Vincent le Stradic, associé gérant chez Lazard Le Soir Echos : Quels étaient les scénarios de restructuration que vous avez proposés aux actionnaires des groupes ONA & SNI ? Le Soir Echos : Quels étaient les scénarios de restructuration que vous avez proposés aux actionnaires des groupes ONA & SNI ? Vincent Le Stradic : Nous avons conseillé aux actionnaires un seul schéma, celui qui a été approuvé par les conseils d'administration jeudi soir. Le montage du projet a duré deux ans, comme nous ont indiqué les dirigeants des deux holdings, quelles sont les étapes qui ont marqué cette période ? Lazard n'a été impliqué qu'au cours des derniers mois, et sur le seul schéma qui a été effectivement approuvé par les conseils d'administration et présenté publiquement. Je comprends que différents schémas, qui avaient tous le même objectif, avaient été examinés avant notre implication. Le schéma retenu présente l'avantage d'être simple et lisible pour les actionnaires comme pour les partenaires des groupes SNI et ONA. Auparavant, nous avons conseillé l'opération d'ouverture du capital de Wana Qu'est-ce qui justifie le choix de l'ANR comme unique mode de valorisation des deux holdings et comment avez-vous fait pour calculer le prix de l'action dans le cadre de cette valorisation ? Deux approches ont été retenues, et sont généralement utilisées dans des transactions similaires, impliquant des holdings ou des conglomérats. Il y a celle de l'analyse du cours de la bourse de la société et celle de l'ANR après impôts sur les plus-values latentes qui se fonde sur une analyse patrimoniale de la société et consiste à réévaluer les actifs et passifs des holdings. Compte tenu de la nature des activités de la SNI et de l'ONA, un certain nombre de méthodes d'évaluation, fondées sur des approches comparatives telles que les multiples qui ressortent des comparaisons boursières ou des transactions récentes, ont été écartées. En effet, il apparaît difficile d'identifier des holdings d'investissement de même nature en termes d'activité et d'actifs détenus et opérant dans la même région. De manière générale, les opérations sur holding sont valorisées sur base boursière et ANR. Cela a, par exemple, été le cas des opérations de référence sur le marche français (Eurazeo, Bolloré, Wendel) Qu'en est-il des filiales, quel était leur mode de valorisation ? Dans le cadre de nos travaux, nous avons réalisé le calcul d'ANR de deux manières différentes. Pour les actifs de taille significative, une analyse multicritère a été retenue avec notamment l'évaluation par les multiples de comparables boursiers et l'évaluation par les multiples de transaction. En outre, une analyse ANR «au cours de bourse» a été réalisée, dans laquelle les actifs significatifs cotées sont évalués sur la base de leur cours sur une période de plusieurs mois La fixation de marges aussi élevées dans le cadre de la valorisation des holding est-elle destinée à pousser les actionnaires minoritaires notamment ceux qui détiennent les actions du flottant en bourse vers la sortie ? Non, il n'y a aucune volonté de pousser les actionnaires minoritaires à vendre. En revanche, il y a un souci d'équité qui vise à permettre à chaque actionnaire, qui désire vendre, de pouvoir le faire dans de bonnes conditions. Les actionnaires qui le désirent pourront rester et continueront de bénéficier des dividendes; en revanche, ils perdront la liquidité de leurs titres Le choix des filiales à céder s'est-il fait suite à leur valorisation où à une sélection en fonction des métiers et de la maturité des métiers ? L'un des objectifs essentiels de la transaction est l'autonomisation des sociétés de portefeuille qui s'y prêtent. La sélection des entreprises concernées a donc été fondée sur leur stade de développement et non sur d'autres critères. Ceci explique le choix de Cosumar, Lesieur et l'ensemble agro-alimentaire (Centrale Laitière/Bimo/Sotherma ndlr) Pour ce qui est des filiales où le contrôle sera préservé, est-il question d'en céder la majorité, comme c'est le cas pour Cosumar, Centrale Laitière…, une fois un niveau de majorité atteint ? Il faut distinguer deux cas. Celui où le nouvel ensemble sera co-actionnaire stratégique (20% a 50% et donc déjà minoritaire) avec un partenaire métier international. Le second cas est celui où la nouvelle entité sera actionnaire unique ou majoritaire de sociétés n'ayant pas encore atteint un degré de maturité suffisante pour être cédée au marché. Dans ce cas, l'évolution naturelle sera de céder le contrôle au marché quand le développement de la société le permettra Y a-t-il un montant que vous vous fixez comme objectif pour, d'une part le retrait des titres en bourse, et d'autre part, le prix de vente des filiales à céder ? Non, comme expliqué précédemment, il n'y a pas d'objectifs prédéterminés par rapport au pourcentage d'actionnaires minoritaires qui apporteront leurs titres aux offres. Il faut maintenant laisser les offres se lancer dans le respect du cadre réglementaire et attendre leur résultat. En ce qui concerne les opérations subséquentes, il est encore trop tôt pour parler du prix. Peut-on comparer l'entité qui naîtra de la fusion ONA SNI aux holdings de gestion des fortunes royales européennes, comme c'est le cas en Belgique ou au Royaume-Uni ? Les comparaisons internationales sont difficiles compte tenu des spécificités marocaines et notamment de l'histoire du développement de SNI et ONA. Le schéma proposé est unique puisqu'il permettra un développement très significatif de la place boursière marocaine. L'appétit des investisseurs, aussi bien nationaux qu'internationaux, est très important mais il était, jusque là, bridé par la petitesse des flottants. Par ailleurs, le groupe continuera à jouer le rôle d'incubateur qu'il a toujours joué et qui a sa place unique dans l'économie marocaine. