D'Agdz à M'hamid, les touristes connaissent le plus souvent les dunes, les montagnes et les oasis. Bien que mise en avant pour ses ressources naturelles, la région de Drâa ne manque pourtant pas d'atouts culturels, encore peu exploités. Avec ses sites historiques, ses gravures rupestres, ses danses et ses contes, le patrimoine culturel de la région représente un important potentiel de développement. Conscient de ces richesses, l'écrivain Abdelaziz Errachidi alerte sur l'urgence de préserver ce patrimoine, aujourd'hui menacé. La silhouette fine, vêtu d'un costume gris, ce jeune dandy du Sud nous expose, avec une pensée claire et militante, les défis de la conservation de la culture de Drâa. Quelles sont les caractéristiques du patrimoine culturel de la vallée de Drâa ? Les grands changements de l'histoire marocaine ont commencé dans cette région, vers Zagora et M'hamid, au Sahara. Cette période de l'histoire, de l'ancien royaume des juifs, il y a 10 000 ans, aux voyages des Africains, n'a pas été bien écrite. L'histoire est vierge de Zagora. Peu de chercheurs essayent de découvrir la qualité de cette histoire. Or, il y a beaucoup d'histoire dans le désert, avec les tribus, les marabouts et l'art rupestre notamment. Plusieurs ethnies (chleuhs, draoua, moradives) sont visibles, et chacun a ses coutumes, ses traditions et sa vision de l'autre. Les gens n'ont pas encore pris conscience de ces richesses du Maroc. Elles ne sont pas exploitées. Malgré la richesse du patrimoine, le tourisme culturel reste très peu développé dans la région. Pourquoi ? Les responsables ne sont pas des gens de culture, ce sont des « molchkara ». La culture est toujours placée en dernier. Or, on pourrait faire beaucoup pour exploiter notre richesse culturelle, avec des musées et en donnant aux anthropologues la possibilité de travailler et d'imprimer leurs œuvres. Il y a beaucoup d'argent qui est utilisé pour mettre en valeur le tourisme au Maroc, mais on donne un visage qui n'est pas toujours vrai, un visage folklorique. On devrait montrer le visage de la marge, celui de Ouarzazate, Zagora ou M'hamid. C'est une région vierge qui peut donner beaucoup. Victime de ce désintérêt, ce patrimoine est en train de disparaître. Est-il trop tard pour le préserver ? Le patrimoine culturel de Drâa est en danger. Pour le patrimoine matériel, les ksour et kasbahs commencent à se détruire. Bientôt le Drâa sera sans kasbahs et ksour. Concernant le patrimoine immatériel, c'est une culture principalement orale, riche de coutumes et poésies. Il s'agit de gens dont l'éducation ne leur permet pas d'écrire les contes. C'est pour cela que nous voulons former un groupe de recherche, pour collecter et diffuser cette richesse. Mais, nous manquons de moyens et de formation. Or, il faut commencer maintenant car le patrimoine se perd. La vie nomade est en train de changer et de disparaître. En tant qu'écrivain et poète, vous faites partie de la vie culturelle contemporaine de Drâa. Comment vous inscrivez-vous par rapport à ce patrimoine en disparition ? Quand j'ai commencé à écrire, mes sujets étaient ceux de la région. Dans mon roman, « Nomades sur la falaise », j'essaye de donner une image de ce qui arrive. Avec le changement, les nomades sont en train de tomber, de disparaître. On ne peut pas arrêter le changement, mais il faut conserver la mémoire pour que les gens sachent ce qui a existé. Mon but est d'écrire sur le Sahara pour le mettre en valeur et raconter les contes. Je m'inspire d'histoires réelles que je transforme en fictions. Le travail d'un écrivain n'est pas celui d'un chercheur, il ne remplace pas un travail scientifique nécessaire. Le patrimoine est dur à conserver. En tant que gens de l'oasis, notre volonté est vraiment de lancer la recherche au niveau scientifique et de publier au Maroc et à l'international. Bibliographie de Abdelaziz Errachidi Ruelle des morts, 2004 Enfance d'une grenouille, 2005 Nomades sur la falaise, 2006 Douleur des sables, 2007 Etrangers à ma table, 2009 Journal de Sindbad du Sahara, 2012