Lahcen Daoudi dément la fin de la gratuité de l'enseignement supérieur. Selon le ministre, ses propos ont été déformés et sortis de leur contexte. Il s'agirait plutôt d'une participation financière des familles aisées, et uniquement dans certaines filières. « L'investissement de l'Etat doit évidemment augmenter, mais cela n'est pas suffisant », affirme Lahcen Daoudi (en médaillon). «La gratuité de l'enseignement supérieur n'est pas et ne sera pas annulée », a déclaré Lahcen Daoudi lors d'une conférence de presse organisée le vendredi 3 août. Le ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la formation des cadres tente de rectifier le malentendu et insiste sur le fait que ses propos ont été sortis de leur contexte. « La gratuité est la règle, et le paiement en est l'exception », a déclaré le ministre. « Mon projet ne concerne que les facultés de médecine et les grandes écoles dont les frais sont très élevés», ajoute Daoudi en insistant sur le fait que les personnes issues des classes moyenne et inférieure ne devront s'acquitter d'aucun frais. Reste à savoir comment seront définies ces classes supérieures. Il est important de rappeler que selon une étude faite par le HCP en 2009, sont considérés comme faisant partie de la classe moyenne les ménages dont le revenu mensuel se situe entre 2 800 dirhams et 6 736 dirhams. Cela voudrait-il dire qu'un étudiant dont les parents réunis gagnent au moins 7 000 dirhams par mois devra s'acquitter des frais de scolarité ? Pour l'instant, le projet présenté par le ministre de l'Enseignement supérieur n'indique pas non plus le montant approximatif de ces frais. La solution miracle ? S'il y a bien eu malentendu et déformation des propos du ministre, cela n'empêche pas de se demander si la contribution financière des étudiants peut réellement régler le problème de l'enseignement au Maroc. Faire payer certains étudiants permettrait d'aider à financer les infrastructures, mais ne va certainement pas régler le problème de l'éducation au Maroc. Un problème structurel qui date de plusieurs décennies et qui entrave sérieusement le développement du pays. Or, la participation financière des familles aisées a été présentée par le ministre comme la solution ultime. « Il y a un choix à faire. On peut très bien sauvegarder la gratuité et ne rien changer. Si c'est ce que les Marocains veulent, on peut en rester là. » Les déclarations de Daoudi donnent l'impression que la contribution financière de certains étudiants serait le seul moyen de sortir le système de son statu quo. « L'investissement de l'Etat doit évidemment augmenter, mais cela n'est pas suffisant », affirme Lahcen Daoudi. Mais est-ce que le problème principal est réellement celui de la gratuité ? Et est-ce que le besoin de réforme ne concerne que les facultés de médecine et les grandes écoles ? En effet, le système éducationnel marocain souffre de manques d'infrastructures, mais pas uniquement. Faire payer les plus riches ne réglera pas forcément le problème s'il n'y a pas une volonté de révision structurelle du système. Au-delà du manque d'infrastructures qui peut être réglé par des moyens financiers, d'autres problèmes persistent : la dévalorisation de certaines filières – les sciences humaines principalement ; les difficultés d'accès à certaines filières, notamment à cause des seuils excessifs ; le manque d'orientation et de suivi, ainsi que l'absence d'équivalence entre les facultés, pour n'en citer que quelques-uns. Diplômés chômeurs Inc. Le projet de réforme du ministre de l'Enseignement supérieur ne concerne que les études en médecine et en architecture, en excluant les facultés de droit, de sciences, et de lettres. Daoudi lui-même n'a pas hésité à déclarer que les étudiants de ces facs n'étaient pas sûrs d'avoir un emploi, ce qui donc justifiait selon lui la gratuité. Or cette logique présentée telle une fatalité par le ministre ne fera que reproduire le cercle vicieux des diplômés chômeurs. S'il n'est aucunement envisageable selon le ministre de faire payer les étudiants de ces facultés, cela ne signifie pourtant pas qu'il n'y ait pas un réel besoin de réforme de ces filières. Les facultés de droit, de lettres et de sciences ne sont pas prises en compte puisque le projet de réforme de Daoudi focalise sur le côté budgétaire. Or, le problème ne concerne pas que l'infrastructure, mais aussi et surtout le contenu de ces filières et leurs débouchés. Seuils, ces barrières à l'entrée Cette année, beaucoup d'étudiants qui ont pourtant décroché le bac avec mention bien ou très bien n'ont pas pu concourir aux grandes écoles. Par exemple, le seuil d'accès au concours de l'Ecole Nationale d'Architecture est de 17/20 au baccalauréat, celui de la faculté de médecine de Marrakech est de 16.21, et celui de certaines ENCG a également atteint 16/20. Une faille de l'enseignement national qui pourrait remettre en question la valeur du baccalauréat puisque avoir 10 ou 15 de moyenne au bac revient au même. Bien que ces seuils soient établis à partir des résultats du bac, ils ne reflètent pas nécessairement le niveau des candidats ni leur aptitude à poursuivre leurs études dans des filières spécifiques. De plus, cette année, à cause de ces seuils exorbitants, l'impact se fera forcément sentir sur le nombre d'étudiants inscrits en fac, ce qui risque d'aggraver la situation. * Tweet * * *