Ahmed s'est arrêté de travailler le 5 janvier 1990. Le 10 janvier 1990, son employeur lui adresse un avertissement lui demandant de rejoindre son travail. Ahmed ignore l'avis. La direction de l'entreprise lui notifie en conséquence une lettre de licenciement. Ce fait légal a, en fait, une origine bien particulière. En effet, cette affaire remonte à une décision de l'entreprise de licencier une trentaine de salariés pour faute grave. Les ouvriers protestent contre cette décision et entament une action de grève illimitée. L'inspection du travail et l'autorité locale interviennent alors pour dénouer le conflit et convoquent les parties en litige à une réunion de conciliation au siège de la commune de la ville. Lors de cette réunion, un accord est trouvé pour que les employés reprennent le travail, à l'exclusion de deux employés licenciés. Mais au lendemain de cette réunion, Ahmed surprend tout le monde en manifestant sa solidarité avec les deux employés licenciés pour faute grave. Ahmed porte ensuite plainte devant le tribunal de première instance, arguant être en grève et demande ainsi des dommages et intérêts pour licenciement abusif. Le tribunal de première instance lui donne raison et condamne l'employeur à lui verser les indemnités suite au licenciement abusif, notamment les indemnités pour ancienneté, les indemnités de préavis et autres pour licenciement. Le motif de grève fondé Une fois l'affaire portée en appel, la Cour infirme le jugement en ce qui concerne l'indemnité d'ancienneté, et confirme le reste, en diminuant toutefois le montant de l'indemnité de préavis et en augmentant celui de l'indemnité de licenciement. L'entreprise, insatisfaite du jugement, porte alors le dossier devant la Cour de cassation. Son avocat saisit la Cour de cassation en prétendant que l'arrêt de la Cour d'appel « avait dénaturé les faits, était entaché de défaut de motifs, de défaut de base légale et qu'il avait violé les droits de la défense ». Ceci étant, la Cour de cassation a statué sur cette affaire en précisant que : « Bien que la grève soit reconnue par la Constitution comme un droit ayant pour but la défense des intérêts légitimes des ouvriers grévistes, elle est entachée de défaut de motifs. L'arrêt de la Cour d'appel, attaqué, a considéré que l'action menée par les ouvriers avait pour but la concrétisation de revendications légitimes sans en clarifier la teneur afin de les évaluer et d'examiner leur légitimité ». Il ajoute, en outre, que le soutien d'un salarié licencié ne constitue pas une cause légitime de grève ( Voir Arrêt n°559 du 09 avril 1996 Dossier n° 8224/1994). « L'arrêt de la Cour de cassation reconnaît la légalité de l'exercice du droit de grève par des salariés au sein d'une société mais impose au juge de fond de bien préciser la nature des revendications demandées lors d'une telle grève et ce, afin d'apprécier sa légitimité ». La pure solidarité, à exclure Cependant, certains spécialistes, notamment le professeur Abdellah Boudhraine, considèrent que les salariés qui se proclament « solidaires » avec un camarade injustement sanctionné luttent contre l'injustice et font valoir les principes et les normes protecteurs de tous les travailleurs.. Pour éviter toute ambiguïté et amalgame, il faut distinguer entre le mouvement de pure solidarité, qui ne présente pas de revendications concernant les grévistes et qui prend seulement la défense d'un camarade de travail et le mouvement de solidarité, avec un salarié licencié d'une façon irrégulière ou le mouvement dont la cause de licenciement du salarié constitue une réclamation professionnelle concernant le collectif des salariés. « Par exemple, une grève de protestation contre le licenciement d'une ouvrière est licite dès lors que le motif du licenciement était le refus de cette ouvrière de tenir un cahier de production et que les grévistes entendaient protester contre cette mesure de la direction » ( Voir Jean Pélissier, Droit travail Pp 1130 ). Il résulte de cette analyse que la grève de solidarité est licite dans le premier cas de figure et illicite dans le deuxième.