Les automobilistes de Casablanca connaissent bien ces fameux sabots jaunes. En cas d'oubli, de retard ou de non-paiement de l'horodateur, ces sabots viennent enserrer la roue, immobilisant le véhicule. L'usager est alors contraint de payer une amende, pour libérer son véhicule du sabot. Mais pour que cette amende soit légale, le sabot doit avoir été posé après un constat de la police administrative. Une procédure pourtant peu respectée, qui a valu à plusieurs usagers d'obtenir gain de cause devant les tribunaux administratifs, lors de procès contre les sociétés gestionnaires du stationnement. Et pour cause, les agents de ces sociétés, PAG Parking ou Casa Park pour la ville blanche, ne sont pas habilités à poser des sabots. « Les poses de sabot par les sociétés gestionnaires sont illégales car elles n'ont pas la qualité de police judiciaire ou administrative. La société n'est pas habilitée à faire des saisies sur des biens des personnes », nous explique Amine Jalal, avocat stagiaire au barreau de Casablanca. Un constat de la police administrative nécessaire En effet, seule la police administrative est habilitée à procéder à la pose de sabot sur les véhicules. Or si à Rabat une unité de contrôleurs assermentés a bien été mise en place récemment, le cas de Casablanca est encore confus. « La police administrative est un concept mais pas quelque chose de physique. Il faut donner les moyens humains et matériels pour jouir de cette police administrative », explique Kamal Dissaoui, président de l'arrondissement de Sidi Belyout, outré par les poses de sabot illégales qui abondent. Si la police administrative n'a pas procédé à un constat, le sabot posé n'est pas légal. Et dans un grand nombre de cas, c'est bien cette pratique qui prédomine à Casablanca. Mais si cette pratique illégale de la pose de sabot par les sociétés s'est développée, c'est en raison du contrat qui a été passé entre la Commune de Casablanca et les sociétés gestionnaires de stationnement, déléguant la gestion des places de stationnement. Ce contrat contient une attribution non légale. « Dans la convention signée entre la société et la Commune de Casablanca, on a donné à la société gestionnaire de stationnement le droit de poser des sabots. Mais après les procès, les juges ont mis en évidence qu'on ne peut pas déléguer cette attribution. Elle ne relève que de la police administrative, qui est compétence du président de la commune. C'est une méconnaissance de la loi », explique Kamal Dissaoui. Réclamations Depuis que les procès ont mis à jour cette attribution illégale, rien n'a été fait pour rectifier le tir à Casablanca. Et de nombreux sabots continuent d'être posés en totale illégalité. Du côté de PAG Parking, société gestionnaire du stationnement sur l'arrondissement de Sidi Belyout, le directeur général de la société nous répond qu'il s'agit d'une question « sensible ». Sur le ton de la défensive, il nous donne sa version des faits. Selon lui, aucun sabot illégal n'est posé par les agents de sa société. « Nos sabots sont légaux, car nous le faisons toujours avec la police administrative. Nos « vigiles », qui font la surveillance des paiements de tickets, appellent la police administrative qui fait le PV pour la pose de sabot. Nous travaillons avec 10 agents de la police administrative », assure-t-il. Un son de cloche bien différent de celui des usagers. «Je reçois tous les jours des réclamations, où ce sont les agents de la société qui ont posé directement le sabot », témoigne de son côté Kamal Dissaoui, président de l'arrondissement de Sidi Belyout. En attendant, ce sont les usagers qui font les frais sur le terrain de cette pratique illégale. Peu d'entre eux se décident à aller jusqu'au tribunal, jugeant la procédure trop longue et pénible. « Ce sont souvent des juristes et des hommes de droit qui intentent les actions en justice car ils connaissent la procédure. La plupart des gens veulent juste récupérer leur véhicule et préfèrent payer. Si la saisie est illégale, il faut la prouver par huissier de justice. Une fois le PV établi, c'est sur la base de ce document qu'on peut intenter une action en justice », nous détaille Maître Amine Jalal, avocat stagiaire au bureau de Casablanca. Le cas de Rabat A Rabat, le problème a été résolu avec la mise en place en février de la police administrative communale de Rabat, une unité d'agents assermentés. Cette police administrative est notamment en charge de constater les infractions, verbaliser les auteurs et procéder à la pose de sabot en cas de récidive. « A Rabat, il y a une première verbalisation suite au constat de la police administrative. S'il y a une deuxième infraction, une « récidive », sans paiement de la première infraction, il y a un constat dressé par la police administrative, entraînant l'immobilisation du véhicule par un sabot », nous détaille Soroure Tamouro, Directeur Général de Rabat Parking. A Rabat, comme à Marrakech, et en théorie à Casablanca, le constat de la police administrative est donc la pierre angulaire de toute pose de sabot.