La frustration de la population fut l'un des facteurs qui ont motivé les mouvements populaires au Moyen-Orient ces dernières années. Pourtant, le niveau de la corruption demeure élevé dans la région. Selon le dernier indice de perception de la corruption de Transparency International publié au début du mois de janvier, la plupart des pays arabes ont reculé dans le classement par rapport à l'année dernière. La corruption, favorisée par un cadre juridique faible et l'absence de mécanismes de mise en oeuvre adaptés, est profondément enracinée dans bon nombre de sociétés du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord. Pour traiter cette question envahissante et créer une culture de la transparence, les efforts doivent être multilatéraux, impliquant acteurs civils, gouvernements et plateformes régionales pour renforcer la collaboration et échanger les meilleures pratiques. Heureusement, le Printemps arabe est loin d'être terminé. Outre les changements qu'il apporte au sein des pays, il motive aussi des mouvements multinationaux d'individus et de groupes oeuvrant ensemble pour des objectifs locaux similaires. Fin novembre 2012, plus de quarante activistes du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord se sont rencontrés au Caire pour discuter des stratégies visant à enrayer la corruption dans la région. Le but de la rencontre, organisée par le Réseau arabe pour le renforcement de l'intégrité et la lutte contre la corruption (ACINET), était d'élaborer une stratégie commune pour répondre à différentes situations. Des experts, des universitaires et des acteurs de la société civile d'Egypte, de Libye, de Jordanie, du Maroc, du Liban, d'Arabie saoudite, de Bahrain, du Koweït, des Territoires palestiniens, de Djibouti, du Yémen et de Mauritanie se sont concentrés sur quatre principales mesures anti-corruption: le recouvrement d'actifs provenant de la corruption, le droit d'accès à l'information, la corruption sur les terres du domaine publique et la lutte contre l'impunité. Ces quatre problèmes seront développés dans des documents où seront articulées les stratégies, sur la base des discussions lors du séminaire.Les participants ont souligné les possibilités que les soulèvements arabes ont fait naître pourlutter contre la corruption ainsi que la nécessité de favoriser la coopération avec des institutions publiques et des alliances régionales tout en attirant l'attention sur les effets pervers de la corruption.En effet, les soulèvements ont offert une occasion à saisir: Ibrahim Ali, de la Libyan Transparency Association, a expliqué que l'un des objectifs de son organisation était de faire pression sur les autorités pour récupérer l'argent détourné par la corruption et d'engager les autres pays à participer au processus de récupération des actifs financiers libyens à travers le monde.L'ONG a été créée en mai 2011 à Benghazi, peu après la révolution. La création de cette organisation et de bien d'autres peut, en partie, être attribuée au fait que la Libye a grimpé de 8 places, se plaçant au 160ème rang, sur l'indice de perception de la corruption de Transparency International après la fin de la guerre civile, en octobre dernier.A titre d'exemple, durant les élections libyennes, plus de dix mille activistes de la société civile se sont inscrits à la haute Commission électorale nationale pour être observateurs électoraux.Parmi ces organisations, l'Association libyenne pour l'observation électorale fondée par des femmes libyennes. Le jour du scrutin, 686 observateurs ont été envoyés dans tout le pays pour surveiller les procédures. Cette démarche a renforcé la confiance des Libyens dans le fait que les élections ne pouvaient pas être manipulées. La Libyan Transparency Association a également demandé la publication de tous les contrats gouvernementaux signés sous le régime Khadafi et après, accordant une attention particulière aux secteurs pétrolier et financier. Dans cette période difficile mais cruciale de transition post-Khadafi vers la stabilité et la démocratie, les organisations de la société civile ont joué un rôle primordial dans la réforme de la société et le maintien d'un gouvernement responsable, chose impensable avant la révolution. Par ailleurs, les gouvernements deviennent plus réceptifs aux suggestions de la société civile. Le Liban n'a pas encore ratifié les Conventions des Nations unies contre la corruption (UNCAC). Il constitue l'un des cinquante pays les plus corrompus au monde selon Transparency International. Cependant, en 2007, le ministère des Finances et la Lebanese Transparency Association (LTA) ont convenu d'un Mémorandum d'Accord sur des mesures devant être prises pour obtenir plus de transparence. Au cours des années qui ont suivi, le ministère a publié les résultats budgétaires désormais accessibles au public et a produit un document intitulé le ‘'budget du citoyen'' pour assurer le suivi des dépenses, revenus et dettes publiques majeurs. Il reste beaucoup à faire à tous les niveaux. Toutefois, le changement a commencé au niveau individuel.Plus tôt ce mois-ci, le directeur général de la LTA, Rabih El Chaer, a tenu à ce que le public lutte contre la corruption en refusant de participer à TEDxBeirut, un événement TED organisé de manière indépendante. Il a souligné les événements de la vie quotidienne où les dessous-de-table peuvent être considérés comme la seule façon d'accomplir quoi que ce soit. Avec les élections parlementaires prévues en juin 2013, c'est sans doute le premier de nombreux messages anti-corruption auquel on peut s'attendre dans les prochains mois. La corruption étant profondément enracinée dans la société, un changement pour promouvoir la transparence et transformer la culture des pots-de-vin pourrait bien commencer au niveau des individus et des institutions..