C'est la première fois au Maroc qu'une action en justice est déposée en annulation d'une décision du Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM). Abdarraza Ellaji, un petit porteur de la ville d'Agadir détenant 19 400 actions Ennakl a déposé mardi 28 décembre 2012 « une action en annulation de la décision du CDVM tendant à l'exemption du consortium poulina du dépôt de l'OPA » demandant ainsi l'annulation de la décision pour excès de pouvoir en violation de la loi marocaine. Fondement juridique de ce recours, « la violation de l'article 18 et 19 de la loi 26/03 relative aux offres publiques sur le marché boursier ». 3 000 petits porteurs contrariés La décision du gendarme de la bourse de Casablanca de s'aligner sur celle de son homologue tunisien CMF de dispenser le consortium Parenin-Poulina de procéder à l'appel public d'achat (OPA), publiée jeudi 27 décembre 2012, a fait monter la grogne de l'expert comptable. « J'ai acheté les actions Ennakl suite à l'acquisition des parts de l'état tunisien (60%) par le consortium Parenin/Poulina et ce dans le but de réaliser une plus value. Quand le CDVM a décidé le 27 décembre dernier de dispenser le consortium de procéder à l'OPA, mon portefeuille a perdu près 40% de sa valeur » nous explique-t-il. Cela représente des dizaines de milliers de dirhams de pertes pour Abdarrazak Ellaji et ce sont 3 000 autres petits porteurs qui sont aujourd'hui dans la même situation. Une OPA est obligatoire dans les trois jours qui suivent la transaction, dès détention de 40 % du capital d'une société cotée à la Bourse de Casablanca. Le consortium Parenin/Poulina détient désormais 65 % d'Ennakl. Certes les articles 18 et 19 de la loi 26-03 relative aux offres publiques sur le marché boursier parlent de dérogation à l'obligation de faire un appel public d'achat. Toutefois cette dérogation est limitée à des cas particuliers : « Une dérogation peut-être accordée lorsque le franchissement du pourcentage, (...) ne remet pas en cause le contrôle de la société concernée, existant préalablement audit franchissement, notamment en cas d'une réduction de capital de la société concernée ou d'un transfert de propriété de titres entre sociétés appartenant à un même groupe de sociétés ». Non respect de la loi ? De plus, précise l'article 19, « une dérogation peut également être accordée lorsque les droits de vote qui viennent d'être détenus en franchissement du pourcentage, résultent d'un transfert direct d'une distribution d'actifs réalisée par une personne morale au prorata des droits des actionnaires suite à une fusion ou un apport partiel d'actifs ou d'une souscription à l'augmentation de capital d'une société en situation de difficulté financière compromettant la continuité de l'exploitation ou qui fait l'objet d'une des procédures de traitement des difficultés de l'entreprise ». La dispense qui a été accordée au consortium Parenin-Poulina n'est donc pas prévue par la réglementation marocaine puisque l'Etat tunisien s'est totalement désengagé au profit d'opérateurs privés en leur cédant les titres ainsi que les droits de vote y afférant. L'objectif de Abdarrazak Ellaji est aujourd'hui de rétablir la situation et de faire respecter la loi. Pour rappel les parts d'Ennakl détenues par la famille Ben Ali (60% du capital) avaient été confisquées en 2011 par l'Etat tunisien, qui les a revendues fin novembre à un consortium tunisien, Parenin/Poulina. Le régulateur tunisien (CMF) avait ensuite dispensé le consortium de l'obligation de procéder à une offre publique d'achat, considérant notamment que l'opération ne porte pas atteinte aux intérêts des détenteurs d'actions Ennakl, lesquels intérêts résident dans la cession de la participation de l'Etat à un investisseur stratégique capable de gérer et de développer la société. Après une période de silence, le CDVM a finalement décidé le 27 décembre dernier de s'aligner sur son homologue tunisien de dispenser le consortium Parenin/Poulina de procéder l'OPA.