Un propriétaire obtient le droit de récupérer son local où un locataire emploie des salariés. Ces deniers, une fois le jugement mis à exécution, se retrouvent sans emploi ni revenu. Qu'en dit la loi ? Le 12 décembre 2009, les autorités mettent à exécution le jugement d'expulsion émis par le tribunal en faveur du propriétaire. M. Brahim travaille au sein du café C.E depuis 1999. Le 12 /12 / 2009, les autorités lui ordonnent de quitter son lieu de travail, après une mise en exécution d'un jugement en faveur du propriétaire. L'origine de cette histoire remonte à un conflit entre le propriétaire et le locataire employeur : ce dernier ayant cessé le paiement de ses redevances depuis 3 ans, le propriétaire saisit alors le tribunal pour l'expulsion du locataire et la récupération de son local. Le tribunal rend un jugement définitif en sa faveur, mais le salarié se retrouve dans une situation délicate sans emploi ni revenu. L'employeur se déleste de sa responsabilité tandis que le propriétaire ne veut pas se mêler à cette affaire. M. Brahim estime que le propriétaire et l'employeur sont solidaires dans cette affaire. Il décide de les attaquer devant un tribunal. À qui incombe la responsabilité de réparer le préjudice subi par le salarié ? Peut-on considérer cette situation comme un licenciement abusif ? Ce qu'en dit le code du travail Si le code du travail ne traite pas en détail tous les cas qui surviennent lors de l'exécution du contrat, il en fait néanmoins un ratissage large. C'est la jurisprudence – en tous les cas- qui statue sur des situations pareilles et ce pour pallier aux lacunes de la loi. Cela ne va pas sans dire que le législateur est appelé à réduire au maximum les zones d'ombre qui persistent dans le code du travail. Le cas précité illustre parfaitement cette situation, car le texte en vigueur ne prévoit aucune réponse aux demandes du salarié. Ceci dit, il est primordiale de savoir sous quel registre on peut l'inscrire : S'agit-il d'un licenciement, d'une fermeture, d'une force majeure ou d'un autre cas d'espèce ? À qui incombe la responsabilité de réparer le préjudice subi ? L'étude de l'affaire de M. Brahim nous permet de dire qu'il ne s'agit ni d'un licenciement, car il implique la volonté libre de l'employeur indépendamment de tout événement contraignant ou étranger, ni d'une fermeture qui présume l'intervention de l'autorité publique ou du tribunal lors de l'inobservation les mesures de sécurité et d'hygiène ou lors de l'exercice de travail illégal ou sans autorisation, ni d'une force majeur, car il s'agit d'un fait prévisible pour l'employeur. La position de la Cour Le tribunal acquitte le propriétaire de toute responsabilité, mais il exige de l'employeur de réparer le préjudice subi par son salarié en lui versant les dommages et intérêts, l'indemnité de licenciement et le préavis. La défense de l'employeur reproche à l'arrêt évoqué en haut, le défaut de base légal en ce que la Cour a considéré que le salarié a été abusivement renvoyé et qu'il doit bénéficier de l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts et du préavis, alors que le code du travail prévoit que le paiement des indemnités sus-mentionnées est tributaire de l'abus de l'employeur en matière de licenciement. Il ajoute en outre que l'abus n'est pas démontré dans cette situation en se basant sur le fait que l'expulsion a été exécutée sous la contrainte de l'autorité publique et que la réparation de préjudice est liée au licenciement abusif. L'avocat demande en conséquence au tribunal de casser l'arrêt précité. Après étude du dossier, la Cour de cassation allait admettre, dans son arrêt n°1810 du 15 décembre 2011 (dossier social n°1383/5/1/2010), que l'affaire précitée ne constitue pas un licenciement abusif étant donné que l'employeur locataire était dans la contrainte de quitter le lieu de travail. Néanmoins elle donne droit au salarié d'avoir une indemnité de licenciement. La Cour casse en partie l'arrêt précité en ce qui concerne le versement des dommages et intérêts et le préavis. Commentaire sur l'arrêt La Cour de cassation adopte une position intermédiaire. Elle considère que les deux parties ne sont pas responsables de la rupture de contrat, car ni l'employeur ni le salarié n'ont commis une faute l'un à l'égard de l'autre. Pourtant elle constate qu'il y a un préjudice subi qui doit être rétabli au moins en partie par l'employeur. L'arrêt de la Cour tel qu'il est présenté se base implicitement sur la notion de partage de risque entre le salarié et l'employeur. Néanmoins, elle ne prend pas en considération la négligence ou l'imprudence de celui-ci, car il s'agit bel et bien d'un fait produit à cause de l'imprudence de l'employeur. * Tweet * *