C'était en 1983, le Maroc accueillait les Jeux méditerranéens. J'étais alors journaliste sportif à la Télévision marocaine. Afin de mieux couvrir l'évènement, dont l'essentiel des compétitions se déroulait à Casablanca, on m'a confié la responsabilité d'installer un studio fixe à Aïn Chock. Durant les Jeux, je m'occupais du relais entre les journalistes en couverture directe sur les différents sites sportifs. Chaque jour, on diffusait soit en direct, soit en résumant quelques évènements. Parmi les évènements dont nous ne fournissions que les résumés figurait la boxe. Les Jeux approchant de leur fin, trois boxeurs marocains s'étaient qualifiés pour les finales. Il s'agissait de Abdelhak Achik, dans la catégorie des 54 kg, Fadli chez les 60 kg et Tibazi pour les 72 kg. Les trois finales ont été programmées le 8 août, c'est-à-dire la veille de la clôture des Jeux méditerranéens. La veille des combats, nous avions décidé de passer à une couverture en direct. La question s'est alors posée : Qui allait commenter ? Personne au centre de diffusion ne s'est porté volontaire, sauf moi. Installé devant le ring, j'ai commencé par la présentation des trois combats et les chances des pugilistes marocains. Abdelhak Achik devait ouvrir le bal contre un boxeur syrien qui s'appelait Talal. En lisant la fiche que j'avais entre les mains, j'ai constaté que les chances de Achik étaient minces, mais je n'en ai rien dit. Le combat commence et, dès les premières secondes, j'ai vu que le pugiliste marocain était en difficulté. Emporté par mon élan, j'ai commencé à lire Al Fatiha en direct, en demandant à tous les téléspectateurs de la réciter. Petit à petit, la physionomie du combat changeait et Achik commençait à marquer des points. A ce moment, j'ai lancé cette phrase, devenue célèbre : “Aâtih a khouya Achik !”. Entre les rounds, j'ai invité les téléspectateurs à scandé avec moi : “Sla ou slam aâlik a rassoul Allah”. C'était devenu une fête, d'autant que Achik a fini par remporter le combat et donc la médaille d'or. Juste après le combat, Abdelhak Achik a reçu un coup de téléphone. À l'autre bout du fil, feu Hassan II, qui l'a chaleureusement félicité avant de lui demander de me passer le combiné. Feu Hassan II m'a alors dit : “Ce soir, je veille avec vous”. Il restait encore deux combats, celui de Tibazi et de Fadli. Tibazi n'avait presque aucune chance contre son adversaire turc. Il souffrait d'une blessure et son médecin lui avait même déconseillé de monter sur le ring. Mais quand je l'ai vu monter, j'ai dit : “Malgré sa blessure, Tibazi va combattre. Il va combattre pour la patrie”. Au bout des trois rounds, Tibazi est sorti vainqueur. Le troisième pugiliste marocain, Fadli, a fait de même et remporté lui aussi une médaille d'or. Le lendemain, le rideau allait tomber sur les Jeux méditerranéens de 1983. Pour la clôture, l'équipe nationale de football rencontrait en finale son homologue turque. Quand je me suis déplacé au stade, j'ai été salué par tous les membres du gouvernement. En rentrant chez moi le soir, j'ai trouvé ma femme, furieuse, qui m'a lancé : “Sais-tu combien de personnes m'ont appelé pour me demander : est-ce que ton mari a perdu la raison ?”. Propos recueillis par Imad Bentayeb