Un déficit public de plus de 7,1 % de l'aveu même du ministre de l'économie et des finances, une Caisse de compensation qui absorbe la bagatelle de pas moins de 50 milliards de dirhams, le taux de croissance enfin n'atteindra que 2,7 % au lieu des 5 % réalisés l'an dernier. Nizar Baraka, tout à sa volonté de parler vrai, justifie cette baisse tendancielle par le lourd fardeau de la Caisse de compensation – ce sempiternel « serpent de mer » -, ensuite à une mauvaise pluviométrie et la vague de froid qui sévit, enfin à la hausse continue des matières premières, dont le pétrole notamment. Sauf à vouloir lui chercher la petite bête, comme on dit, le ministre de l'Economie et des finances ne saurait être le seul responsable d'une telle involution. D'autant plus que la problématique de la Caisse de compensation n'est ni nouvelle, ni originale. Depuis des décennies, elle n'a jamais cessé d'être structurelle. Pour ce qui est du taux de croissance, pourrait-on s'attendre à mieux dans une conjoncture marquée par la crise, et quelle crise ! , résultat de la récession européenne, de la « panne » dont dépend à coup sûr l'économie marocaine ? L'économie nationale traverse donc une phase cyclique difficile, mais elle n'en meurt pas. A l'instar d'autres pays, le Maroc cultive la résilience, il reste confronté en revanche à une série d'autres problématiques. Elles se déclinent sur les fronts du social, du politique et des valeurs. Ce mercredi, le chef du gouvernement est invité à la séance des questions orales à la Chambre des conseillers, ce passage obligé devenu incontournable, mais de plus en plus interpellateur, tant l'ardeur des élus de la deuxième chambre est remontée et leur appétit aiguisé. Que dira-t-il , donc , le chef du gouvernement qui n'en finit pas de subir les critiques et s'efforce de tenir tant bien que mal le gouvernail ? La cession parlementaire est en phase d'achèvement et le travail du parlement, à travers ses séances plénières ou les Commissions, devrait être sanctionné par un constat tangible. Le serait-il ? Crise d'intolérance L'année 2013 sera « l'année terrible » pour le gouvernement de Abdelilah Benkirane ! Elle conjugue plusieurs dimensions perverses : les arrêts de travail qui se multiplient , les débrayages dans les usines, les manifestations des diplômés chômeurs qui se sont institutionnalisées devant le parlement, livrant une image désolante à la fois du laxisme forcé des autorités et des menaces d'insécurité qui pèsent sur cette institution ; la guerre des chefs au sein des partis qui sont ébranlés depuis un an et demi maintenant ; la crise de confiance chez les jeunes qui ne s'identifient pas ou plus à la politique ; enfin la crise d'intolérance – et c'est beaucoup plus profond qu'on y pense – qui est à notre société ce qu'un abcès est à l'organisme. Ces sujets si génériques sont, à vrai dire, le reflet d'un mouvement en profondeur dont on ne sait s'il est porteur d'une dynamique de progrès ou de régression. Les changements annoncés tambour battant ne voient pas, ou difficilement, le jour et ce sont des « outsider » comme Hamid Chabat qui font aujourd'hui, faute de mieux, l'actualité par leurs sorties fracassantes, le défi qu'ils lancent au gouvernement ! Chaque semaine apporte son lot de nouvelles spectaculaires, dont une certaine presse se fait une spécialité, pour alimenter une information réduite à une peau de chagrin. Le parlement achève plus ou moins sa session, mais la réforme de la Justice attend toujours, alors que le roi en a lancé, dès le mois de mai 2012, les grandes lignes ! Celle de la Caisse de compensation et de la Caisse des retraites suscite presque un irascible soulèvement dans les rangs de l'opposition, enfin la prise en compte des intérêts de la classe moyenne et pauvre semble provoquer , dans la foulée, une forte réaction des députés, y compris de la majorité. Crise de confiance Or, le verdict sévère , consensuel dans sa forme et varié dans ses arguments de fond, ne porte pas uniquement sur la politique générale du gouvernement que M. Benkirane s'évertue à défendre. Il tient aussi à la désormais rampante crise des valeurs, disons à la « crise de confiance », pour reprendre une expression commune. C'est bel et bien d'un malaise qu'il convient de parler face à ce délitement qui semble caractériser le pouvoir. Celui-ci est confronté à un double défi, politique et socio-économique ! La majorité, disons cette coalition de partis – allant de la gauche aux conservateurs – est en pleine polarisation parce que chacun de ses membres n'a qu'un souci, celui d'afficher davantage sa singularité et fait peu cas de ce qu'on appelle la « solidarité gouvernementale », à tout le moins la discipline exigée. Si Hamid Chabat semble calmer le jeu l'instant, donnant un répit relatif à cette coalition dont il fait partie, c'est – logique personnelle oblige – pour mieux affûter ses armes et rebondir encore plus fortement dans les semaines ou mois à venir. Comme on a dit , « l'épée de Damoclès » de Chabat est suspendue encore sur la tête du gouvernement actuel, le parti de l'Istiqlal étant la deuxième force et donc un virtuel porteur de changement ministériel, voire même de crise aggravée. Les autres partis politiques de la majorité ne sont pas mieux lotis, le Mouvement populaire opérant en douce sa mue transformatrice et le PPS jouant une légitimité imposée par les circonstances. La question qui se pose dans ces conditions, à l'aune d'une « année terrible » , marquée par la conjugaison aggravée de la crise économique et sociale et du malaise politique en gestation, sur fond d'un mécontentement social généralisé, est de savoir jusqu'à quand ?…La magie verbale, les prestations solennelles, les forfanteries mêmes continueront-elles à faire office de discours politique ? A méduser des populations assommées par la hausse des prix vertigineuse ? On a compris , en définitive, que c'est l'absence pour ne pas dire l'inertie de l'opposition, RNI, PAM, USFP, UC et autres, leur splendide isolement qui laisse la part à la coalition gouvernementale ! On attend donc cette amélioration globale pour tous ceux qui ne désespèrent. A moins que le chef de gouvernement, amateur de formules cocasses, n'ait son secret, comme on dit « un cadavre dans le placard » !