux s'inscrivent dans un registre traditionnel dans lequel elles sont plus une occasion pour mettre en valeur l'image de marque du roi. Ainsi, par l'écoute attentive des propos du roi, les sujets renouent symboliquement avec leur sultan, qui représente, entre autres, le commandeur de tous les croyants.
Thèmes clés
Au cours de l'année écoulée et précisément depuis le 30 juillet 2001 à ce jour, le roi a prononcé 11 discours répartis sur trois registres de communication : les discours programmés adressés à l'occasion des fêtes nationales, les discours de politique nationale à l'image des allocutions lors de l'ouverture de l'année législative et les discours diplomatiques prononcés à l'occasion de manifestations internationales. Pour aller plus loin, seule une analyse du contenu des discours royaux est susceptible de faire la lumière sur leur sens politique intrinsèque.
Pour ce qui concerne le premier type de communications royales, il faut rappeler que le roi a prononcé, cette année, trois discours à l'occasion de trois grandes fêtes nationales: D'abord, le discours du 30 juillet 2001, à l'occasion du deuxième anniversaire de son intronisation. Trois idées principales avaient marqué l'allocution royale: primo, l'annonce de l'organisation des élections selon leur calendrier normal et, en particulier, la campagne électorale qui ne doit démarrer que dans les délais prescrits par la loi.
Secundo, la création , sous la haute sollicitude du roi, d'un institut royal de la culture Amazighe qui peut contribuer à la préparation du programme national pour l'enseignement de la langue Amazighe. Tertio, la nécessité de procéder à la révision du code des libertés publiques.
Ensuite, le discours du lundi 21 août 2001, à l'occasion du 48ème anniversaire de la Révolution du roi et du peuple et de la fête de la Jeunesse. Deux idées avaient retenu notre intention : d'une part, l'appel du souverain au "Jihad suprême" économique et social notamment par le développement de l'habitat, de l'équipement et de l'urbanisme. Et d'autre part, l'élaboration d'une politique d'immigration globale dont les fondations Hassan II et Mohammed V en sont de véritables animateurs.
Enfin, le discours du 6 novembre 2001 à la Nation, à l'occasion du 26 ème anniversaire de la Marche verte. Deux idées-clés avaient marqué l'allocution du roi : d'un côté, la mise en oeuvre d'un plan de développement régional intégré des provinces du sud. Et de l'autre côté, la réaction positive vis-à-vis du projet d'accord-cadre qui a été proposé par James Baker à l'O.N.U
Quant au deuxième type de communications royales, il serait utile de rappeler l'importance des discours royaux, relatifs à la politique nationale du royaume, en tant qu'indicateur fort de l'intervention de la monarchie dans le champ politique . En effet, le roi est intervenu cinq fois non seulement pour tracer les contours de la politique générale du pays, mais aussi pour annoncer des décisions politiques, qu'il avait estimé appropriées, suivant le cours des évènements.
Premièrement, le roi a prononcé, le vendredi 12 octobre 2001, comme à l'accoutumée, un discours à l'ouverture de la première session de la 5ème année législative de l'actuelle législature. Dans ce discours, le Souverain a réaffirmé, dans un premier temps, son attachement à l'expérience de l'alternance consensuelle et a annoncé le déroulement des élections législatives en septembre 2002, dans la sincérité et suivant le calendrier électoral. Et dans un deuxième temps, le roi a invité les partis politiques à accorder un intérêt particulier au nouveau projet de loi régissant les partis. Et dans un troisième temps, il a annoncé la création de centres régionaux de l'investissement en vue de renforcer la gestion déconcentrée des projets d'investissement.
Deuxièmement, le roi a adressé, le mercredi 17 octobre 2001, à Khénifra, un discours lors de la cérémonie d'apposition du Sceau chérifien scellant le dahir créant et organisant l'Institut Royal de la culture amazighe. Dans cette allocution, le roi avait affirmé l'attachement de la monarchie et des Marocains à la culture amazighe en tant que partie intégrante de l'identité nationale. C'était là une réponse politique claire à quelques mouvements de protestations amazighs qui brandissaient la menace séparatiste. La création d'un institut royal de la culture amazighe avait pour objectif d'apaiser les tensions et de pallier le scénario algérien en Kabylie.
