Benoît Jacquot, cinéaste parisien qui parle un langage vrai et syncopé comme ses personnages, est un homme heureux. Il vient d'être récompensé vendredi 14 décembre par le prix Louis-Delluc pour son dernier film, les Adieux à la reine. Il nous a accordé un entretien au 12e FIFM où il a présidé le jury Court-Métrage. Extrait du film les Adieux à la reine. Bourreau de travail, qui ne cesse de humer l'air de la pellicule depuis la fin des années 1970, Benoît Jacquot a tour à tour dirigé les plus grandes comédiennes d'Isabelle Huppert à Isabelle Adjani. Il fait ses premières armes avec Bernard Borderie, Marcel carné, Marguerite Duras, Roger Vadim ou encore Jacques Rivette. Réalisateur pour la petite lucarne comme le grand écran, il a plus de 20 films au compteur, comme cinéaste et a écrit les scénarios de « Retour à la bien-aimée » et « Buisson ardent ». Il a notamment tourné « L'Ecole de la chair » (1998) avec Isabelle Huppert, sa comédienne fétiche et fidèle, à Marrakech. Récompensé par le prix Louis-Delluc, l'équivalent du Goncourt au 7e art Le jury du prix Delluc a retenu huit titres pour sa présélection annuelle : la Désintégration de Philippe Faucon, 38 Témoins de Lucas Belvaux, les Adieux à la reine de Benoît Jacquot, De rouille et d'os de Jacques Audiard, Holy Motors de Léos Carax, Camille redouble de Noémie Lvovsky, Amour de Michael Haneke, Après Mai de Olivier Assayas. Avez-vous une fascination pour un sujet en particulier ? Vous avez déclaré : « Les actrices sont la chair de ma vie »…Ce sont deux aspects liés. J'ai une fascination pour la femme, par définition, elles m'intéressent davantage que les hommes, puisque j'en suis un. Elles sont pareilles aux hommes, elles appartiennent à l'espèce humaine, mais avec une différence irréductible qui perce au cœur de cette identité. Vous n'êtes pas les mêmes que nous, c'est ainsi, que le monde se reproduit. Et je suis d'ailleurs, souvent tombé amoureux de sœurs. J'ai de plus, besoin de grandes interprètes dans mes films. J'en retrouve certaines, j'en révèle d'autres, ou alors elles me choisissent. Deux comédiennes, Léa Seydoux et Diane Kruger, traversent encore votre dernier film, « les Adieux à la reine ». Parlez-nous du choix de ce plan-séquence qui marque ce long-métrage et sert votre dramaturgie… C'est le moment fort du film, celui où l'héroïne (Léa Seydoux), vit intérieurement un basculement. Le point de vue est celui de cette jeune fille, lectrice de la reine Marie-Antoinette. Elle passe d'un état de tranquillité à un état de panique absolu. Cela la mène à vivre ce moment proche du rêve, du cauchemar. Je me suis attaché à montrer ces trois jours et quatre nuit qui ont suivis le 14 juillet 1789. Un monde s'écroule autour d'elle. Le plan-séquence offre précisément, cet état. Si je l'avais coupé, ce moment de basculement au cours du film, n'aurait pas surgit. Le cinéaste Benoît Jacquot. Quel sera votre prochain film ? J'y mettrai en scène des personnages essentiellement, féminins. Comme le contrechamp de mes précédents films. Après avoir évoqué un film d'époque, j'ai besoin de m'atteler à une histoire contemporaine. Les comédiens sont Benoît Poelvoorde, Charlotte Gainsbourg et Catherine Deneuve. Un homme qui a la cinquantaine tombe amoureux d'une femme mais il la manque : un malentendu se passe et lorsqu'ils en parlent, cet homme vit une histoire avec une autre femme. C'est un mélodrame qui me renvoie à mes propres désirs. Je suis d'ailleurs souvent tombé amoureux de sœurs. Que diriez-vous du métier d'acteur ? Les comédiens tombent parfois dans le gouffre. Il s'agit d'un métier très difficile, au bout d'un certain temps, quelque chose de l'ordre d'un danger intérieur se fait sentir et ne les quitte plus. Vous êtes cinéaste et scénariste, écrivez-vous seul ou avec un co-scénariste ? J'écris aujourd'hui avec d'autres scénaristes car je manque malheureusement de temps pour le faire seul, et j'ai besoin du point de vue de mes producteurs. Mais, je préfère indéniablement écrire mes scénarios seul. Vous avez débuté aux côtés de grands cinéastes… J'ai été l'assistant de Marcel Carné, Roger Vadim. C'est François Truffaut qui m'a le plus aimé : la première fois que je me suis rendu aux Etats-Unis, j'étais très étonné d'être précédé par les recommandations de Truffaut. Dans le rapport du cinéma et de la jeunesse, il y a toujours un lien qui opère, pour le meilleur et pour le pire. Le pire est arrivé à un de vos projets de film à la fin des années 1970, un thriller très engagé sur la guerre d'Algérie avec Catherine Deneuve comme passeuse de valises pour le FLN… Le film a été interdit par les autorités. Même aujourd'hui on n'a pas le droit de faire un film sur les évènements coloniaux. Pourquoi ? Cela relève d'opinions et de responsabilités que la France n'aime pas évoquer. Alors qu'aux Etats-Unis, c'est très différent : même durant des guerres, Hollywood réalise des films sur ses sujets historiques. * Tweet * * VN:F [1.9.21_1169] please wait… Rating: 0.0/5 (0 votes cast) VN:F [1.9.21_1169] Rating: 0 (from 0 votes)