Sa voix douce, ses appels au calme et sa bonne humeur n'ont pas permis à Bassima Hakkaoui de contenir l'explosion de colère des féministes. La ministre de la Solidarité, de la femme et du développement social a pourtant tenté d'instaurer, pour la première fois, un dialogue direct entre le gouvernement et les militantes des droits de la femme. Elle y a invité deux autres PJDistes : Mustapha Ramid, ministre de la Justice et des libertés et El Habib Choubani, ministre chargé des relations avec le Parlement et de la société civile. L'exercice d'échange portant sur « La femme entre législation et réalité » devait servir d'amorce à d'autres rencontres similaires dont le but essentiel est de maintenir un dialogue régulier avec la société civile. Les promesses de Bassima La ministre propose d'agir par un diagnostic de l'état des lieux actuel entre législation et réalité que vivent les femmes. « Nous proposons d'instaurer une base pour le suivi juridique et social des victimes (…). Il est question d'intervenir sous différentes formes, lorsque la loi nécessite une réforme et je ne me limite pas, ici, à l'article 475 du code pénal », tient-elle à faire remarquer, faisant allusion au suicide d'Amina El Filali, la jeune fille qui se serait suicidée pour avoir été mariée à son présumé violeur. Bassima Hakkaoui souhaite que toute victime similaire au cas d'Amina puisse bénéficier d'un suivi pour prévenir d'autres suicides. Quant à la loi contre la violence à l'égard des femmes, elle serait sur le point de devenir concrète. « Avec le ministère de la Justice et des libertés, nous avons mis en place une commission mixte chargée de cette mission », déclare-t-elle. Autres engagements pris par la ministre : la réforme du code pénal et la mobilisation de la société civile pour changer les mentalités et mettre en œuvre la Constitution. « Nous sommes prêts à apporter notre soutien à toute initiative ou projet contribuant à l'éveil social pour circonscrire toute forme de violence à l'égard de la femme et de l'enfant », assure Hakkaoui, ajoutant son souhait de voir cette sensibilisation atteindre le milieu scolaire. Ramid n'attend pas des fleurs De son côté, Mustapha Ramid a tenu d'abord à rafraîchir la mémoire des féministes en leur rappelant qu'il a été à l'origine de l'article 16 du code de la famille ayant instauré un délai de cinq ans pour la reconnaissance des mariages scellés selon Al ‘Ourf (coutume). « Et c'est le PJD et l'USFP qui ont proposé de prolonger cette période transitoire de cinq autres années lorsqu'il a été constaté que le premier délai n'était pas suffisant », ajoute-t-il, soulignant que dans ce cas précis la société a réussi à forcer la loi à se soumettre à sa réalité. « Nous comptons sur la société civile dans ce sens pour atteindre les objectifs de la législation. Toute initiative ayant pour but de contribuer à faire avancer la société ne peut être qu'encouragée », soutien-t-il, regrettant tout de même que le ministère de la justice précédant ait été contraint de se déplacer pour veiller lui-même sur l'opération de régularisation des mariages. « Notre travail ne doit pas se focaliser sur les lois, mais sur l'éveil de la conscience de la société », estime-t-il. Face aux féministes, Ramid a tenu à se montrer pragmatique et prêt à en assumer les conséquences. « Je ne m'attends pas à ce que vous me jetiez des fleurs, mais il faut respecter et écouter l'autre. Il peut avoir tort mais aussi raison », lance-t-il aux féministes. Dialogue : mission difficile ! Elles n'avaient pas de fleurs à lui jeter, en effet. Les féministes, munies de pancartes ont protesté de nouveau pour l'abrogation de l'article 475 du code pénal. Saluant l'initiative de ce dialogue, elles se sont montrées, toutefois, pour la plupart d'entre elles, peu confiantes. Certaines n'ont pas hésité à exprimer leur crainte que ce dialogue soit « un retour à la case zéro ». Elles ont été très nombreuses à vouloir intervenir, à émettre leurs opinions et parfois à hausser le ton au point où la confusion a régné à maintes reprises. Face à elles, Ramid a précisé que la réforme du code pénal est en cours. « Il n'y a rien dans la loi qui permet de marier la femme violée et si dans l'article 475, nous trouvons quelque chose à changer, nous le ferons », promet-il. Une salve d'applaudissements s'ensuit alors et les attentes désormais grandissent.