Troisièmement, le souverain a lancé, dans son discours du jeudi 8 novembre 2001, à Marrakech, la 4ème Semaine nationale de solidarité. L'objectif annoncé par le roi était de lutter contre la pauvreté. Dans ce sens, il a salué les efforts considérables déployés par la Fondation Mohammed V. D'ailleurs, il s'est intéressé depuis son intronisation aux plus démunis, ce qui lui a valu la sympathie des populations déshéritées. Malheureusement, la pauvreté structurelle qui ronge le pays demeure omniprésente.
Quatrièmement, le Roi a prononcé, le mercredi 9 janvier 2002, un discours à l'occasion de la présentation de la Lettre Royale au Premier ministre, Abderrahmane Youssoufi, relative à la gestion déconcentrée de l'investissement. D'après le souverain, cette Lettre se veut aussi l'expression de la dimension économique du concept de l'autorité à travers l'élimination de toutes les entraves administratives qui empêchent l'émancipation de la liberté d'entreprendre en tant que levier essentiel pour stimuler les investissements, qui avaient
atteint le seuil de trois milliards de dollars d'investissements extérieurs au titre de l'année 2001. Enfin, le roi a rappelé que les pouvoirs attribués aux walis, en matière d'investissement, visent, avant tout, à appuyer l ‘action gouvernementale et non pas à la dépasser.
Enfin, lors de sa visite aux provinces du sud, le souverain a adressé, le mercredi 6 mars 2002, à la Place du Méchouar à Laâyoune, un discours royal à la communauté sahraouie.
Primo, le roi s'est engagé à négocier pour une paix juste et durable, sur la base de l'accord-cadre onusien. Secundo, il a décidé de créer une agence spéciale pour le développement des provinces du sud. Tertio, il a appelé à valoriser la vocation de la région comme plate-forme traditionnelle dans cet espace, marqué par le respect de la souveraineté du Maroc et de son intégrité territoriale.
En ce qui concerne le troisième type de communications royales, l'observateur ne manquera pas de relever l'importance des discours diplomatiques. Ainsi, le souverain a prononcé trois allocutions lors de trois évènements internationaux majeurs. À ce niveau, le roi s'est présenté comme le chef de la diplomatie marocaine qui avait pour tâche principale de déterminer la position diplomatique marocaine sur l'échiquier politique international, surtout après les évènements du 11 septembre survenus aux Etats-Unis. Moultes occasions témoignent de cette action :
D'abord, le souverain a prononcé, le jeudi 27 septembre 2001, à Rabat un discours à l'ouverture des travaux de la deuxième session de la conférence de l'Union du Conseil des Etats membres de l'Organisation de la conférence islamique. L'allocution royale était marquée par la condamnation vigoureuse du terrorisme, sous toutes ses formes. À cet égard, le roi avait incriminé l'ampleur de l'agression odieuse dirigée contre des civils innocents aux Etats-Unis d'Amérique et dénoncée par la Oumma musulmane.
Ensuite, le Souverain, a adressé, le mercredi 27 mars 2002 à Beyrouth, un discours à l'ouverture des travaux du Sommet arabe les 27 et 28 mars. Dans cette allocution, le roi a salué la sage initiative du Prince héritier saoudien Abdellah Ibn Abdelaziz. Car, selon lui, cette initiative recèle de nobles objectifs et exprime une volonté arabe sincère d'instaurer une paix juste, durable et globale. Et à la fin de son intervention, le roi a réitéré son soutien à la cause palestinienne, représentée par le président Arafat, et a condamné les actes barbares de l'armée israélienne contre le peuple palestinien.
