Que ce soit l'un des premiers Sommets de l'OUA, l'espace également où le Maroc claqua la porte de cette institution en novembre 1984, celui où les prouesses de leaders, comme Senghor, Houphouët Boigny, Sékou Touré ou Hassan II, Addis Abeba incarne à la fois le mythe et le chemin incontournable. Depuis samedi dernier, le ministre marocain des Affaires étrangères, Saâd Eddine El Othmani est, dira-t-on, en tournée diplomatique. Dans le carré du Sommet que l'OUA y a tenu, mais en marge des travaux, il multiplie rencontres et pourparlers. « Missi dominici » , il a été reçu par plusieurs chefs d'Etat africains, dialogué avec nombreux de ses homologues et s'est fait un devoir – tout à son honneur – d'obtenir des déclarations aussi fermes que significatives sur l'appui que la majorité des Etats du continent apportent au Maroc dans l'affaire du Sahara. Les chefs d'Etat du Bénin, du Malawi et du Sénégal, pour commencer, n'ont pas eu de mots assez forts pour renouveler leur soutien au Maroc ! Leurs ministres des Affaires étrangères les ont relayés, avec une même conviction forte, soulignant par ailleurs la qualité des relations bilatérales et l'esprit qui préside à la coopération avec le Royaume du Maroc. M. Saâd Eddine El Othmani ne peut pas ne pas être conforté, à la fois au niveau de sa mission, de son approche globale directe et des objectifs qu'il s'est assignés. Il est vrai que, initiative personnelle ou pas, le Maroc est constamment appelé à se repositionner dans une Afrique qui bouge et dont les politiques d'Etat sont aussi fluctuants. Saâd Eddine El Othmani semble faire sien désormais le credo que l'affaire du Sahara ne cessera jamais de constituer la pierre angulaire de notre diplomatie, mais paradoxalement, de la diplomatie algérienne en Afrique. Le Maroc africain La mission du chef de la diplomatie marocaine à Addis Abeba se fixe apparemment un double pour ne pas dire un triple objectif : renforcer le plan bilatéral les relations entre le Maroc et les pays d'Afrique ; plaider notre cause en ce qui concerne le Sahara et l'intégrité territoriale ; conforter enfin le soutien d'une très large majorité de pays qui militent, dont certains depuis des années, en faveur du retour du Maroc dans le giron de l'Union africaine (UA). La démarche marocaine s'articule sur ce triptyque désormais érigé comme l'incontournable architecture. Depuis que le Maroc a quitté, avec fracas mais sans perte, l'OUA en 1984, il n'a cessé de développer des relations bilatérales avec les Etats d'Afrique, quels que soient leurs régimes et leur particularité, érigeant la coopération économique et technique au critère non pas d'un symbole, mais d'une dimension exemplaire. Et les visites de Mohammed V dans une série de pays, couronnées de succès, y ont joué l'accélérateur. C'était en quelque sorte pallier au vide, contourner l'obstacle et, « in fine » relever le défi de l'isolement qu'une Algérie, pétro-dollars et hégémonisme obligent, furieuse et agressive entendait lui imposer, bon an mal an. Au bout du compte, peut-être même ne s'y attendait-il guère, cette diplomatie bilatérale, ce modèle de relations directes institutionnalisé, a-t-il été plus porteur que les habituelles sarabandes des sommets et podiums divers...Le plaidoyer « pro domo » pour notre intégrité territoriale, n'a d'égale que son attachement au droit et à la légalité. Membre fondateur de l'OUA entre 1961 et 1963, le Maroc avait largement participé à la rédaction de la Charte de l'organisation panafricaine qui, entre autres serments solennels mais résolutions irréversibles, stipulait que l'intégrité territoriale des Etats était irréfragable...C'est un principe fondateur de l'OUA, c'est en son nom que, de nos jours, des Etats d'Afrique et la France interviennent de concert au Mali pour rétablir son unité nationale, sa souveraineté et son intégrité territoriale... Un retour au bercail ? Sous quelles conditions ? Le soutien à ce propos que les chefs d'Etat africains renouvellent au Maroc, assorti de déclarations officielles, réconforte certes le Maroc...Mais il va dans la logique imprescriptible d'une normalisation nécessaire. Car, en cas contraire, la question se poserait en ces termes : pourquoi ce qui est bon ici , bien défendu ne le serait-il pas là, dès lors que les contextes sont plus que similaires. Et, soit dit en passant, pourquoi l'Algérie défend-elle – officiellement au moins – le principe de l'intégrité territoriale au Mali et s'oppose-t-elle avec acharnement à celle du Royaume du Maroc qu'elle combat avec non moins d'acharnement ? On en arrive, et c'est à coup sûr le troisième volet que la mission de Saâd Eddine El Othmani comporte, au retour éventuel, discuté, défendu et envisage même du Maroc au sein de l'Union africaine. Depuis deux décennies, avec insistance et une irréductible volonté, les gouvernements africains et pas seulement les amis traditionnels et fidèles, chaque jour plus nombreux, appellent solennellement au « retour du Maroc au bercail africain ». Ils ne tolèrent plus l'injustice qui lui est faite, mais se heurtent, néanmoins, au refus sournois de l'Algérie, de l'Afrique du sud et de certains gouvernements qui leur sont encore inféodés... Or, si le retour du Maroc pose problème, ce n'est pas seulement parce que certains irréductibles s'y opposent – encore qu'ils ne sont qu'une poignée dont les bravades ne convainquent plus personne -,mais parce que le gouvernement marocain pose, de raison, ses propres conditions : à savoir la logique et nécessaire exclusion de la Rasd de l'Union africaine. C'est à coup sûr la condition « sine qua non »... Saâd El Othmani, le franc succès empoché, ne semble apparemment pas transiger sur ce point...