Le roi de la pop, qui s'est éteint le 25 juin, laisse des millions de fans éplorés. Au Maroc, ses admirateurs comptent organiser plusieurs soirées en son souvenir. Mais peu savent que Michael Jackson avait déjà séjourné à Casablanca, et qu'il a même failli y donner un concert. Jeudi 25 juin 2009. L'annonce du décès de Michael Jackson, suite à un arrêt cardiaque, fait l'effet d'une bombe. Au scepticisme des premières heures succède le chagrin de millions de fans disséminés aux quatre coins du monde. De New York à Moscou et de Tokyo à Johannesburg, la planète pop pleure son défunt roi. Tels des orphelins, les adorateurs de Michael tiennent à manifester leur chagrin. Soirées d'hommage et veillées funèbres sont organisées de part et d'autre du globe. Merci la radio ! Le Maroc n'est pas épargné par l'onde de choc. D'abord prévue le samedi 27 juin à la place Mohammed V à Casablanca (la place Nafoura pour les intimes), une veillée en hommage au Roi de la Pop a été reportée au samedi 4 juillet. Le même jour, une autre soirée sera organisée à Marrakech dans le quartier de Guéliz à partir de 20 heures. “Munissez-vous de bougies et rameutez le maximum de médias pour montrer à la famille Jackson que les Marocains les soutiennent”, peut-on lire sur l'une des nombreuses pages des fans marocains qui ont fleuri ces derniers jours sur le site Facebook. En plus de Casablanca et Marrakech, plusieurs autres cérémonies sont prévues dans d'autres villes marocaines telles que Rabat, Fès ou Meknès. Point commun de ces happenings : leur mot d'ordre est souvent diffusé via le Net par des organisateurs et des fans issus de toutes les générations. Mais dès le début des années 80, bien avant l'arrivée d'Internet, la Michaelmania s'était emparée des jeunes Marocains. Fraîchement séparé des Jackson Five, le futur roi de la pop signe, en 1982, son premier véritable succès en solo en sortant son album Thriller. À cette époque, la télé marocaine ne connaissait pas le mot “clip” et les émissions musicales y relevaient de la science-fiction. Les fans locaux s'en remettaient donc à la radio pour savourer quelques tubes mémorables de leur idole. Billie Jean, The Girl is mine ou encore Beat it sont alors diffusés en boucle lors d'émissions musicales radiophoniques de Rabat chaîne Inter, dont surtout la légendaire Boogie du regretté Alifi Hafid. Les plus chanceux (et fortunés) arrivaient même à se procurer les galettes en vinyle du fameux album. Au milieu des années 80, Aziz Chihal, autre animateur vedette de la chaîne Inter, lui aussi disparu, diffuse à volonté les succès de Michael Jackson lors de ses deux émissions Graffiti et Disco Night. Entre-temps, la généralisation des lecteurs vidéo permet aux Marocains de découvrir les premières images de leur idole grâce à des cassettes VHS ramenées de l'étranger. Impressionnés par les effets spéciaux du clip de Thriller où Michael campe le rôle d'un loup-garou, ils sont surtout subjugués par ses pas de danse dont le fameux Moon-walk, véritable signature chorégraphique de la star. Michael Jackson devient dès lors l'icône de la jeunesse marocaine des années 80 jusqu'au milieu des années 90. Ses posters et ses albums, enregistrés sur disques vinyles et cassettes audio, se vendent comme des petits pains. Les booms, nombreuses à l'époque, donnent lieu à des concours de danse où l'on esquisse, tant bien que mal, quelques célèbres pas de la pop star. C'est donc en terre conquise que débarque Michael Jackson en cet été 1996. En provenance de l'Afrique du Sud, où Michael venait de rencontrer Nelson Mandela, l'avion personnel de la pop star atterrit presque en catimini à l'aéroport Mohammed V de Casablanca, dans la matinée du dimanche 21 juillet 1996. Et Michael foula le sol marocain Comme d'habitude, le roi de la Pop est accompagné d'une imposante délégation composée d'une cinquantaine