Réglementant et définissant chacun des statuts des employés d'une branche professionnelle, la Convention collective fait office de source de loi, juste après le Code du travail. Toute action, reconnue contraire aux alinéas de cette convention, donne droit à une action en justice intentée par la partie lésée. Le 20-6-2005, Hamza M. est licencié par son employeur, une banque de renommée internationale. Celle-ci lui reproche d'avoir émis un chèque personnel sans provisions au profit d'un client de la banque. L'entourage de Hamza témoigne que ce dernier est un des agents les plus brillants et les plus habiles de la boîte, qu'il réussit à grimper les échelons jusqu'à parvenir au poste de chef d'agence. La banque-employeur, qui n'a pas accepté qu'un tel acte puisse émaner d'un de ses salariés, chef d'agence en sus, tient dans la foulée une réunion pour faire entendre Hamza aux faits qu'il lui sont reprochés. Peu convaincant, ce dernier est licencié sans préavis ni indemnités. Hamza M. n'a pas nié la faute que son employeur lui reproche. Néanmoins il a considéré que la banque n'a pas respecté certaines dispositions de la Convention collective de travail du personnel des banques du Maroc. Peut-on considérer que la banque n'a pas respecté la convention collective ? L'importance de la convention collective La convention collective du travail est un accord conclu entre un employeur ou un groupement d'employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives de salariés, en vue de fixer en commun les conditions d'emploi et de travail ainsi que les garanties sociales. (Voir J. Pélissier, Droit du travail). Le législateur dans la nouvelle Constitution et dans le code du travail encourage et exhorte les pouvoirs publics à promouvoir les conventions collectives. Celles-ci, constituent, en effet, un instrument privilégié pour limiter l'arbitraire de l'Etat et la détermination unilatérale des conditions de travail par l'employeur. Elles constituent en outre – selon le professeur Pélissier – la meilleure méthode de fixation des conditions de travail et elle garantit une loyale concurrence entre les entreprises dans le domaine des salaires et des conditions de travail, lorsqu'il s'agit de convention nationale, régionale ou locale. Elles permettent enfin l'instauration de la paix sociale à l'intérieur de l'entreprise et au sein de la société. En dépit de ces divers avantages, le nombre des conventions réalisées au Maroc (une quarantaine) est en deçà des attentes de notre pays. L'action individuelle Le code du travail permet au salarié et à l'employeur, lésés par l'application de la convention collective, de saisir la justice soit à titre individuel ou à titre collective. Il stipule dans ce sens que « les personnes liées par une convention collective de travail peuvent intenter une action en dommages-intérêts à l'encontre des autres personnes ou organisations syndicales de salariés, organisations professionnelles d'employeurs ou unions liées par la convention qui ont violé à leur égard les engagements contractés ». (Voir Article 124) Il exige en outre que « les personnes, les organisations syndicales des salariés, les organisations professionnelles des employeurs et les unions, qui sont liées par une convention collective de travail, peuvent intenter toutes les actions en justice qui naissent de cette convention en faveur de chacun de leurs membres, sans avoir à justifier d'un mandat spécial de l'intéressé, pourvu que celui-ci ait été averti et ne s'y soit pas opposé. L'intéressé peut toujours intervenir personnellement à l'instance engagée en son nom par l'organisation syndicale ou l'organisation professionnelle concernée, tant que l'action est en cours ». (Voir Article 125) La position de la Cour de Cassation La défense du salarié a introduit une instance auprès du tribunal par laquelle elle considère que la décision de la banque-employeur est entachée de défaut de motifs et elle demande en conséquence au tribunal des dommages et intérêts au profit de son client. L'avocat du salarié expose que l'employeur violait les dispositions de la convention collective, notamment les articles de 29 à 42 de la dite convention collective. Le tribunal de première instance ainsi que la Cour d'appel ont estimé que le licenciement du salarié est abusif étant donné que l'employeur n'a pas respecté la procédure du licenciement, notamment par le fait de déférer le salarié devant le conseil de discipline, avant son licenciement.La banque-employeur met alors en pourvoi le jugement devant la Cour de cassation en faisant grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait une mauvaise application de la Convention collective. Après une lecture méticuleuse des articles précités, notamment l'article 33 de la convention, la Cour casse le jugement et conclut que « l'employé peut, dès réception de la notification de son licenciement, solliciter que sa situation soit soumise à l'avis consultatif du conseil de discipline ; que le renvoi de l'employé devant le conseil de discipline pour avis consultatif ne constitue pas une obligation qui incombe automatiquement à la banque-employeur, sachant que le salarié, en l'espèce, n'a pas sollicité l'avis consultatif du conseil de discipline au moment où son licenciement lui avait été notifié, ce qui démontre que l'arrêt attaqué a mal interprété la dite convention... » * Tweet * *