Vidéo. Mohamed Chaouki : «L'importation d'ovins a permis de stabiliser les prix lors de l'Aïd Al-Adha 2024»    La France fournira pour la première fois des services consulaires à Laâyoune à partir du mois de mai    À Safi, l'Etat ratifie la délimitation réglementaire de trois zones industrielles à Khat Azakane    Skhirat-Témara : extension du complexe des écoles militaires sur le domaine forestier de M'khénza Zaër    Maroc : la croissance prévue à 3,8% au T2 2025    Qui est « Visit Rwanda », ce sponsor qui accompagne le PSG en demi-finale de la Ligue des champions ?    Le pire n'est jamais sûr : « On the brink »    SM le Roi félicite le président syrien à l'occasion de l'anniversaire de la fête de l'évacuation    Préparatifs de la CAN 25 : Plus de 120 projets sont actuellement en cours de réalisation dans les six villes    Avec 5 972 tonnes, le Maroc établit un nouveau record d'exportation de fraises surgelées vers le Japon    Relations Rabat-Bruxelles : Madrid souhaite la tenue dans les plus brefs délais d'un Conseil Maroc–Union européenne    À Oulad Teïma, la police dément des accusations de mauvais traitement formulées par une association locale    Les températures attendues ce jeudi 17 avril 2025    À Rabat, le prince Moulay Rachid inaugure la 30e édition du Salon international de l'édition et du livre (SIEL)    Agadir : Douar des arts sur le front de mer    Politique migratoire : l'UE place le Maroc sur une liste de pays «sûrs», limitant l'accès à l'asile    La Chine appelle Washington à cesser les pressions et réaffirme sa volonté de coopérer sans renoncer à ses intérêts    Cybermenaces en Afrique : les entreprises dans la ligne de mire des logiciels espions    Regragui et ses déclarations improvisées : Est-il devenu un fardeau pour l'équipe nationale marocaine ?    CAN U17 : Nouvel horaire pour la finale Maroc - Mali    «Tout s'est effondré» : Les confidences de Mohamed Ihattaren sur la mort de son père    Evènement : Rabat accueille la Conférence africaine des agents de football    Assurance : la mue enclenchée (VIDEO)    AKDITAL annonce deux partenariats stratégiques en Arabie saoudite    Lors d'une réunion au ministère de l'Intérieur... Préparatifs intensifs et investissements majeurs : le Maroc accélère le rythme pour accueillir la Coupe d'Afrique des Nations 2025    Sahraouis tués par l'Algérie : Le MSP demande la protection de l'ONU    Sidi Yahya El Gharb : Arrestation des mineurs impliqués dans la maltraitance animale    Edito. À bas l'omerta !    Visite de Nasser Bourita à Madrid : un nouvel appui espagnol affirmé en faveur de l'initiative d'autonomie comme solution au conflit du Sahara    Tourisme : l'ONMT muscle le réseau aérien pour l'été    Livre au Maroc : Des défis structurels et des auteurs édités à l'étranger    Maroc-Espagne : Le renforcement du partenariat stratégique au centre des entretiens entre M. Bourita et son homologue espagnol    Les prévisions du jeudi 17 avril    Escalade commerciale entre Washington et Pékin : la Chine promet de riposter "jusqu'au bout"    La filière des agrumes se donne rendez-vous à Marrakech pour repenser son avenir    Xi Jinping tient des entretiens avec le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim    Au Maroc, des outardes canepetières sacrifiées aux morts il y a 15 000 ans, dans une des plus anciennes nécropoles d'Afrique    Bagétimbi Gomiz au GITEX : « La tech, c'est mon nouveau terrain »    La CEDEAO célèbre ses 50 ans à Accra le 22 avril    Cybersécurité. « Il faut contrer l'IA... par l'IA », selon Amine Hilmi    Coopération. L'Ethiopie s'appuie sur le Vietnam    El sector de los cítricos en Marruecos busca reinventarse en Marrakech    Gitex : conclusion d'un partenariat pour promouvoir la numérisation des services de la Bibliothèque nationale    Rabat : La 10e édition de Jidar Street Art Festival prévue du 8 au 18 mai 2025    Indiana Jones 5 au Maroc : Une enquête confirme les causes du décès d'un technicien    Salles de cinéma : Marjane Group et Pathé concluent un partenariat stratégique au Maroc    Walid Regragui: Les Lions de l'Atlas vont se surpasser pour remporter la CAN    LDC : Real et Bayern pour renverser Arsenal et l'Inter ce soir    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Retour au pays de l'enfance
Publié dans Le Soir Echos le 29 - 06 - 2012

A l'âge de 22 ans, Daoud Aoulad Syad a été reconnu par Henri Cartier Bresson comme un photographe de talent. Une vocation confirmée par ses travaux ultérieurs : Marocains, Territoires de l'instant, Boujaâd, son travail sur les artistes du Festival des arts populaires et jusqu'à certaines parmi ces dernières photos en couleur. Le même HCB lui a conseillé de retourner dans son pays alors qu'il était sur le point d'intégrer l'Agence Magnum. Si Daoud Aoulad Syad définit sa photographie comme une photographie d'auteur, il est par ailleurs évident qu'il est l'héritier de la photographie humaniste. Trois noms l'ont, selon toute vraisemblance, marqué : l'immense HBC, Robet Frank (Américains) et Gilles Peress, Telex Iran. Ceci dit, la photographie de Daoud Aoulad Syad a son propre imaginaire lié à l'enfance, au pays de l'enfance (Marrakech, l'espace de Jamaa El Fna, en l'occurrence), à la mémoire du corps et au nom, le sien. « Syad » veut dire littéralement « chasseur ». – L'assimilation de la photographie à la prédation est très connue (Susan Sontag, Serge Tisseron, entre autres). – Il signifie aussi, selon le contexte,
« pêcheur ».
