Peut-on considérer le fonctionnaire comme un salarié, lorsqu'il exerce des activités parallèles dans le secteur privé en l'absence d'une autorisation du Ministère ? A-t-il le droit d'attaquer son employeur pour des dommages et intérêts ? La situation du salarié fonctionnaire mène à confusion et suscite de nombreuses interrogations. Le tribunal de Casablanca a été saisi par M. Jamile .B, celui-ci exposait dans sa requête qu'il travaillait à la société ZG depuis le 1/5/1981 et qu'il avait été surpris par son licenciement le 27/10/1995, il demandait en effet à bénéficier des indemnités relatives au licenciement abusif. L'employeur a réagi sur cette action en demandant au tribunal le rejet de la requête du salarié et ce pour les motifs suivants : M. Jamile .B n'a pas le droit de demander des dommages et intérêts étant donné qu'il est fonctionnaire permanent au sein de l'université de Casablanca et qu'il travaillait dans l'entreprise sans autorisation du Ministère de l'Enseignement Supérieur. Le tribunal de première instance et le tribunal d'appel n'ont pas pris en considération les motifs invoqués par l'employeur, ils ont estimé ainsi que l'employeur était fautif et qu'il devait verser au salarié une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts. L'employeur décida alors d'attaquer l'arrêt du tribunal devant la Cour de Cassation. Quel est la position de la Cour de Cassation ? N'est-il pas incompatible de bénéficier des avantages des deux régimes? Position ambiguë du salarié fonctionnaire Le monde du travail connaît l'émergence de plusieurs situations hybrides ou atypiques : Contrat du travail partiel, Contrat d'intérim, CDD, Contrat du travail du fonctionnaire etc. Contrairement à d'autres situations, celle du salarié fonctionnaire mène à confusion et suscite de nombreuses interrogations, en ce qui concerne notamment la loi appliquée en cas de conflit. En l'absence d'une disposition claire relative à cette situation dans le code du travail, la position du fonctionnaire salarié demeure imprécise et floue. La situation du salarié dans le Statut de la Fonction Publique Le cas précité marque l'intersection et l'interdépendance entre les lois et les régimes juridiques, il permet en outre d'établir le pont entre la sphère publique et la sphère privée. Ceci dit, la loi relative à la fonction publique apporte quelques éléments de réponses , notamment dans l'article 15 et 16 : le Statut de la fonction publique prévoit dans ce sens « qu' à l'exception de la production d'œuvres scientifiques, littéraires, artistiques et sportives ou des travaux d'enseignement, d'expertise, de consultation ou d'étude, la loi de la fonction Publique interdit formellement à tout fonctionnaire d'exercer, à titre professionnel, une activité lucrative privée ou relevant du secteur privé, de quelque nature que ce soit, sous peine de la poursuite disciplinaire » . (Voir Article 15 FP) Le législateur exige en outre dans le première cas d'espèce, que le caractère commercial n'y soit pas dominant et que le fonctionnaire concerné ne puisse mentionner sa qualité administrative à l'occasion de la publication ou de la présentation de ces œuvres, qu'avec l'accord du chef de l'administration dont il relève. Il stipule dans le deuxième cas d'espèce que ces activités soient exercées à titre occasionnel et pour une durée limitée et que le caractère commercial n'y soit pas dominant. L'arrêt de la cour de cassation L'activité exercée par le salarié s'inscrit bel et bien dans le cadre des activités permises par la loi de la fonction publique, mais elle nécessite une autorisation particulière du Ministère de l'enseignement supérieur. L'article 15 stipule dans ce sens que « le fonctionnaire ne peut bénéficier de ces deux dérogations qu'après avoir présenté une déclaration à cet effet au chef de l'administration qui peut s'y opposer, s'il constate que les activités exercées par le fonctionnaire se déroulent durant les horaires réglementaires de travail, le soumettent à une sujétion légale autre que celle découlant de sa fonction publique ou le placent dans une situation d'incompatibilité avec cette fonction » . Il découle de cette analyse que M. Jamile .B ne peut se prévaloir de son droit de bénéficier des dommages et intérêts même s'il dispose d'un contrat de travail . La cour a estimé ainsi que le contrat du travail était nul et ne pouvait produire aucun effet en faveur du salarié fonctionnaire. Il ne va pas sans dire que le salarié qui dispose de l'autorisation de son Ministère peut se prévaloir de son droit en cas de l'abus de son employeur. (Voir Arrêt 1330 du 2 Décembre 2009 Dossier n° 1326/5/1/2008) Il y lieu de signaler enfin que le Statut de la Fonction publique interdit également à tout fonctionnaire, quelle que soit sa position, d'avoir, par lui-même ou par personne interposée et sous quelque dénomination que ce soit, des intérêts de nature à compromettre son indépendance dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration ou service. * Tweet * *