Après son adoption par le conseil de gouvernement le 8 mars, le nouveau projet de loi de Finances (PLF) a été présenté, jeudi, aux deux Chambres du Parlement, au cours d'une séance plénière inaugurant la session parlementaire extraordinaire. Très attendu, le PLF devait assouvir la soif des députés soucieux d'en scruter le contenu, point par point, et surtout de répondre aux attentes de la révolte sociale représentée essentiellement par le Mouvement du 20 février. PLF, l'ambition sociale Le PLF 2012 affiche l'ambition de réaliser un taux de croissance de 4,2 % et de réduire le déficit budgétaire à 5%. Il consacre aux salaires un budget de 93,5 milliards de dirhams ; 51MMDH à l'enseignement et 12MMDH à la santé. Pour l'habitat et le désenclavement du monde rural, l'enveloppe est respectivement de 3MMDH et 2,6MMDH. Pour le désenclavement du monde rural, le PLF envisage aussi un Fonds de développement d'un montant d'un milliard de dirhams. Quant à l'Initiative nationale pour le développement humain, elle a droit à un budget de 2,3MMDH. Le gouvernement Benkirane a tenu à prouver son intérêt pour le pôle social, en consacrant également un Fonds de soutien social de 2MMDH à la généralisation de l'assistance médicale, au soutien des personnes en situation de handicap et à la lutte contre la déperdition scolaire. Financé à hauteur de 1,5 % du bénéfice net des entreprises, dont les gains dépassent les 200MDH, cette initiative permettra de dégager 1,2MMDH, auxquels s'ajouteront 350MDH provenant de la caisse d'assurance, et de 1,6% de la taxe sur les cigarettes. Le PLF compte parvenir à créer 26 000 postes d'emplois, tandis que la moyenne a été de 11 000 postes durant les trois dernières années. L'investissement public se voit accorder une enveloppe de 188MMDH, alors que les dépenses publiques sont soumises à une réduction de 50% des frais d'hébergement et d'hôtel, de réception et de cérémonies officielles. Le gouvernement s'engage donc à développer les services sociaux et administratifs et à renforcer surtout la bonne gouvernance. Pas de satisfaction Alors que le PLF tente d'apaiser les esprits et de répondre aux revendications de la rue, il semble bien loin du compte. « Le fond du problème, pour nous, ne réside pas dans le volet technique, mais dans le changement radical de tout le système servant de base à notre économie. Nous voulons qu'elle soit plus forte, immunisée et surtout garante des droits des générations à venir », déclare au Soir échos le coordinateur du Conseil national de soutien au Mouvement du 20 février, Mohamed El Aouni. Pour ce dernier, le PLF n'a pas eu l'effet escompté, malgré les efforts qui sont bien visibles. « Nous remarquons plusieurs dysfonctionnements, à commencer par la durée même du PLF, qui n'est que de huit mois. Cela suppose-t-il que les quatre autres mois de l'année sont hors loi de Finances ? », s'interroge El Aouni, soulignant que le Mouvement ne trouve pas de consolation dans ce PLF. « Les petits agriculteurs ne sont pas dispensé des impôts, ils croulent encore sous le poids des dettes. Nous n'y avons pas trouvé non plus des mesures contre les spéculateurs ou encore contre ceux qui fuient le Fisc et refusent de payer les impôts », indique ce responsable. Ce qu'attend le Mouvement, c'est de « réorienter les dépenses de l'Etat vers les investissements et les infrastructures ». « Le budget réservé à la gestion ne doit pas faire de l'ombre au plus important : l'investissement et les infrastructures. Nous nous retrouvons souvent face à cette image d'administration riche, dans un pays pauvre. C'est une contradiction qui découle des mauvais choix qui ont été faits mais qui doivent changer aujourd'hui », souligne Mohamed El Aouni. Equilibre des salaires L'autre revendication qui ne trouve pas encore d'échos, selon notre interlocuteur, réside dans les écarts de salaires. « En plus des équipements onéreux autant que leur entretien, nous souffrons énormément des écarts énormes entre les salaires dans la fonction publique. Le Maroc est l'un des rares pays dans le monde à connaître une situation aussi aberrante : 20% des fonctionnaires touchent 80% de la masse salariale. Un fonctionnaire peut ainsi toucher un salaire multiplié par 64 par rapport à un autre », s'indigne le militant, craignant que les mutations tant attendues ne soient, en réalité, qu'un leurre. « Il arrive encore et toujours que des budgets énormes soient dépensés pour des missions professionnelles, qui se révèlent, en vérité, plutôt touristiques. Et c'est le cas dans plusieurs administrations », tient-il à signaler. Et de préciser qu'intégrer les finances islamiques n'est pas réellement ce qu'attend la rue du nouveau gouvernement. « On a voulu circonscrire la tempête du Printemps arabe, mais les mesures pour y arriver ne se limitent pas à des formalités de ce genre », martèle El Aouni, estimant qu'un changement d'approche de service au sein des banques « ne changera pas le système bancaire ». « Il faut une réforme de tout le système, de manière à promouvoir l'investissement et non les capitaux », indique-t-il, avant d'ajouter que la crise sociale n'a pas encore trouvé de solution dans le PLF.