Evoquant l'enfance pour expliquer son désir de la photographie, Daoud Aoulad Syad rapporte ce souvenir : « Un jour, le cirque Amar est arrivé place Jamaâ El Fna. Ce qui m'intéressait le plus, c'était la fête foraine autour du cirque. Je m'y attardais avec les copains pour admirer le danseur. De retour chez moi, je m'enfermais dans une chambre, et commençais à danser et à l'imiter devant une glace. Un dimanche, j'étais allé le voir très tôt. Le danseur m'a aperçu en train de l'imiter et m'a demandé de monter sur les planches pour danser à côté de lui. J'étais heureux. Je suis monté, tout le monde a commencé à applaudir. En descendant, le patron m'a donné un dirham, et m'a demandé de revenir le dimanche suivant. Le dimanche d'après le cirque était parti. Ce soir là, j'ai beaucoup pleuré ».
Ces pleurs de l'enfance qui croit en l'innocence du monde, nous les avons tous connus. Mais pour si banal qu'il paraît, ce souvenir nous ramène à l'expérience du deuil, à l'épreuve de la disparition, à la fragilité et à l'éphémère de l'existant. Il est une autre expérience du deuil dont Daoud porte le souvenir, celle du père. Il n'en parle presque jamais. Sinon par le détour du cinéma, dans En attendant Pasolini. Présence, par contre, de la mère dans sa photographie et dans son cinéma. Comme si elle était l'emblème de la terre natale et comme si cette photographe était un hommage à la figure sublimée de la Mère. L'absence donc de l'un (le père) est compensée par la présence souveraine de la Mère. Dualité de la présence-absence et travail du deuil qu'on attribue à toute photographie.
Le thème de la photographie de Daoud Aoulad Syad est le pays natal (scènes du quotidien, lieux, personnages, grands espaces, folklore – au sens noble du terme) comme si le photographe marocain n'était jamais sorti de cet âge de l'éblouissement devant la beauté renouvelée du monde qu'est l'apanage de l'enfance. Car il s'agit ici d'un regard d'enfant, où se conjuguent une virtuosité instinctive, un bonheur innocent et un désir de la rencontre. C'est un enfant qui cligne des yeux pour cacher le geste furtif du regard et la pensée malicieuse qui se cache derrière. Et c'est avec ce regard que Daoud « lit » – car il s'agit aussi d'une forme de lecture, j'y reviendrai – et donne à voir son pays : « Car « lire » un pays, c'est d'abord le percevoir selon la mémoire du corps. Je crois, ajoute Barthes, que c'est à ce vestibule du savoir et de l'analyse qu'est assigné [le photoraphe] : plus conscient que compétent, conscient des interstices mêmes de la compétence. C'est pourquoi l'enfance c'est la voie royale par laquelle nous connaissons le mieux un pays. Au fond, il n'est de pays que de l'enfance ». Mais où réside cette « conscience» dans la photographie de Daoud Aoulad Syad ?
Dans un de ses derniers entretiens, Edouard Glissant définit les trois dimensions de sa poésie : le paysage (l'espace), car dans une expérience de la colonisation la relation au paysage est limitée et garrotée ; le temps, car il s'agit de réparer le « chaos », sinon le désordre, provoqué par la même colonisation et enfin le langage (réappropriation de son propre langage et appropriation de langages nouveaux). Avec sa photographie, sa poésie à lui, Daoud Aoulad Syad s'engage dans ces trois processus de réparation par lesquels le sujet décolonisé ré-émerge sur la scène du monde. L'autre indice de cette conscience politique se manifeste dans le choix des sujets de sa photographie et la prédilection exclusive pour la marge : le Maroc ancestral, le peuple, la campagne, le Grand Sud, son Sud magnétique qu'on trouve aussi dans son cinéma. Il y a, dans la photographie de Daoud Aoulad Syad, sous-jacente, à la limite du refoulement, une revendication de la négritude et une dénonciation de ce largage de toute une géographie ( race, paysage) et de tout un pan de la culture marocaine qui lui montre, palpable, sa part d'africanité. C'est donc avec un vrai bonheur que nous retrouvons la photographie de Daoud Aoulad Syad. Après quasiment 30 ans d'absence sur les cimaises des galeries, et parallèlement à une carrière cinématographique qui fait de lui aujourd'hui le cinéaste marocain que tous les festivals internationaux récompensent, DAS revient à ses premières amours et nous gratifie d'une exposition de « vintage », de très belle facture, en noir et blanc et en argentique à la galerie de l'aimance de Casablanca..
Enseignant-chercheur


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.