Miloudi est enrhumé. Voyant le soleil à travers sa fenêtre, il s'est empressé d'aller l'accueillir. Quelle ne fut pas sa surprise de voir son thermomètre recroquevillé sur un petit 12° et cette brise qui se faufile entre les rues que le soleil ne pouvait atteindre l'assaillir sans remords. Mais il en faut plus pour décourager un Miloudi qui, au lieu de rebrousser chemin et se couvrir convenablement, paria bêtement sur sa capacité à s'auto-réchauffer en marchant. C'est donc en éternuant tous les cent mètres, qu'il parcourut les cinquante mètres qui le séparaient de sa destination, affichant et sa fragilité et ses limites en mathématiques. Sorti pour prendre l'air, sans but précis, le froid et ses conséquences lui ont donné un but. Il devenait urgent, sinon d'acheter un plaid ou une doudoune, de trouver une épicerie pour se ravitailler en mouchoirs en papier pour éviter la hchouma au cas où il rencontrerait quelqu'un avec sa goutte au nez. Bénissant les dieux du petit commerce qui luttaient âprement contre leurs cousins de la grande distribution, il put trouver une petite échoppe, qui semblait construite autour de son locataire. Le vieux monsieur, qui en avait vraisemblablement vu d'autres, avait aussi développé une résistance au froid que n'égalait que sa capacité d'observation. Remarquant la chair de poule du Miloudi, au lieu de lui proposer un quelconque breuvage chaud, il se mit à disserter sur le le froid de Missour et Tendrara, sur les effets revigorants et vivifiants des faibles températures tandis que l'impénitent Miloudi sentait sa patience se dissoudre à mesure que son corps gelait. N'était sa bonne éducation, il aurait clos le caquet à son interlocuteur, mais cela lui était impossible devant le grand âge de l'épicier rusé. Rusé, car au lieu de tendre les mouchoirs libérateurs à son client, il faisait tournoyer entre ses doigts noueux l'emballage qui agissait comme les yeux du serpent Kaa sur Mogli, tout en continuant sa dissertation sur les changements climatiques que le pays avait connus depuis la nuit des temps. Miloudi ne voyait plus que ces morceaux de papier corsetés dans leur plastique et ses pensées allaient de l'épicier à sa maison et à la route qu'il aurait à refaire dans l'autre sens, quand son hôte daignerait le libérer et si le froid ne l'avait pas achevé entre temps.