Le Maroc est-il une réelle démocratie ou une démocratie de façade ? C'est la question à laquelle ont du répondre six représentants des principaux partis politiques. De part la diversité des formations politiques des intervenants, les avis divergent, mais très peu répondent explicitement à la question. Le Maroc est dit en « transition démocratique » depuis des décennies déjà. L'expression elle-même sous-entend que la démocratie serait un état à atteindre. Mais la démocratie n'est-elle pas plutôt un processus ? HEM a réuni jeudi dernier un panel de politiciens pour discuter de la question. Le thème de la rencontre était : « Le Maroc est-il est une réelle démocratie ou une démocratie de façade? » Najib Akesbi, modérateur du débat, précise d'emblée que la question débattue « n'appelle pas vraiment à la modération ». Ne pas définir préalablement la démocratie a laissé la liberté aux intervenants d'exprimer leur propre vision de la démocratie, vision qui diffère selon les appartenances politiques. Dans un premier tour de table, Najib Akesbi demande aux intervenants de répondre directement à la question : Le Maroc est-il est une réelle démocratie ou une démocratie de façade? De part la diversité des formations politiques des intervenants, les avis divergent, mais très peu répondent explicitement à la question. Akesbi conclut par la suite que « personne n'a dit qu'on était dans une démocratie réelle ». Mustapha El Khalfi déclare qu'il ne peut y avoir de réponse précise à cette question et que dans le contexte du printemps arabe, le Maroc avait choisi la voie de la réforme, ce que le ministre qualifie de « troisième voie ». « On ne peut pas dire que le Maroc est une démocratie de façade : la tenue de ce genre de débat en est la moindre preuve ». Autre preuve importante pour le porte-parole du gouvernement, la tenue des élections de 2011 et la victoire du PJD. Pour Nabila Mounib, Secrétaire Générale du PSU, c'est justement « le fait d'être aussi nombreux lors de cette rencontre » qui prouve que le Maroc n'est pas une démocratie réelle. Ali El Yazghi de l'USFP déclare quant à lui : « Nous sommes dans une phase de transition qui dure depuis des années. Le mouvement du 20 février a permis d'accélérer le mouvement de réforme pouvant mener à la démocratie. La constitution attend d'être complémentée par des lois organiques qui lui donneront sens. » « Le texte en lui-même permet d'être optimiste quant à l'achèvement d'une démocratie », conclut El Yazghi. Mohamed Hanine du RNI affirme quant à lui qu'en théorie, le Maroc a tous les critères d'une démocratie réelle, mais rend responsable le gouvernement actuel « dont les pratiques font du Maroc une démocratie de façade ». Démocratie à la marocaine ? Hassan El Fellah de l'Istiqlal s'est dit insatisfait du résultat plus de soixante ans après l'indépendance. Selon El Fellah, la cause de cet échec est le fait que « nous nous inspirons de la démocratie occidentale qui valorise l'individualisme alors que le Maroc est une société communautariste et tribaliste ». La question se pose alors de savoir si la démocratie est un concept universel applicable à toute société ou s'il s'agit d'un concept européen incompatible avec le contexte marocain. Du côté du PSU, la SG du parti déclare d'emblée que « la démocratie n'a jamais été expérimentée dans aucun pays arabe ou maghrébin ». « Nous sommes face à un système politique qui a toujours refusé l'émergence d'un contre pouvoir, sans lequel on ne peut pas parler de transition démocratique ». Selon Mounib, les conditions pour atteindre un état démocratique sont « le passage d'une monarchie pré-absolue à une monarchie parlementaire aux normes internationales », l'existence d'un « pluralisme vrai », et le passage d'une « corruption institutionnalisée à un véritable Etat de droit ». En réponse à l'invocation par de nombreux intervenants de l'approche participative de la nouvelle constitution, Nabila Mounib déclare qu'il « faut avoir réussi la démocratie représentative pour pouvoir parler de démocratie participative ». Religion vs Démocratie La problématique religieuse a également été abordée et là encore les avis diffèrent. Selon Nabila Mounib, « la question de la séparation du religieux et du politique n'a jamais été abordée avec le sérieux qu'elle mérite ». La SG du PSU indique que « le dossier de la réforme constitutionnelle devrait rester ouvert puisque la constitution actuelle n'a pas réglé de nombreuses questions, telles que la liberté de conscience et l'Etat séculier ». Pour Mustapha El Khalfi en revanche, « l'accès à la démocratie ne se fait pas à travers la séparation entre le religieux et le politique, mais à travers les réformes ». * Tweet * *