Ils sont au moins dix mille. C'est le nombre prévisionnel des Marocains atteints d'un cancer, mais ne bénéficiant d'aucune prise en charge. Dans les services d'oncologie que ce soit dans le secteur privé ou public, ils marquent une absence inquiétante. «Le Maroc compte entre 30.000 et 40.000 nouveaux cas de cancer chaque année. Mais 20.000 seulement sont pris en charge», déclare le Pr. Hassan Errihani, chef du service d'oncologie médicale à l'Institut national d'oncologie Sidi Mohamed Ben Abdellah de Rabat. Dans une conférence qu'il a animée, à l'ouverture des 16 e journées pharmaceutiques, organisées du 6 au 8 avril par le Conseil des étudiants en pharmacie (CEP) de la Faculté de Médecine et de pharmacie de Rabat, cet éminent spécialiste a dressé l'état des lieux du cancer au Maroc. Pour lui, d'énormes efforts ont permis au Maroc de faire des pas de géants au point de vue logistique et de prise en charge des patients et de leurs familles. Cela dit, l'inexistence d'un registre national pose toujours problème en maintenant un flou constant sur le nombre réel des cancéreux qui pourrait mieux orienter les efforts. «Nous n'avons que deux registres régionaux à Casablanca et à Rabat et des registres d'institutions privées. A l'INO, 5.300 cancéreux se font soigner, soit 25% de l'ensemble, alors que le service d'oncologie d'Ibn Rochd (Casablanca) en compte 3.000», indique cet oncologue dans sa présentation. Et de souligner la complexité de la prise en charge du malade : diagnostic, traitement et surveillance. C'est, en fait, tout un comité pluridisciplinaire qui doit intervenir pour que chaque cas suive un processus médical dans les normes. «Dans d'autres pays, ce n'est qu'à cette condition que le traitement est remboursé», fait remarquer le Pr. Hassan Errihani. En attendant, le Maroc agit, d'abord, sur le terrain, car il doit être propice pour une meilleure prise en charge. Question radiothérapie, traitement locorégional des cancers, utilisant des radiations pour détruire les cellules cancéreuses en bloquant leur capacité à se multiplier, le Maroc dispose, actuellement, de trente accélérateurs linéaires (Linear accelerator (LINAC)). Neuf d'entre eux seront opérationnels dès l'an prochain. «L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande aux pays en voie de développement un appareil pour un million d'habitants. Nous sommes dans les normes», affirme ce professeur. Côté ressources humaines, l'insuffisance est de taille. «Nous disposons, actuellement, de 20 oncologues et de deux chirurgiens carcinologues titulaires d'une agrégation dans tout le Maroc», précise ce professeur ajoutant que la discipline de l'oncologie médicale n'est enseignée que depuis six ans à la Faculté de Médecine de Rabat. A l'Association Lalla Salma de lutte contre le cancer, le combat contre cette maladie a véritablement avancé : «En cinq années, cette association a réalisé ce que le Maroc a pris quinze ans pour le faire», souligne ce spécialiste. Un véritable miracle sur lequel comptent énormément les professionnels du domaine, l'Association Lalla Salma multiplie ses actions pour améliorer la prise en charge et renforcer les compétences marocaines. A ce propos, justement, cette association a signé, le 26 mars dernier, un accord avec Sanofi Aventis Maroc. Parmi les objectifs de ce partenariat de trois ans, financé à hauteur de 3 millions de dirhams (à parts égales entre les deux parties), la contribution au perfectionnement des compétences et qualifications du corps infirmier. En partenariat avec les hôpitaux universitaires de Genève, ce programme de formation bénéficiera à la quasi-totalité des infirmiers exerçant en oncologie au sein des hôpitaux publics. Il est aussi question de mettre en place des programmes de formation en psycho-oncologie au profit de médecins oncologues opérant dans les centres hospitaliers publics. Il s'agit de modules pédagogiques développés avec l'Institut national du cancer en France (INC). N'oublions pas que le poids psychologique de la maladie est déterminant dans le processus de guérison. Il était donc urgent que cette préoccupation soit prise en considération comme il se doit. Le patient requièrt ainsi un intérêt particulier dans cet accord bilatéral où la sensibilisation figure aux priorités. Aux patients, les partenaires promettent une information didactique et facilement compréhensible sur le cancer. Des fiches de chimiothérapie à destination des malades atteints du cancer, intitulées «Mieux vivre son traitement contre le cancer», seront éditées et remis aux patients. Des guides opérationnels pour parvenir à l'identification des catégories de patients, à assurer l'organisation et la flexibilité de l'accueil, entre autres, seront élaborés au profit des gestionnaires des hôpitaux. Plan national : Un investissement de 8MMDH Le Maroc dispose actuellement de cinq centres publics (Rabat, Casablanca, Oujda, Agadir et Al Hoceima) et quatre cliniques privées pour le traitement du cancer, une maladie qui représente 7,2% des décès chaque année. C'est dire l'urgence de multiplier les structures de traitement, une priorité du plan national contre le cancer. C'est l'Association Lalla Salma de lutte contre le Cancer (ALSC) qui a présidé le 24 mars dernier à Skhirat, le lancement officiel de ce Plan national de prévention et de contrôle du cancer (PNPCC). Le cancer enregistre une croissance face à laquelle plus d'effort sont nécessaires. Fruit d'un partenariat stratégique entre l'ALSC et le ministère de la Santé, le PNPCC, d'un coût global de 8 milliards de dirhams, s'articule autour de l'objectif d'offrir des soins de qualité accessibles à travers toutes les structures du Maroc. Le plan intitulé «Ensemble contre le cancer», sert de feuille de route où les spécificités nationales sont prises en considération. Quatre centres régionaux seront ouverts à Safi, Laayoune, Meknès et Tanger, en plus de deux centres anticancéreux spéciaux pour les femmes à Rabat et Casablanca, et de deux centres d'oncologie pédiatrique à Fès et Marrakech.