Un groupe d'étudiants prépare un documentaire sur l'application de l'article 475 du code pénal. Le film est actuellement en post-production et sortira début 2013. L'équipe a sillonné le Maroc afin de rencontrer et d'interroger les victimes de cette loi ainsi que les responsables officiels qui l'appliquent. Réalisé par Nadir Bouhmouch à qui l'on doit « My Makhzen and Me », le film traite de l'application de l'article 475 du code pénal. Le réalisateur tient à ne pas révéler le synopsis du film à ce stade de la production mais déclare que l'approche choisie est très différente de la couverture médiatique faite depuis l'affaire d'Amina Filali. « C'est un film sur l'application de l'article 475, qu'on sait inappropriée, et de ce que ça révèle comme discrimination institutionnalisée contre les femmes », déclare Houda Lamqaddam, assistante réalisatrice. L'équipe a sillonné le Maroc afin de rencontrer et d'interroger les victimes de cette loi ainsi que les responsables officiels qui l'appliquent. « Nous avons filmé de nombreuses personnes pour le film, indique le réalisateur, Nadir Bouhmouch. Je ne donnerai pas le nom de certaines de ces personnes pour le moment, mais ce que je peux dire est que nous avons filmé une interview avec la famille d'une victime et avec d'autres représentants de la société civile, tels que Khadija Riyadi et Omar Benjelloun. » Nadir Bouhmouch affirme également avoir contacté Bassima Hakkaoui et Mustapha Ramid mais la ministre « n'a jamais répondu au téléphone et Ramid a refusé de nous parler en personne ». Pour Nadir Bouhmouch, faire ce film était « une nécessité ». « Je considère les films comme un moyen de rendre les institutions responsables en exposant leurs failles. L'équipe est composée d'une dizaine d'artivistes qui ont créé le collectif Guerrilla Cinema. Une initiative qui « se définit comme une résistance artistique pour la liberté d'expression au Maroc », déclare Houda Lamqaddam. Nadir Bouhmouch quant à lui parle du cinéma comme étant une forme de « désobéissance civile. » L'art comme désobéissance civile « Les conditions de tournage dépendaient de la situation, indique Nadir Bouhmouch. Lorsque nous tournions en intérieur dans un espace privé nous n'avions évidemment aucun problème. Mais en extérieur, et vu que nous n'avions aucune autorisation, nous risquions la confiscation de notre matériel. » L'équipe a dû faire des concessions en limitant son matériel et en se répartissant en groupes pour se faire discréte. Ce qui a, entre autres, affecté la qualité sonore. Houda Lamqaddam déclare que « le plus dur a été de garder le projet secret pendant toute la durée du tournage. » « Nous avons vu des choses et un Maroc qu'on voit très peu à la télé, raconte-t-elle. Et nous avons entendu des histoires qui plus que jamais nous ont montré l'importance de parler de ce genre de choses, de la violence quotidienne contre les femmes au Maroc, de la discrimination ». Nadir Bouhmouch indique que les réunions de préparation au tournage se transformaient souvent en longs débats sur le viol. « Certains réalisateurs considèrent peut-être ça comme une perte de temps, ajoute-t-il, mais je trouve que ce genre de discussions est nécessaire et bénéfique au film puisque cela permet aux membres de l'équipe de voir le sujet à travers d'autres perspectives mais cela permet aussi à l'équipe d'être sur la même longueur d'onde par rapport à l'idéologie et la visée du film. » Changer les mentalités Le film rappelle notamment qu'il ne s'agit pas uniquement de la loi, mais des mentalités qui doivent également évoluer. Pour Houda Lamqaddam, « ce sujet touche énormément de gens au Maroc, femmes et hommes, et nous avons réalisé durant ce tournage que beaucoup de gens voulaient un changement, et voulaient que leurs histoires servent à ce changement. » Et d'ajouter : « Toutes les personnes auxquelles nous avons parlé ont été extrêmement solidaires et favorables au projet, et nous avons reçu beaucoup d'aide et de soutien. Et la page Kickstarter nous a bien montré ça. Nous avons reçu énormément de donations, en un temps court, et même les gens qui ne pouvaient pas ou ne voulaient pas donner nous ont soutenus par leurs messages ». L'équipe a en effet réussi à collecter plus de 7000 dollars à travers le site de crowdsourcing Kickstarter. « Une partie de l'argent servira à rembourser les personnes qui nous ont prêté de l'argent pour faire le film, indique Nadir Bouhmouch. Une grande partie de la somme servira à la production et à la distribution des DVD. Une autre partie permettra d'enregistrer la narration en arabe et en anglais et la musique du film dans des studios professionnels. Le reste de la somme servira à postuler pour des festivals. Et s'il nous reste encore des fonds, nous ferons des dons à des organisations féministes qui ne reconnaissent pas le Makhzen », précise Nadir Bouhmouch. * Tweet * *