Enfin, le roi a prononcé, le dimanche 17 mars 2002 au Palais des Congrès à Marrakech, un discours à l'ouverture des travaux de la 107 ème Conférence de l'union interparlementaire (UIP). Dans ce discours, le roi s'est dit satisfait de la rencontre des représentants des peuples appartenant à différents continents, Etats et cultures, sur la terre d'un pays arabo-musulman séculaire. Car, d'après lui, cette initiative atteste de la démocratie dans sa plus grande incarnation.
Conclusion
Tout semble indiquer qu'au Maroc les discours royaux constituent un vecteur privilégié pour la communication politique. D'ailleurs, les allocutions royales remplissent une triple fonction : primo, elles constituent une base solide pour renouveler les liens d'allégeance entre le sultan et le peuple. Autrement dit, l'allocution royale est une voie d'alimentation de la légitimité politique de la monarchie.
En effet, le discours royal télévisé met en scène un rituel politique qui cristallise les représentations sociales de la communauté à l'égard du Commandeur des croyants, étant le plus apte à défendre les intérêts de la nation et à garantir la sécurité et la paix de ses sujets. À ce niveau d'analyse, le contenu du discours est moins important que la portée symbolique des allocutions royales dont la principale mission est de consolider l'attachement du peuple à la monarchie. "Le message, c'est le média, par exemple, le fait de passer à la télévision est plus important que ce qu'on peut y raconter" disait Macluhan (1970)
Secundo, les discours royaux sont un instrument incontournable pour décider de la politique nationale que la monarchie juge appropriée pour le pays. En effet, force est de constater qu'au Maroc, c'est toujours le roi qui décide des grandes orientations politiques, économiques et sociales du pays. Vues sous cet angle, les allocutions royales peuvent être considérées comme le véritable gouvernail politique pour chaque gouvernement qui accède au pouvoir. D'ailleurs, les discours du roi peuvent revêtir une autorité légalo-rationnelle. À titre illustratif, le monarque peut conférer une distinction particulière à une Lettre Royale en la revêtant de l'Auguste Sceau Chérifien, de façon à ce que ses dispositions relevant des attributions du roi aient la force d'un dahir.
Tertio, les discours royaux sont un canal diplomatique, par excellence, qui véhicule les positions du royaume à l'égard des évènements internationaux. Ce faisant, les déclarations du souverain, lors des congrès et réunions internationales, par exemple, constituent un référentiel de marque pour tout le corps diplomatique national. Ainsi, c'est à travers les allocutions royales que le Maroc avait exprimé sa condamnation du terrorisme après les évènements du 11 septembre et avait approuvé l'initiative de paix saoudienne.
Maintenant, et à voir l'état actuel de la mise en œuvre des discours royaux, on relève rapidement un taux de concrétisation des directives royales très élevé. En fait, les décisions politiques du monarque se sont vite matérialisées. Les exemples ne manquent pas : la création d'un institut royal de la culture amazighe et une agence spéciale pour le développement des provinces du sud, la révision du code des libertés publiques, la mise en place des centres d'investissements régionaux déconcentrés, la mobilisation pour la lutte contre la pauvreté et récemment l'élaboration de recommandations opérationnelles pour le développement des provinces du sud, par la réalisation de plusieurs projets de développement socioéconomique.
Voilà au moins des communications qui trouvent un écho favorable auprès des responsables politiques et dont le message politique est reçu 5 sur 5. Reste à déterminer maintenant leur taux d'efficience et d'efficacité, c'est-à-dire la capacité de ses décisions politiques à atteindre les objectifs escomptés, en répondant aux besoins de la communauté. La réponse s'annonce des plus difficiles parce que le succès d'une décision politique dépend en premier lieu du contexte politique et socioculturel dans lequel elle est censée produire un effet. En d'autres termes, il serait illusoire de croire que la décision politique suit une courbe linéaire, mais c'est souvent le contraire qui se produit puisque tout dépendra de ceux qui vont la mettre en exécution et aussi du degré de leur adhésion.


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