Des indices qui font le yoyo, des volumes insignifiants, des zinzins qui lèvent le pied… Depuis quelques semaines, la place casablancaise a du mal à sortir de sa torpeur. Et les oracles du marché sont plus que jamais partagés sur la tendance future. Seule certitude : la reprise n'est pas pour demain ! Indécis, le marché boursier donne le tournis aux investisseurs, qui ne savent plus où donner de la tête. Tantôt en hausse, tantôt en baisse, les indices de la place montent pour redescendre, font un pas en avant puis deux en arrière : aucune tendance claire ne se dessine à l'horizon. Les signes annonciateurs d'une reprise ? Il n'y en a toujours pas. Résultat : le marché marque un temps d'arrêt. Les investisseurs désertent la place, en attendant des jours meilleurs, et les salles de marché tournent au ralenti. Pour expliquer cette torpeur, trois analyses s'opposent : la fondamentale, la chartiste et, entre les deux, une troisième dite “indépendante”. Les analystes financiers rattachés aux brokers s'accrochent dur comme fer à leurs fondamentaux. Et semblent jouer une même partition. Pour la majorité d'entre eux, cet attentisme est amplement justifié par “l'inquiétude des investisseurs quant à l'évolution de l'économie dans un climat de crise économico-financière mondiale, et donc une anticipation des résultats en deçà des estimations”. Une situation qui, selon les avis recueillis, devrait durer jusqu'en septembre 2009, date de publication des résultats semestriels des sociétés cotées. Un récent rapport d'analyse d'Attijari Intermédiation transcrit ces dires en des termes presque poétiques : “Le marché ne devrait pas retrouver le chemin de la reprise, tant que les investisseurs ne sont pas rassurés sur la qualité des résultats de l'année 2009. Le mois de septembre devient alors une nouvelle date qui pourrait délivrer le marché de son mutisme”. Jamais sans mes courbes Cette vision, qui s'appuie principalement sur les fondamentaux des valeurs cotées et qui suppose donc un minimum d'efficience de la place casablancaise, est contredite par l'analyse chartiste. Scotché devant son écran, Adnane Cherkaoui, responsable de l'analyse technique chez TPS Fin (société de conseil indépendante en gestion de patrimoine), ne croit qu'à ses propres graphes en chandeliers japonais et ses propres indicateurs techniques. Et il est catégorique : la place de Casablanca n'a jamais été piloté par les fondamentaux . “La forte correction enclenchée début septembre 2008 n'a pas attendu la publication des résultats semestriels, qui sont pourtant ressortis au beau fixe”, explique-t-il. L'argument est recevable. Pour Cherkaoui, tout est question de psychologie. Et celle du marché ne se lit pas dans des comptes, mais bien dans des graphes ! L'hésitation d'aujourd'hui s'expliquerait donc par une bataille à couteaux tirés entre acheteurs et vendeurs autour des 11 300 points (niveau actuel du Masi, indice de toutes les valeurs cotées). Chacun tire de son côté, et c'est celui qui craquera le premier qui dessinera la tendance future du marché : “Si le Masi dépasse les 11 400 points, avec de forts volumes, on ira jusqu'aux 13 000 points (Ndlr : soit un potentiel de hausse de 14%). Mais s'il casse la barre des 11 100 points, on risque de rechuter jusqu'à 9 230 (Ndlr : soit un potentiel de baisse de près de 18%)“. Et c'est ce second scénario qui reste le plus plausible pour l'analyste. “Une chose est sûre, la reprise n'est pas pour demain. Nous ne sommes pas encore en fin du cycle baissier. Le marché doit encore s'alléger pour attirer des acheteurs en masse. Ce qui n'est pas envisageable avant juin 2010”. Haddi Gharib, ancien gestionnaire d'actifs, fondateur et ex-président de la Société marocaine des analystes financiers, abonde dans le même sens. Loin des arcanes de la corbeille et de ses enjeux, cet “ancien combattant”, reconverti en financier d'entreprise, dispose du recul (et de l'indépendance) nécessaire pour parler sans prendre de gants : “La tendance naturelle dans laquelle devrait s'inscrire le marché est la baisse. Mais il est malheureusement fortement manipulé par certains brokers et autres institutionnels au profit des patrons de quelques sociétés cotées. On le dope pour essayer de le maintenir en vie, au lieu de laisser les choses aller comme le veut le bon sens”. Le propos est accusateur, mais Gharib n'est pas seul à le tenir. Addoha, encore et toujours Pour illustrer ses propos, il cite l'exemple Addoha, l'une des valeurs qui font et défont le marché. “Le titre Addoha est dopé par un programme de rachat, qui vient de fixer les fourchettes d'intervention entre 130 DH et 200 DH. On force donc la tendance sur le titre, en le maintenant artificiellement, mais légalement, dans cet intervalle de cours”, soutient-il. Et la valeur Addoha fluctue justement depuis quelques jours dans cette fourchette (143 DH à la clôture de la séance du mardi 09 mai), après avoir gagné plus de 80% depuis le début de l'année ! Une envolée que d'autres analystes justifient par un effet de rattrapage. Gharib croit tout de même que le marché finira par imposer ses règles, et s'attend à ce que le Masi finisse l'année sur une note négative, variant entre -8% et -12%. “Le marché doit terminer l'année dans cette fourchette pour revenir à des niveaux de valorisation attrayants. Sinon, on ne fera que retarder la reprise. Les investisseurs qui gèrent leur patrimoine en bons pères de famille ne reviendront au marché qu'à un niveau de valorisation raisonnable”, assure-t-il. Mehdi Michbal