Optimiste et même trop ! C'est ainsi que le groupe parlementaire de l'USFP qualifie le projet de loi de Finances (PLF) que le gouvernement a présenté, le 15 mars devant les deux chambres du Parlement. « Comment annoncer une croissance de 4,2 % et limiter le déficit budgétaire à 5 %, alors que la crise se poursuit encore à l'UE avec ses répercussions sont négatives sur le Maroc notamment au niveau des échanges et des transferts des MRE. Ces canaux traditionnels continuent à s'affaiblir inéluctablement », déclare Habib El Malki à l'occasion d'une journée d'étude organisée, lundi 19 mars au Parlement, par le groupe des députés de l'USFP. A l'ordre du jour, c'est le PLF qui a été soumis à l'étude de ces parlementaires de l'opposition, pour qui le fond et la forme du texte ne sont pas seulement décevants mais inquiétants. Retouché, mais anticonstitutionnel Pour Habib El Malki, la première préoccupation que suscite le PLF réside dans sa présentation par deux ministres au lieu d'un seul comme il est de coutume. « Le gouvernement a montré qu'il ne respecte pas la Constitution que ce soit au niveau du fond ou de la forme. Il a créé un déséquilibre, alors qu'il est tenu à le préserver conformément à l'article 77 de la Constitution. C'est un recul de la démocratie auquel nous assistons », soutient ce membre du bureau politique de l'USFP ajoutant que le PLF n'apporte pas de nouveautés par rapport à l'ancien. « C'est un vieux projet avec quelques retouches seulement qui nous ont fait perdre près d'un semestre », affirme-t-il. Un premier faux pas qui, pour l'USFP, coûte au gouvernement sa crédibilité. « Le PLF semble ne disposer d'aucune vision globale quant à la gestion financière, sa conception n'est adaptée ni à la constitution ni aux attentes des citoyens. C'est un projet qui n'est pas réaliste », constate Habib El Malki précisant que « l'excès d'optimisme contenu dans le PLF masque l'incompétence du gouvernement à présenter des solutions réelles » et que la publication de la liste des bénéficiaires d'agréments « vise à faire passer le PLF ». Marketing sans plus Le parti de l'opposition estime, en fait, que le gouvernement du PJD a manqué d'audace. « Ce ne sont pas les chiffres que nous attendions, mais des mesures concrètes. Parler de mesures restrictives du budget liées aux voitures, aux déplacements, à l'hôtellerie, c'est du déjà vu ! Ce n'est pas une stratégie audacieuse mais une preuve que le gouvernement PJDiste souffre toujours d'une addiction au marketing médiatique », explique Lahbib El Malki. Et de rappeler que le Maroc ne dispose pas de liquidité ni pour absorber les crédits ni pour financer partiellement le déficit budgétaire. « Et nous devons nous attendre très prochainement à l'augmentation du prix de l'essence, alors je ne sais pas où est passé l'audace du PJD ? » se demande-t-il. Des chiffres peu probables Dans sa rencontre, le groupe parlementaire de l'USPF a soulevé en particulier le développement du milieu rural. « Prévoir 2 milliards de dirhams pour le rural est très insuffisant (…) Ce budget devrait être de 6MMDH », estime Saïd Chbaâtou qui préside la commission des secteurs productifs au sein du Parlement. Et de souligner que le PLF n'est pas politique comme il était attendu. « Il est venu juste pour justifier des engagements non tenus. Ce PLF ne peut être qualifié de politique sauf peut-être pour cacher les chiffres réels », affirme Saïd Chbaâtou pour qui la crise ne pourra en aucun cas permettre d'atteindre le taux de croissance annoncé par le PLF. « Il ne faut pas s'attendre à de bonnes recettes du côté de la fiscalité dans un contexte de crise. Il faudra s'attendre à une baisse et prévoir une loi rectificative », prévient ce député. Contexte de crise, Abdelali Doumou en a également évoqué les éventuels impacts. « Le budget consenti à la caisse de compensation de 32,5 MMDH ne prend pas en compte l'augmentation du prix du baril de pétrole qui, depuis le 3 mars, a atteint 126 dollars. Il nous faudra 45MMDH pour pouvoir suivre la cadence », assure Doumou. Pour ce dernier, il faudra également s'attendre à une diminution des récoltes de blé qui sera, pour lui, en dessous des 25 quintaux annoncés par le gouvernement. Régionalisation et mode d'emploi Aux yeux des députés de l'USFP, le plus grand absent du PLF reste le concept de la régionalisation et déconcentration. « Les élections s'approchent et pourtant il n'y a pas d'orientations claires et explicites dans ce sens au PLF. Que feront les communes sans budget de septembre à juin ? », s'interroge Chbaâtou. Autre déficience : mode d'emploi. Abdelali Doumou tient à le souligner en insistant sur l'inexistence d'un volet pratique pour l'exécution du PLF. « Nous n'avons ni mode d'emploi ni évaluation de l'ancienne loi de Finances pour en connaitre les résultats et agir en conséquence. Nous ne pourrons discuter que des objectifs alors qu'il aurait fallu commencer par un diagnostic », assure-t-il avant d'ajouter que « l'approche sectorielle intégrée » en pâtira de toute évidence autant que la vision régionale. Quant à Ahmed Réda Chami, le PLF devait faire preuve d'innovation pour trouver des ressources financières pérennes et continues. Pour lui, des impôts sur les habitations non occupées serait une bonne initiative autant que celle de trouver des mesures pour empêcher l'évasion fiscale.