Cinéaste qui a signé « Agadir Bombay », un premier long-métrage dénonçant la prostitution dans le sud marocain, Myriam Bakir participe actuellement à une résidence dédiée à la création documentaire à Safi jusqu'au 15 septembre. Entretien sans détours. Myriam Bakir, cinéaste. Comment est née l'idée de ce futur documentaire ? Il s'agit en fait d'une rencontre. Lors de l'avant-première de mon premier long-métrage à Agadir, « Agadir Bombay », une femme n'a pas hésité à prendre la parole à l'issue de la projection pour défendre le propos du film qui évoquait, notamment la prostitution jeune. Cette dame savait en effet, ce qui en résultait, car elle milite depuis plus de trente ans au sein d'une association qui défend et soutien les droits des mères célibataires à Agadir. Il s'agit de Mahjouba Edibouche, qui se bat au sien de « Oum al Banine ». J'ai été très impressionnée par sa prise de parole ce soir-là, et au fil du temps, j'ai appris à la connaître, au plus fort de son action. Cela m'a ainsi donné envie de parler d'elle car c'est une personne incroyable et de son engagement, jamais démenti depuis trois décennies. Pour elle, il n'y a pas de différence entre mères célibataires et prostituées. Qui sont ces jeunes femmes ? Elles sont souvent issues de milieux ruraux, leur grossesse peut être le fruit d'une relation avec leur petit ami, ou il peut s'agir de femmes violées ou encore victimes d'inceste. C'est d'abord, Mahjouba qui m'en a longuement parlé. On sent au sein de son association, énormément de joie et de d'entraide. Aussi, le travail du film documentaire va s'attacher à explorer cet aspect afin de donner à voir un film qui ne serait pas uniquement consacré au combat de cette femme, engagée dans le milieu associatif depuis ces nombreuses années. Mahjouba est de plus, une enfant du sud marocain, elle est originaire de Souss, elle est berbère. Qu'est-ce qui vous a touchée en elle ? En fait, c'est un sentiment général. Mahjouba est une femme à très forte personnalité, qui connaît son sujet en profondeur : elle parle de ses jeunes femmes comme de ses propres enfants et prend le problème des femmes dans la rue avec des enfants mendiants, à bras le corps. Il émane toujours d'elle, cette force de l'engagement alors qu'elle se met également en danger, car on l'accuse d'encourager la prostitution. En cela, mon documentaire, montrera la stratégie qu'elle a mise en place pour sauver ses femmes, indéniablement brisées, ces destins fracassés, car toutes les portes sont alors fermées à ces femmes qui ont eu une sexualité hors mariage. La loi les punit très sévèrement. Grâce à cette association, il existe une possibilité de vie pour elles, dans la dignité, en dépit de la culpabilité qu'on leur oppose. Selon vous, seul le film documentaire était adéquat pour ce sujet ? Oui, car il s'agit d'un genre qui verse dans le réel. Nous sommes de surcroît, face à une réalité particulièrement dure au Maroc, pour ces femmes. Ce thème aurait pu également être évoqué par le biais de la fiction mais je n'y croyais pas du fait de la part faite à l'imagination, à la dramaturgie et à la légèreté. Cette réalité doit, à mes yeux, être transposée à travers le documentaire. Que retenez-vous de cette association ? Une rare humanité, doublée d'une grande solidarité entièrement dévolue à la cause féminine. C'est une leçon d'espoir. Nous sommes dans une société qui donne par moments l'impression d'avancer et dans le même temps, on régresse. Et la force du combat de Mahjouba n'a pas faibli alors qu'elle pourrait être mère et grand-mère ou cultiver son potager, sa vie est vouée à son action alors que moi, même si je n'y suis pas indifférente, quand je vois une femme dans la rue, lorsque je lis un article dans la presse et que je vois un reportage. Que vous inspire cette résidence d'écriture située à Safi et organisée dans le cadre de la création documentaire ? Je suis heureuse qu'elle se déroule au Maroc et non pas à Paris, à Londres ou à New-York. C'est une formation qui se passe en Afrique, avec Sellou Diallo, un formateur sénégalais : c'est très encouragaent pour notre désir de réalisation, l'intérêt ne vient pas de l'extérieur. C'est de plus un très grand formateur de film documentaire occidental et africain. Il y a une aisance évidente qui s'opère avec lui, quand on parle d'un film à un encadrant français, il nous faut lui expliquer certains distinguos alors que face à Sellou, il n'y a pas lieu de le faire, il comprend d'emblée, ce qu'on a envie de dire. Et si je suis originaire de Taroudant par mon père, ma mère est de Safi. * Tweet * *