Dans l'enceinte de son église, le prêtre Maxim Massalitin, recteur de la paroisse de la Sainte Résurrection à Rabat et représentant du Patriarcat de Moscou au Maroc, nous dit toute la vérité et rien que la vérité sur l'affaire de l'Eglise russe orthodoxe de la Dormition à Casablanca. [eglise] Le prêtre Massalitin a célébré le dernier office le 15 janvier dernier. Le 1er février, l'église de la Dormition a été saccagée. Votre manifestation, rue Blida, contre la destruction de l'église de la Dormition, a-t-elle porté ses fruits? La manifestation du 4 juin dernier a eu des échos très positifs car, le soir-même, Mohamed Bousaid, wali de Casablanca, a ordonné que l'église soit surveillée 24/24h. Nous avions demandé cela maintes fois pour prévenir la menace de sa destruction par sa nouvelle propriétaire, en vain. Comment cette vente a-t-elle eu lieu? Le prêtre Nicolas Semenoff, défroqué en 2001, a décidé seul la vente du patrimoine de la paroisse de la Dormition. C'est donc une escroquerie. Il y a certes un PV de l'Assemblée générale de l'association Communauté et Eglise orthodoxe russe au Maroc mais il est faux car 3 personnes seulement étaient présentes à cette assemblée, dont 2 amis de Semenoff qui ne sont ni orthodoxes ni russes ! Ceci alors que les statuts fondateurs de 1948 stipulent que les membres de la communauté doivent obligatoirement être orthodoxes. Parallèlement, nous avons des témoignages de personnes qui désiraient être membres de l'association mais ont été systématiquement écartées par Semenoff. Comment un prêtre peut-il agir de la sorte? Il y avait certes des rumeurs disant qu'il cherchait à vendre l'église mais personne ne pouvait l'imaginer car il y avait des offices dans cette Eglise, des fidèles qui la maintenaient en bon état… Apprendre cette nouvelle a été un choc pour toute la communauté. Nous avons donc réagi par la voie légale : Monseigneur Mikhaïl, l'archevêque de Genève, sous la juridiction duquel se trouve l'église de la Dormition, et moi-même avons porté plainte et attendu la décision du procureur général du roi. Mais la nouvelle propriétaire a repris les clefs et signifié, par écrit, vouloir détruire l'ensemble des constructions, dont l'église. Avez-vous contacté la nouvelle propriétaire pour lui exposer votre cas? Après notre plainte, nous avons reçu une lettre de sa part indiquant qu'elle avait acheté l'église et voulait notre avis. Mais il eut fallu nous contacter avant et poser cette question au Consulat général de Russie ou à moi-même. Mais elle n'en a rien fait. Je ne peux affirmer qu'il y a eu mauvaise foi, mais acheter une église est déjà assez particulier. Sur le cadastre, il est inscrit que c'est une «kanissa». Certes, elle a reçu une attestation de la part de Semenoff prétendant que cette église n'était pas une église mais une simple chapelle destinée aux membres de la communauté… On peut donc supposer qu'elle était de bonne foi. Reste que si elle avait consulté les papiers historiques, elle aurait su que cet édifice est bien une église pour les centaines de Russes qui vivent à Casablanca. C'est pourquoi nous ne faisons rien pour la contacter. Que vous reste-il à faire, attendre ? Il y a deux parties dans l'affaire: pénale et administrative. Nous avons porté l'affaire au pénal et nous supposons que Semenoff sera inculpé car le dossier a été transmis par le procureur général du roi au juge d'instruction, mais nous ne savons rien de plus. Parallèlement, nous avons appris que monsieur le wali de Casablanca a annoncé à nos diplomates qu'il va préparer une lettre au ministère de la Culture pour donner à cette église le statut de monument historique. Enfin, nous avons eu plusieurs publications au Maroc, en France, aux Etats-Unis et bien sûr en Russie, et nous sommes sûrs que les autorités marocaines seront attentives car, jusqu'alors, personne n'écoutait nos appels à l'aide face à une situation d'urgence. D'autant que la nouvelle propriétaire a déjà enlevé la croix sur la façade et des témoignages attestent que des ouvriers ont essayé d'enlever la croix de la coupole. Dans quel état se trouve aujourd'hui l'église de la rue Blida? Jusqu'au 1er février, l'église de la Dormition était restaurée et j'y pratiquais des offices réguliers, une fois par mois. J'y ai célébré le dernier office le 15 janvier et lors d'une visite, le 22, tout était en ordre. Mais le 1er février, tout l'intérieur avait été saccagé, l'icônostase et plusieurs icônes arrachées. Nous avons même des témoignages que Semenoff voulait faire disparaître tout cela pour préparer cette église à la transmission à la nouvelle propriétaire. C'est Mohamed Mjid qui nous a avertis des faits. Mohamed Mjid, l'ex-locataire ? Dans les années 1970-80, M. Mjid a aidé plusieurs Russes à quitter le Maroc en tant que délégué au Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Il était donc connu de la communauté et c'est pourquoi dans les années 80, lorsqu'il n'y avait plus beaucoup de Russes orthodoxes pour sauvegarder ce lieu saint, l'Eglise orthodoxe russe hors frontières lui a demandé de prendre le logement du prêtre en location. Il a donc été locataire depuis 1986. C'était très bien pour l'Eglise car ce n'est que depuis les années 90 que les Russes de l'ex-Union Soviétique ont commencé à arriver en plus grand nombre au Maroc. La raison de leur arrivée massive? La Russie a de bonnes relations avec le Royaume. Il y a notamment beaucoup de jeunes Marocains qui ont étudié en ex-URSS. C'est donc par les mariages que les femmes russes et ukrainiennes sont venues. Il y a aussi des diplomates, des hommes d'affaires, des ingénieurs et bien sûr les musiciens de l'Orchestre symphonique royal, qui nous aident d'ailleurs pour la chorale… Comment se passe votre cohabitation avec les Marocains? Très bien. Nous célébrons les offices pour les fidèles orthodoxes «de naissance» dans le calme . Nous n'avons pas ici l'intolérance que nous voyons en Syrie et en Egypte où il y a beaucoup de victimes parmi les chrétiens. Nous sommes reconnaissants au roi mais aussi au peuple marocain pour leur soutien. * Tweet * * *