Mercredi 22 septembre 2010, Meknès abrite la 2e édition de la compétition nationale du graffiti. Rabie El Addouni a 29 ans, il est un graffeur meknassi, et fait partie des organisateurs de cet événement, où «huit graffeurs ont pris part à la compet' qui a duré toute une journée, et dont le gagnant a été Najib Sadiki, un graffeur Casablancais, basé en France». Ce dernier empoche un (petit) chèque de 1000 DH et la reconnaissance de ses pairs. Cette compétition traduit l'intérêt grandissant des jeunes pour la culture urbaine et surtout pour cette composante importante de l'art de la rue. Une histoire dans la marge Nous sommes en 1999, Hicham Abkari, en vrai agitateur culturel, organise le premier battle (compétition) de break dance au complexe culturel Sidi Belyout. La culture hip hop est encore à ses premiers balbutiements, «les groupes participants comptaient parmi eux des taggeurs, se rappelle H. Abkari. Le début du tag au Maroc remonte même à 1995. Mais on est encore aux premiers pas de cet art. Le tag est intimement lié au break dance. En témoigne d'ailleurs le parcours de plusieurs graffeurs, comme Aouina qui est passé par des groupes de break dance avant de se consacrer exclusivement aux tags et aux graffitis. Le taggeur devient ainsi le porteur de la marque visuelle du groupe de hip hop ou de break dance, le groupe lui commande des pochettes d'albums et des t-shirts. Porteurs de message social, les graffitis ou les tags au Maroc sont encore liés à l'environnement où ils ont vu le jour : la culture urbaine. «Pour marquer son territoire ou tagger le territoire d'un groupe de break rival on utilise les tags», explique H. Abkari. Sur le boulevard Oued Eddahab dans le quartier casablancais de Sbata, on retrouve un célèbre mur où les groupes de rap et de break dance mènent une lutte pour marquer leur présence. Le tag connaît une floraison avec l'arrivée en masse des groupes de hip hop. Les taggeurs s'approprient quelques parcelles dans les grandes villes mais à leurs risques et périls. H. Abkari nous décrit l'ambiance de travail des taggeurs : «un groupe de break dance s'installe la nuit dans un espace de la ville, le beat flow brise le silence de la nuit, le taggeur est en train de marquer le nom du groupe sur le mur alors que les autres membres guettent une éventuelle descente policière». Tout acte de graffiti est assimilé à une dégradation d'un bien public. Les taggeurs sont donc des hors-la-loi, mais pensent-ils à s'organiser un jour pour défendre leur droit de créer ? «Il est illogique pour ces artistes de se regrouper car ils n'entrent pas dans ce moule et aussi ils se considèrent comme des réfractaires à tout type d'organisation qui risque de sécuriser leurs expressions artistiques», répond H. Abkari. Quel art-gent ? De par le monde, les polices de caractères et les figurines créées par les graffeurs commencent à être reprises par les designers et les publicistes. Au Maroc, la survie de ces créateurs dépendra-t-elle de leur capacité à s'adapter à la demande commerciale ? Pour H. Abkari, c'est un premier challenge pour cet art nouveau au Maroc. «Le grand débat entre l'art et l'argent est de nouveau posé. Le défi pour ces jeunes c'est de conserver leur originalité tout en arrivant à vivre de leur art», pense à haute voix l'actuel directeur du théâtre Mohammed VI de Casablanca. Ce dilemme est comparable à celui auquel font face les groupes de rap qui aseptisent leurs textes pour pouvoir passer à la télé ou pour être invités aux concerts. Actuellement, le Maroc compte beaucoup plus de taggeurs que de graffeurs et tout le monde n'a pas les mêmes moyens. «Il y a encore des taggeurs qui n'arrivent pas à se payer des bombes et dépannent avec du charbon», indique H. Abkari. En plus de Aouina et de Rabie, Issam Rifki, est un autre graffeur reconnu de la place qui s'est illustré en faisant les fonds de scènes de la première édition du Festival de Casablanca. A l'époque, H. Abkari était co-directeur artistique de l'événement. Aujourd'hui, T. Rifki travaille avec des agences publicitaires et avec des producteurs de cinéma. Entre temps, Rabie, le jeune meknassi prépare déjà, dans l'underground, la prochaine édition de la compétition nationale de graffiti et promet d'augmenter le chèque du gagnant et d'inviter des street artists internationaux. Galeries et éspoir David Bloch est une nouvelle galerie d'art contemporain installée à Marrakech qui innove depuis un an en osant inviter de grands noms du street art. Ainsi le graffeur Alëxone Dizac, spécialisé dans l'art de rue ou encore Profecy, coté aux galeries parisiennes, étaient de passage au Maroc. La galerie se permet le luxe d'inviter l'artiste Mist avec un must, une série de graffs pensés spécialement pour l'endroit. David Bloch, le directeur de cette galerie rencontre des jeunes marrakchis passionnés de graffitis et pense qu'ils sont techniquement aptes. «Cependant, en Europe ou au Etats-Unis, le street-art est né d'une réaction au modèle social dominant. Des jeunes des quartiers défavorisés y tentent d'affirmer leur existence sociale. A Marrakech toujours, vinyles, platines et pochoirs se disputent la vedette ce samedi lors du Live painting et Djing experience. L'événement est organisé par Kechmara et Underground Gallery. Enfin, Marrakech Art Fair, première foire internationale d'art moderne et contemporain au Maroc, réserve un espace de choix au street-art.