Après huit heures de discussions apparemment difficiles, à Vienne, en Autriche, les ministres des affaires étrangères des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, rejoints par leur homologue allemand et le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Javier Solana, se sont accordés, jeudi 1er juin, pour présenter une série d'offres à l'Iran, visant à pousser ce pays à renoncer à ses activités nucléaires controversées. Celles-ci sont soupçonnées d'avoir des visées militaires. La communauté internationale a ainsi fait une démonstration d'unité face au régime iranien, tandis que les Etats-Unis s'attachent à obtenir le consentement de la Russie et de la Chine à une action ferme du Conseil de sécurité, dans les semaines ou les mois qui viennent, au cas où l'Iran n'obtempérerait pas. De strictes consignes de discrétion ont été convenues entre diplomates à Vienne, et peu de détails ont filtré sur le contenu exact du texte qui sera soumis à Téhéran les jours prochains. La secrétaire d'Etat américaine, Condoleeza Rice, avait souligné, avant cette réunion, qu'il s'agirait à la fois de mesures incitatives et de menaces de sanctions, en cas de refus iranien. Mais la déclaration faite à l'issue de la rencontre de Vienne par la ministre britannique des affaires étrangères, Margaret Beckett, ne contient pas le mot "sanctions". "Nous sommes convenus d'une série de propositions de grande portée comme base de discussions avec l'Iran, a-t-elle dit. Nous sommes prêts à reprendre les négociations si l'Iran en revient à la suspension de toutes les activités liées à l'enrichissement et au retraitement (d'uranium), et nous suspendrions alors également les actions du Conseil de sécurité." En cas de rejet de l'offre par l'Iran, "d'autres mesures devront être prises par le Conseil de sécurité", a-t-elle ajouté. Des diplomates indiquent que Téhéran disposera de plusieurs semaines pour étudier l'offre. Celle-ci, selon une version qui circulait entre les capitales à l'approche de la réunion de Vienne, prévoit notamment la mise en place d'un consortium international fournissant à l'Iran des réacteurs nucléaires à eau légère, des garanties pour la fourniture de combustible nucléaire, et une coopération dans les domaines économique et aéronautique. En échange, l'Iran soumettrait ses installations nucléaires à des vérifications inopinées et élargies de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). En cas de refus, un éventail de menaces est brandi, allant des interdictions de visa à un embargo sur les ventes à l'Iran de produits pétroliers raffinés et d'armes (ce dernier point étant difficile pour la Russie). Moscou et Pékin ont poussé ces dernières semaines pour que tout passage à des sanctions relève de résolutions ultérieures à l'ONU, se réservant ainsi une position de repli. La condition de base au moindre accord avec l'Iran, c'est-à-dire la suspension complète de ses activités d'enrichissement, reste un important point d'achoppement. L'Iran refusait ces derniers jours de reculer en quoi que ce soit, parlant d'un "droit naturel" à enrichir. CENTRIFUGEUSES À VIDE Des experts indiquent toutefois que Téhéran pourrait jouer sur une ambiguïté : depuis plusieurs semaines, les 164 centrifugeuses reliées en cascade dans l'usine de Natanz - une réalisation qui avait permis à l'Iran de se proclamer membre du "club nucléaire" - ne fonctionneraient qu'à vide, c'est-à-dire sans enrichir. Cet aspect, qui montre, selon l'analyste français Bruno Tertrais, que l'Iran "n'est pas encore passé maître dans l'art de l'enrichissement", pourrait être mis en avant par Téhéran comme base de compromis. Selon le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, la Russie et la Chine - après les Etats-Unis, qui se sont déclarés mercredi prêts à dialoguer avec l'Iran - pourraient, en cas de percée, devenir partie prenante des négociations, lancées à l'origine par les Européens, en 2003. Les pourparlers avec Téhéran se feraient ainsi dans un format "à six", non sans rappeler le cas nord-coréen.