Mais pourquoi se demandait Miloudi en sortant de chez son ami imprimeur ? Pourquoi, quel que soit l'endroit où il y a des machines, les opérateurs portent-ils tous des blouses maculées ? Pourquoi les bus roulent-ils avec le capot ouvert ? Pourquoi les murs des ateliers qu'il visite sont tous ornés de couches noires et pourquoi les mécanos ont-ils les mains noires de cambouis ? S'agit-il d'un signe de reconnaissance ou de l'expression d'une intimité nécessaire avec les machines pour qu'elles donnent le mieux d'elles-mêmes ? Ou bien s'agit-il d'autre chose ? Peut-être une réminiscence de la faste période de notre enfance où les westerns mettaient à l'honneur le courage des Indiens reconnaissables à leur maquillage… Pourquoi enfin, comparaison oblige, les mêmes machines ne produisent-elles pas les mêmes effets selon que l'on soit au bled ou en Europe ? En Allemagne, difficile de faire la différence entre une imprimerie et une clinique, entre un médecin et un opérateur, qui au passage, arborent la même blouse, tout droit tiré d'une publicité vantant la blancheur que permet la lessive rêvée de toutes les ménagères. En cette période de crise mondiale, en ce moment où l'on essaie de se racheter une conscience écologique, il y a là un filon encore inexploité par les politiciens en manque d'inspiration. Imaginons un instant la quantité de détergent et d'eau nécessaires à l'éradication de ces tâches tenaces, sans oublier cette graisse qui, au lieu de lubrifier quelque mouvement, échoue sur un morceau de toile où elle ne sert à rien. Imaginons un mouvement qui vanterait le geste précis autant que propre et toutes les économies qu'il recèle. Nul doute que ce faisant, nous pourrions certainement gagner en efficacité mais aussi en esthétique.