Comment qualifiez-vous le déroulement de l'examen du projet de loi de Finances au sein de la Chambre des représentants? D'abord, il est très important de souligner la spécificité qui a caractérisé l'examen de ce PLF. Il y a, désormais, une nouvelle charte constitutionnelle qui accorde un pouvoir stratégique au pôle exécutif et un autre plus substantiel à l'opposition dont le rôle est constitutionnalisé. Ce qui met en place un cadre dans lequel le gouvernement est dans l'obligation d'assumer ses responsabilités en matière de gestion de la chose publique et nécessite de l'opposition d'être plus efficace et plus effective dans le processus législatif et le contrôle de l'action gouvernementale. Et puisque le contexte économique et financier national reste intimement lié à celui international et surtout à la zone euro qui traverse une récession économique forte, le Maroc finira par en être touché de plein fouet. Cette particularité exige une bonne gouvernance, devenue la clé de voûte d'une bonne croissance économique. Ce souhait a été le moteur et l'esprit qui ont animé le groupe parlementaire du PAM lors de l'examen de ce PLF. Pour vous, que manque-t-il au juste au PLF ? La coalition conduite par le PJD n'a pas pu proposer une loi de Finances qui tient compte de la conjoncture économique nationale et internationale. C'est une simple copie de la loi précédente élaborée par le gouvernement sortant. Le changement imprégné par la continuité de la même loi pourra avoir des conséquences graves sur le marché public et les entreprises privées ou publiques. Plus que cela, le PLF a connu plusieurs ajournements et hésitations au sein de la coalition qui va nous conduire sans aucun doute vers une année financière blanche. Le PLF n'a pas pris en considération les répercussions éventuelles de la sécheresse et le coût des hydrocarbures sur l'économie nationale. Une loi de Finances qui se base sur un prix de baril de pétrole à 100 dollars et prévoit de réaliser un taux de croissance économique de 4,2 % et de réduire le déficit budgétaire à 5 % du PIB montre que le gouvernement souffre d'une cécité économique totale. Ce que nous avions espéré de ce gouvernement, c'est un programme d'action pour régler le problème du chômage par, entre autres, l'élaboration de mécanismes de soutien aux PME et aux PMI en difficulté, leur garantissant une meilleure relance économique. C'est pourquoi, l'actuelle politique budgétaire du gouvernement creuse clairement les déficits, amenant la Caisse de compensation à continuer à absorber plus de charges. Cette politique accentue aussi l'endettement extérieur qui sera touché, faudrait-il le rappeler, par le contexte économique sous-jacent. De plus, le PLF manque d'une vision efficiente pour une soutenabilité budgétaire à moyen terme en veillant sur la stabilité du ratio de la dette / PIB sur le long terme. Qu'est-ce qu'a proposé votre groupe parlementaire pour pallier à ces lacunes ? Le PAM a présenté 23 amendements visant, entre autres, à assurer une bonne cohésion nationale et sociale dans ce contexte particulier de sécheresse qui frappe le monde rural. Nous avons ainsi proposé que 5 % du budget d'investissement, soit 9,4 milliards de dirhams, soit accordés au Fonds de la promotion du monde rural. C'est une proposition que nous estimons pertinente dans la mesure où nous sommes appelés à vivre une année blanche dans laquelle ce budget d'investissement ne pourra en aucun cas éviter les effets néfastes de la sécheresse. Par ailleurs, en ce qui concerne le Fonds de la cohésion nationale et pour élargir l'assiette fiscale, nous avons aussi proposé que les entreprises dont les bénéfices varient entre 25 et 50 millions dirhams y participent à hauteur de 0,5 % et celles dont les bénéfices vont de 50 à 100 MDH y consacrent un taux de 1 %. Pour les entreprises, dont les bénéfices oscillent entre 100 et 200 MDH, le taux que nous suggérons est de 1,5 %. Celles dépassant les 200 MDH de bénéfices pourraient, quant à elles, verser 2,5 % au fonds. Malheureusement, aucun de nos 23 amendements n'a été accepté et ce refus représente, pour nous, une transgression à la nouvelle Constitution qui a accordé la plus grande importance à l'opposition on en faisant une force de proposition. Le PLF a été adopté à la majorité par la Chambre des représentants. Quelle a été la position de votre parti ? Nous avons voté contre cette loi. Au lendemain des élections législatives du 25 novembre 2011, le PAM n'a pas hésité à se positionner dans une opposition citoyenne, responsable et constructive. C'est pourquoi le PAM a voté oui pour plusieurs budgets sectoriels, dont celui du ministère de la Santé prenant compte, dans cela, son ambition et sa rigueur dans l'élaboration des priorités surtout en ce qui concerne les problèmes et les difficultés que connaît le monde rural. En tant que jeune parlementaire, qu'est-ce qui vous a le plus marqué dans ce PLF ? Lionel Jospin disait « un gouvernement ne peut se contenter de gérer l'opinion et d'esquiver les difficultés, il doit aussi régler les problèmes ». Avec ce PLF, je ne pense guère que ce gouvernement pourra résoudre les problèmes économiques dans lesquels s'enlise le marché. Dans ce sens, les incitations fiscales (application de taux d'IS de 15 % pour les TPE) introduites dans ce PLF sont médiocres et ne peuvent séduire le secteur informel tant que l'administration n'arrive pas à améliorer son image et sa relation avec le contribuable. Ce PLF n'est pas en harmonie dans ses mécanismes proposés avec la conjoncture nationale et internationale. C'est une loi de Finances qui ne peut rétablir la confiance, au contraire, elle va créer une sorte de défiance.