La basse-cour Ni prolixe ni disert Je désespère Les mensonges des commères Les ragots des couturières Les plaintes des grand-mères Les complaintes des ménagères Les médisances des mégères Me mettent en colère! Je préfère l'air pur du désert Les histoires légendaires des pierres L'humilité sainte des sanctuaires le murmure apaisant des prières Et la symphonie envoûtante de la mer! Ni prolixe ni disert Je mets ma muselière Loin de moi l'érudition des penseurs La rhétorique des éminents professeurs La fluidité remarquable des auteurs L'emphase admirable des acteurs L'éloquence formidable des orateurs Et l'audace incommensurable des harangueurs Je préfère fondre dans la foule Me laisser emporter par la houle Devenir transparent et invisible Passer inaperçu Ni vu ni connu Simple citoyen Grain parmi les grains! Ni prolixe ni disert Je mets mon œillère L'élégance pompeuse des beaux parleurs La redondance stérile des hâbleurs La magnificence des spots publicitaires Les vociférations tonitruantes des militaires Les jérémiades lassantes des fonctionnaires Les théories rébarbatives des séminaires Les bavardages creux des commentaires Les vociférations des pseudo- révolutionnaires M'exaspèrent! Ni prolixe ni disert Je suis de mauvaise humeur J'ai horreur des profiteurs Au discours oiseux et trompeur Tous ces fallacieux menteurs Spécieux, capiteux, délateurs! Je ne supporte plus les panégyriques Les polémiques philosophiques Les discussions hystériques Les joutes oratoires colériques Les conférences académiques Les congrès politiques Les entretiens radiophoniques Me rendent allergique! Ni prolixe ni disert Je deviens sourd Je me méfie des commérages des réfectoires Des confidences des dortoirs Des conciliabules des couloirs Des soliloques des comptoirs Des divagations des soûlards Et des bobards des bars! Je préfère le froufrou des arbres Le bruissement des hautes herbes Le roucoulement des colombes La fraîcheur de l'ombre La lumière des clairières Et le rire des rivières! Ni prolixe ni disert Je me bouche les oreilles Je n'écoute plus les savants des cafés Les aliborons des salons de thé Les débats assourdissants de la télé Bavarde comme une pie! Je préfère être sourd-muet Ecouter la musique du silence Celui de la paix et de l'insouciance Celui de l'euphorie et de la réjouissance Celui de la transhumance et de sa transcendance Ni prolixe ni disert Je désespère Je ne supporte plus tout ce charabia Tout ce chahut, tout ce blabla Dégouté, écœuré et las Je fuis la basse-cour Et la laisse sans rancœur Caqueter, glousser Radoter, jacasser Rabâcher, ressasser Saluer, embrasser Enlacer, caresser Flatter, masser Ergoter, discuter Opiner, réciter Congratuler, féliciter Roter, fienter Se vanter, baragouiner Délier, baratiner Pérorer, cancaner Analyser, décortiquer Renier, critiquer Calomnier, médire Maudire, nuire Et mentir A n'en plus finir! Ni prolixe ni disert J'ai le haut-le-cœur Sans peur et sans remords Je quitte la basse-cour Et m'en vais avec certitude Promener ma solitude En toute quiétude Dans la pureté de l'altitude Là où tout est sérénité et béatitude Loin de la basse-cour fétide Vaniteuse, prétentieuse et absurde!