Défricheur et électron libre, animé par la passion et le goût de l'art contemporain, David Bloch, enchaîne les rencontres et multiplie les expositions dans l'espace qu'il a ouvert à Marrakech, depuis plus de deux ans, la David Bloch Gallery. Entretien inspiré. Différentes vues de la galerie David Bloch à Marrakech. Différentes vues de la galerie David Bloch à Marrakech. Comment est née l'idée de l'exposition Summer Group Show? L'été au Maroc, ne se prête pas aux expositions individuelles, ni aux événements artistiques. C'est donc l'occasion de faire une grande exposition collective estivale, en attendant la rentrée avec impatience…. Il était important pour vous de montrer à travers cette exposition collective estivale les différents visages de la planète art comme la lettre et la calligraphie, l'art optique et la cinétique, l'abstraction et l'imaginaire ? Ce sont les 3 thèmes de prédilections de la galerie. Ils révèlent énormément de sens pour moi et insufflent à la direction artistique un delta d'expressions très larges. Cette exposition collective très longue (trois mois) permet, une revue d'inventaire globale des artistes représentés et de ce fait par conséquent, de l'orientation de la galerie. C'est pourquoi nous changeons régulièrement l'accrochage. Le premier, fait début juillet, avait été l'occasion de découvrir pour la première fois le travail de Supakitch, nouvel artiste de la galerie. Le prochain accrochage aura lieu début septembre et j'aurais l'immense plaisir d'accrocher des œuvres d'une artiste marocaine, Yasmina Alaoui. Les travaux présentés seront des émulsions photographiques qui nous ferons naviguer entre l'art optique et l'abstraction – inspirés par des motifs géométriques arabo-islamiques. Parlez-nous de Supakitch... Humainement d'abord, il est proche de plusieurs artistes déjà représentés par la galerie et notre rencontre s'est faite facilement, la communication a été simple. C'est un jeune homme intelligent et intéressant. La volonté de travailler ensemble était commune. Son travail se fond facilement dans le line-up de la galerie. C'est à mes yeux une abstraction lyrique moderne : d'une précision et d'une finesse époustouflantes. Vous êtes Français, pourquoi avez-vous choisi le Maroc pour y faire découvrir les plasticiens contemporains ? Je vis entre la France et le Maroc depuis presque 15 ans et j'ai toujours été sensible à la richesse et la diversité artistique du royaume. Ouvrir une galerie d'art a Marrakech était alors, une évidence, avec pour vocation de créer un lieu d'échange culturel. Concrètement, c'est la visite d'un local laissé à l'abandon qui a été déclencheur à un moment de ma vie où j'avais du temps et à nouveau l'envie d'entreprendre. De façon plus profonde, tout ça est le fruit d'un cheminement personnel, je n'ai rien trouvé de mieux pour me « désobéir ». Ce défi est à la hauteur de mon insatisfaction, cela me plaît beaucoup, la part d'imprévisible est immense… C'est de l'ordre du challenge !D'autre part, le Maroc me semblait plus « vierge » en terme de marché et de monde de l'art. Lieu idéal pour le commencement d'une belle aventure. D'où vient votre goût évident pour les graffeurs ? C'est à l'origine une question générationnelle et culturelle. Le graffiti et le tag n'ont rien à faire sur une toile ou dans une galerie, leur place est dans la rue, le long des voies ferrées et sur le matériel roulant. Certains artistes qui ont voué leur jeunesse au graffiti ont aujourd'hui réussit leur passage en atelier. Ce passage est validé par une rupture artistique entre leurs passés dans la rue et leurs travaux actuels, présentés en galerie. Mist, Tanc, L'Atlas, Alëxone Dizac, Vincent Abadie Hafez, Steph Cop,en sont représentatifs, ils ne font plus de graffiti mais leurs oeuvres portent les stigmates de leurs vécus. Aujourd'hui, je défends cette évolution. Je profite de cette question pour apporter une précision concernant le street art : être considéré comme un artiste issu de la culture street-art n'est pas validé par le fait de travailler avec une bombe aérosol ou un pochoir par exemple, ce ne sont que des outils, mais marqués par un lourd passif d'actions illégales, réactionnaires dans la rue. Le passage en atelier, puis éventuellement en galerie est une suite de ce vécu, de cette expérience, une continuité mais aussi une évolution souvent liée à une rupture artistique. A leurs débuts, les graffeurs n'avaient aucunes revendications commerciales. L'anonymat était de mise, l'expression artistique avait avant tout, une vocation réactionnaire. Le street-art par définition est un art de rue. Une fois en galerie, ces artistes sont « issus de la culture street-art »et sont marqués à vie par cette expérience. Une fois en galerie, un artiste issu de la culture street-art ne fait plus du street-art, il fait de l'art. Je trouve à la fois amusant et ridicule de constater la multiplication d'artistes se revendiquant du street art : ils avouent avoir commencé le street-art en 2008 et avoir fait des toiles la même année, usent des codes street-art banalisés ( personnages de bandes dessinées, super héros, utilisation médiocre du pochoir et de la bombe ), se présentent aux vernissages sur-lookés et souvent masqués… Ils ont de toute évidence vu en boucle le film de Banksy avec Brainwash « Exit trough the gift shop ». Ils ne font pas des toiles mais de vulgaires affiches et n'ont aucune créativité, reproduisant médiocrement un schéma. Les plasticiens arabes contemporains affolent actuellement les galeries, les Biennales et les Foires en Occident. Que cela vous inspire-t-il, étant défricheur de cette expression ? Je trouve cela remarquable et justifié. Le Maroc se caractérise à mes yeux par une grande richesse et diversité artistique, on le constate notamment dans l'art de vivre, la culture, l'artisanat. Il n'est, de ce fait, pas de raison que des artistes arabes et marocains, en l'occurrence, n'émergent pas dans le monde de l'art contemporain. Il y a aussi, il me semble une question de conjoncture. Le marché de l'art au Maroc et dans le monde arabe a peut être longtemps été fermé, protectionniste voir « consanguin ». Cette période est révolue, l'heure est à l'ouverture. Un dernier mot à propos de « Neurogamie » et « Remed »… L'exposition de Steph Cop (« Children of Production ») Neurogamie commencera le 5 octobre 2012. Steph Cop est une légende du graffiti et de toute la culture associée en France. Ses personnages ont marqués l'avènement du graffiti en Europe au début des années 90. C'est un designer reconnu, il a crée des marques phares telles que Homecore ou Lady Soul. L'évolution de sa pensée l'a amené depuis plusieurs années vers un isolement du système et vers un travail de sculptures brutes en bois. Il a exposé tout l'été au Château de la Napoule à Cannes Mandelieu. L'évolution de son travail est pleine de sens. Un retour aux sources, aux matières basiques…. Il viendra sculpter des essences de bois marocains. Quant à l'exposition de Remed au mois de décembre 2012, ce jeune français exilé en Espagne a un talent hors du commun. Le magazine américain « Juxtapose » – bible de l'illustration et de l'art très contemporain – lui consacre une quinzaine de page dans son numéro d'été. Il viendra dans plus de deux mois au Maroc pour produire des œuvres sur toile et sur papier. Il profitera également de son séjour pour produire des interprétations de son travail en collaboration avec des artisans marocains. Ces deux artistes font très peu d'expositions individuelles et c'est à la fois un immense plaisir et un immense honneur, de le recevoir à Marrakech. * Tweet * *