Star singulière du 7e art, Hiam Abbas a toujours suivi sa bonne étoile. Palestinienne, née en Israël en 1960, elle vit actuellement en France, mais a couru le globe, poursuivant une quête d'universalité, et se sent chez elle aussi bien à Madrid, qu'à Tunis ou Beyrouth. Elle est passée derrière la caméra. Héritage, son premier long-métrage est sorti en salles en France. Actrice, réalisatrice et productrice, elle est l'une des rares comédiennes à jouer en arabe, en hébreu, en anglais et en français ! Photographe à Jérusalem, elle intègre, en 1982, la troupe de théâtre palestinienne El-Hakawati. Elle ne quittera plus les planches. Après un détour par Londres, elle suit l'homme qu'elle aime à Paris, en 1989. Deux filles naîtront de cette union. En 2002, elle tourne la tête des spectateurs avec ses déhanchements sensuels dans Satin rouge, de la Tunisienne Raja Amari. Hiam Abbas passe d'un univers à l'autre. Elle tourne avec des réalisateurs français, israéliens (Amos Gitaï et Eran Riklis), palestinien (Paradise now de Hany Abou Assad), égyptien (Yousry Nasrallah), américains (Munich, de Spielberg). Elle a également été à l'affiche de The Visitor, de Tom McCarthy. Aujourd'hui, elle signe Héritage, un premier long-métrage en tant que cinéaste. Une histoire familiale, un film choral, qui évoque dans la fureur de la guerre en Galilée, les déchirements d'une famille palestinienne. Alors que les disciples de cette fratrie sont sur le point de célébrer un mariage, le grand-père et patriarche tombe dans le coma. Ce triste événement suscite alors des convoitises sur sa fortune. Mais, au même moment, une sœur de la future épouse, Hajar, interprétée par Hafsia Herzi, décide contre l'avis de tous de s'affranchir de tous afin d'aller vivre au loin avec son amoureux britannique. La comédienne et cinéaste Hiam Abbas. Traces de son enfance Qui mieux que la comédienne Hiam Abbas, pouvait réaliser un film sur fond de terre, de liberté, de tiraillement ? « J'ai grandi à Deir Hanna, un village en Israël. J'ai été particulièrement marquée par le jardin de mes parents, d'où je contemplais les montagnes. C'est un endroit où se trouvait tout ce que j'aime. Son souvenir éveille en moi de fortes sensations liées à mon enfance, une période très heureuse : le parfum des plantes, la lumière variant selon l'heure du jour, les différentes couleurs des caméléons, les amandiers de mon père. Je me souviens d'une fleur, nahssen, celle qui s'endort. Ses pétales s'ouvraient le matin et se refermaient à la nuit tombée. C'était un spectacle, dont je ne me lassais jamais, captivée par sa couleur pourpre. J'ai le sentiment que dans ce jardin, j'ai enterré nombre de mes frustrations d'adolescente… » , nous confiait-t-elle, poursuivant de sa voix grave, « à 15 ans, j'étais perdue, le quotidien de ce petit village ne correspondait pas à mes rêves, j'étais alors habitée par la volonté effrénée de les réaliser. Mes parents et l'éducation qu'ils m'ont inculquée, ont été la réponse à mon besoin d'exorciser mes frustrations. Ils m'ont appris le respect de l'autre mais aussi le pardon ». Devenue photographe, Hiam Abbas doit immortaliser à coups d'instantanés les comédiens d'une troupe de théâtre, plusieurs années plus tard. C'est à elle que le metteur en scène demande d'interpréter un rôle. Son destin est définitivement lié à la comédie ainsi qu'au 7e art. « Le cinéma est un formidable vecteur de communication, un médium ouvert sur l'extérieur. J'aime les surprises qu'il réserve, la découverte de certaines émotions face à l'interprétation d'un rôle : on apprend sans cesse sur soi-même et sur l'inconnu, c'est un peu se jeter à la mer, puis il faut savoir se laisser entraîner, accepter d'aller vers d'autres rives…» Des rives qui la mèneront tour à tour, à travers les univers des plus grands cinéastes et à la rencontre de nombreux pays : « La terre est selon moi, un concept métaphorique. J'ai appris que la notion de rapport à la terre peut être poétique, et non pas seulement passionnel. C'est un endroit où l'on peut rêver, partager : la terre peut garder bien des secrets, en plus de garder nos corps… Elle est comme une vaste tombe prête à accueillir tout ce que l'on souhaite y enfouir. Je n'aime pas la notion d'appartenance. Et je ne me suis jamais sentie en exil. Je suis un être humain au cœur de l'immensité du monde. J'ai toujours été portée par la liberté. La vie et le monde sont si vastes, ce sont des espaces infinis où chacun doit partager ses différentes expériences ». En attendant d'explorer d'autres formes d'expressions et d'aires géographiques, Hiam Abbas, est une artiste dont il appartient de découvrir le regard humain et cinématographique. * Tweet * * *