Le socialiste François Hollande a remporté dimanche le second tour de la présidentielle française. Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales à Rabat, revient, pour Le Soir échos, sur cette victoire de la gauche et son impact sur le Maroc. « Le Maroc est un élément important dans la politique maghrébine de la France », estime Zakaria Abouddahab (ci-contre). Qu'est-ce qui va changer dans les relations maroco-françaises, après la victoire de François Hollande ? Je pense qu'il n'y aura pas beaucoup de changements. Le nouveau président français va certainement imprimer sa marque à travers son style, mais dans le fond, il y a des constances qui existent déjà et qu'il faut prendre en compte. Le Maroc est lié à la France par des facteurs historiques, culturels, géographiques entre autres. Nous avons déjà une commission mixte franco-marocaine qui travaille à améliorer les relations entre nos deux pays. Cette relation ne doit pas simplement se limiter au niveau gouvernemental. Je pense qu'il faut aussi plus impliquer le Medef (ndlr: le patronat français). Mais toutefois, comme ses prédécesseurs, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande ne changera pas de politique par rapport au Maroc et il n'y aura donc pas de chamboulement. Quelle sera la nature des relations entre le PS et les islamistes du PJD qui dirigent le Maroc ? Les deux partis ont intérêt à travailler ensemble. Le pragmatisme sera le maître-mot dans cette relation. Cependant, il faut le rappeler, les dirigeants du PJD sont des islamistes modérés. Certes, chacun des deux partis politiques a ses positions respectives sur certaines questions, mais je pense qu'il faudra aller au-delà. Le PS ne doit pas camper sur ses positions historiques, encore moins le PJD car c'est un nouveau contexte qui se dessine actuellement dans les relations entre le Maghreb et la France après ce qui s'est passé en Tunisie, en Libye, en Egypte et même au Maroc avec les importantes réformes qui sont en cours. Les deux partis doivent donc faire preuve d'adaptation en vue de la consolidation des relations bilatérales. Le Maroc est un élément important dans la politique maghrébine de la France. Et concernant le dossier du Sahara ? Sur ce point, la France, ces dernières années, n'a cessé de renouveler son soutien au Maroc. Je ne pense pas que François Hollande va opérer une rupture dans ce sens. Les réformes démocratiques entreprises par le royaume sont aussi un atout majeur de taille dans ce dossier. Certes, les liens historiques entre la France et l'Algérie sont importants – et, surtout, il y a aussi un rapprochement entre les deux pays ces derniers temps, mais je ne crois pas que cela va changer la position de la France au Conseil de sécurité. De même, le Maroc siège actuellement au Conseil de sécurité, se qui est un atout. Le contexte actuel au Maghreb marque une nouvelle phase, et la France n'a pas d'intérêt à semer la crispation dans la région. À quoi faut-il s'attendre sur le plan économique en ces temps de crise mondiale ? La France est le premier partenaire économique du Maroc, un statut qui, à mon avis, sera consolidé pendant le mandat de François Hollande. Lors de son discours après la victoire, le nouveau président français a évoqué la jeunesse, la justice et l'emploi, la preuve qu'il va se recentrer en interne afin d'améliorer la situation des Français. Sur le plan international, il faudra donc attendre quelques temps, voire quelques années, d'abord, avant d'espérer quoi que ce soit. Cependant, la crise ne doit pas handicaper les relations entre le Maroc et la France. Elle doit plutôt être l'occasion de mieux réfléchir aux efforts à entamer afin d'améliorer l'avenir.