Daniel Aron, artiste-photographe, réside depuis 1996 entre Tanger et Paris. Intrigué par l'ambiance nostalgique de la ville du détroit, en compagnie de Paul Bowles et son ami Franco Pardi, il s'est lancé le défi de percer l'intimité de Tanger. L'exposition s'intitulée « D'ici et D'ailleurs », à quoi faites-vous allusion ? ‘Ici' renvoie aux photos que j'ai prises à Tanger. ‘Ailleurs', on suit la côte, on part de l'Espagne, on arrive en France, et on trouve les rochers… C'est une espèce de parcours qui est un lien avec la côte atlantique sur laquelle est installée une partie de Tanger, qui mon lien entre l'Europe et le Maroc. Il se trouvait que j'ai fait cette série il y a plusieurs années mais que je n'ai jamais exposé et je pensais que ça pouvait s'inscrire parfaitement dans une exposition où effectivement deux sujets consacrés complètement au Maroc. Quels sont les messages évoqués à travers vos photographies exposées ? Je pense qu'il y en a deux : le premier concerne les pensions, c'est plus qu'un message, c'est une évocation des endroits où continuent à cohabiter à la fois des gens de passage vers l'Afrique en passant par le Maroc, ou du Maroc vers l'Europe. C'est un lieu d'échange dans les deux sens. On avait publié un livre avec des textes de Stéphanie Gaou sur le thème des pensions et des terrasses afin de rendre hommage à tous les artistes, les écrivains et les créateurs qui ont vécu un temps plus ou moins long à Tanger, qui pour la plupart, étaient jeunes, qu'ils n'avaient pas assez d'argent, que c'était leur envie, en séjournant dans ces pensions... Peut-on dire que vous êtes proche de l'école humaniste de Robert Doisneau ? Je me sens proche de cette école de photographie qui est humaniste. Il faut bien dire que le plus grand problème de ces photos et finalement de mes photos, n'est pas visible dans cette exposition parce qu'il n'y a pas de personnages. Le grand problème que pose la photographie aujourd'hui, c'est quand on photographie les gens dans la rue, on se heurte tout le temps à l'histoire des droits de l'image. On n'ose plus photographier des gens, mais éventuellement demander l'autorisation à quelqu'un a posteriori, mais avant de prendre la photo, c'est extrêmement difficile. De toute façon si la personne accepte, l'instant qu'on doit capter est perdu. Tout le travail des gens comme Doisneau, Cartier Bresson ou Robert Frank devient compliqué. Quels matériels utilisiez-vous pour photographier cette ville ? Il y a une unité complète, l'intégrale de ces photos, qu'elles soient en couleur ou en noir et blanc ont été photographiées avec un Leica M6 et en général avec un objectif de 35 mm. Vous dites que les terrasses de Tanger sont des territoires de liberté, que voulez-vous exprimer par cela ? Au moment où j'ai fait ces photos, il y a 10 ans, les terrasses étaient une autre ville dans la ville. Il y a une vie dans la rue, et une vie sur les terrasses, notamment pour les femmes. Quand on se promène dans une ville au Maroc, on remarque que les cafés sont encombrés d'hommes et il y a rarement des femmes, sur les terrasses, avec beaucoup de femmes et quelques hommes, c'est l'inverse, c'est un territoire de liberté... Pour moi, l'idée c'est un peu que les hommes occupent la rue, et les femmes les terrasses. Pour quelle raison vous avez fini votre carrière de photographe publicitaire ? J'avais envie de passer à une photographie où la commande n'existait plus j'étais le seul qui décidais ce que j'allais photographier. Il y a une dizaine d'années j'ai abandonné la photographie publicitaire, pour me consacrer à des sujets que j'avais moi-même choisis, et que je peux illustrer soit dans les expositions, soit dans des bouquins. C'était pourmoi une sorte de deuxième carrière. C'est très difficile, parce que tout d'un coup, on passe du statut de photographe connu à un photographe presque inconnu. C'est un recommencement quasi-total, c'est un challenge et ça me plaît... * Tweet * * *