de courtisans, de journalistes et de gardes du corps. Tout ce beau monde prend la direction de l'hôtel Sheraton, escorté par un imposant mais discret service d'ordre assuré par les hommes de Mohamed Mediouri, le garde du corps personnel de Hassan II. Malgré la confidentialité qui entoure ce voyage, une poignée de fans marocains, alertés par dieu sait quel moyen, affluent vers le palace casablancais. “C'était une chaude journée d'été, un dimanche de surcroît. Le nombre d'admirateurs ne dépassait donc pas la trentaine. Michael Jackson les a salués par un geste de la main, avant de s'engouffrer dans l'ascenseur en direction de sa suite royale située au seizième étage”, nous confie Khalid, le concierge de l'hôtel Sheraton. Officiellement programmée pour des raisons techniques, l'escale marocaine de Michael Jackson cache en fait un projet de concert. Un certain Monsieur Turiski, homme d'affaires français familier du milieu du show-biz, est l'instigateur de l'événement. “C'est ce monsieur, aujourd'hui décédé, qui avait contacté l'impresario de Michael Jackson quelques mois auparavant. Et c'est lui qui l'a convaincu de faire un crochet par Casablanca après son séjour en Afrique du Sud”, témoigne son ancien associé, qui tient à garder l'anonymat. D'après notre interlocuteur, le séjour marocain de Michael Jackson fut particulièrement court, ne dépassant pas une petite dizaine d'heures. “Après avoir négocié les termes du contrat et discuté du lieu et de la date du concert, le chanteur s'est enfermé dans sa suite… pour s'amuser avec une console de jeux vidéo”. Programmé dans le cadre de la célèbre tournée History World Tour, le concert de Casablanca devait être organisé durant le mois de septembre 1996, dans l'enceinte du stade Mohammed V de Casablanca. Dix petites heures et puis s'en va… Las, le spectacle tant attendu par les fans marocains de la pop star n'aura pas lieu. Il sera finalement déplacé dans un pays voisin : la Tunisie où Michael Jackson donne un concert au stade El Menzeh devant 60 000 fans durant le mois d'octobre 1996. “Invoquant des raisons de sécurité, le ministre de l'intérieur de l'époque, Driss Basri, nous avait clairement signifié que les autorités marocaines ne pouvaient pas s'aventurer à organiser un tel événement. Notamment à Casablanca. Avec le recul, je doute fort que ce soit la véritable raison”, souligne l'ancien associé de Monsieur Turiski. Curieux des coutumes locales, Michael Jackson profite de son bref séjour casablancais pour visiter quelques monuments de la capitale économique. Drapé d'une djellaba, il aurait ainsi effectué, selon plusieurs témoins, une balade incognito dans l'ancien quartier des Habous. Avant de faire une apparition spectaculaire dans la mosquée Hassan II. “Il était entouré d'une dizaine de gamins et des hommes de Médiouri”, témoigne un photographe de presse présent sur les lieux. Avant même la tombée de la nuit, l'avion personnel, qui a subi une visite technique, décolle vers les Etats-Unis. Michael Jackson ne reviendra plus jamais au Maroc. Mais sa visite de la mosquée Hassan II, la première d'un non-musulman dans ce lieu inauguré en 1993, ne passe pas sans susciter l'ire des islamistes au Maroc, comme ailleurs. Ces derniers reprochèrent aux autorités marocaines d'avoir autorisé un “mécréant”, une star de “la musique dépravée” de surcroît, à fouler le sol d'un lieu sacré de l'islam. Treize années plus tard, au lendemain de sa mort, ce sont ces mêmes barbus qui revendiquent fièrement l'islamité de Michael Jackson. Selon eux, le roi de la pop se serait converti à l'islam quelques mois avant son décès. Relayée par des médias aussi sérieux que le New York Times, cette information, qui semble n'être qu'une rumeur, accentue davantage l'épais voile de mystère qui a toujours entouré la vie, comme la mort, de la star. Majdoulein El Atouabi