Après quinze mois d'interruption, des contacts jugés positifs ont été établis entre Téhéran et le groupe des 5+1 (puissances occidentales + la Russie) le week-end dernier en Turquie. Bruno Tertrais , revient pour Le Soir échos sur la reprise de ces pourparlers. Pour Bruno Tertrais (en médaillon), les sanctions de la communauté internationale, contre l'Iran, représentent la moins mauvaise des options. Que peut-on attendre de la reprise des pourparlers avec l'Iran ? Je pense concrètement qu'il n'y aura pas de miracle. Ces contacts ont été établis afin de définir les conditions dans lesquelles auront lieu les négociations sur le nucléaire iranien. Ce n'est donc pas encore une reprise formelle. Mais on peut s'attendre à des concessions de la part de l'Iran qui permettraient de repartir sur de bonnes bases. Il pourrait s'agir pour Téhéran de limiter l'enrichissement de l'uranium. Pourquoi le nucléaire iranien est-il autant contesté ? Plusieurs raisons expliquent cette polémique autour du nucléaire iranien. D'abord, sur le plan juridique, l'Iran est signataire du Traité de non-prolifération(TNP), ce qui veut dire que son ambition par rapport au nucléaire (militaire) est une violation dudit traité. L'acquisition de l'arme atomique par Téhéran aura également des répercussions sur la région. Des pays comme l'Arabie saoudite et autres pourraient aussi nourrir l'ambition d'avoir l'arme nucléaire. L'autre raison, c'est la crainte que l'Iran pourrait agir dans la région et étendre son influence. La série de sanctions adoptées contre l'Iran depuis le début de cette crise représente-t-elle vraiment la solution ? Ces sanctions de la communauté internationale représentent, à mon avis, la moins mauvaise des options. Mais cela ne suffira pas même si elles auraient des répercussions réelles sur l'économie iranienne. On ne demande pas à l'Iran de ne pas développer le nucléaire, c'est plutôt son ambition militaire dans la région qui inquiète. L'Iran doit donc rassurer la communauté internationale sur ses réelles intentions dans ce sens. Et je pense que si les discussions échouent à nouveau, les puissances occidentales vont mettre en application les sanctions graduelles déjà programmées pour contraindre les autorités iraniennes. De même, la menace d'une action militaire américaine est aussi un facteur important qui peut faire reculer Téhéran. À votre avis, une attaque israélienne contre les installations iraniennes est-elle envisageable dans le contexte actuel déjà marqué par l'instabilité en Syrie qui menace la région ? Je serais étonné d'une telle action de la part d'Israël, pas qu'il n'en a pas les moyens, mais surtout de la riposte iranienne et de son ampleur. Ces frappes aussi pourraient avoir des résultats imprévisibles et produire un effet contraire. Israël hésite donc face à ces conséquences. Je crois que la France ne soutiendra pas non plus une telle action militaire des Israéliens, cependant, elle s'abstiendra de la condamner. Je pense qu'il faut donner plus de chance à la reprise des négociations. Tension entre l'Iran et les Emirats Arabes Unis Le torchon brûle entre l'Iran et les Emirats Arabes Unis. La visite, la semaine dernière, du président iranien Mahmoud Ahmadinejad sur l'île d'Abou Moussa, occupée par l'Iran depuis 1971 aura provoqué l'ire des autorités d'Abou Dhabi qui revendiquent cette île ainsi que deux autres situées près du détroit d'Ormuz. « L'Iran est favorable à la coopération pour maintenir la paix dans le Golfe, mais défendra avec détermination son intégrité territoriale contre toute agression », a déclaré, mardi, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, cité par l'agence de presse officielle. Ces déclarations intervenaient quelques heures avant la réunion extraordinaire du Conseil de coopération du Golfe(CCG) consacrée aux relations avec l'Iran. Le CCG a vivement condamné la visite du président iranien, qu'il a d'ailleurs qualifié de « provocation irresponsable contraire à une politique de bon voisinage ». « Nous sommes satisfaits et fiers de la visite du président dans les trois îles (d'Abou Moussa, grande Tomb et petite Tomb) qui font partie intégrante de notre patrie et nous ne permettrons à personne de discuter à propos de notre intégrité territoriale », a répliqué le commandant en chef de l'armée iranienne, le général Attaollah Salehi, cité par l'agence Mehr. Pour rappel, les Emirats Arabes Unis ont déjà rappelé leur ambassadeur à Téhéran en fin de semaine dernière.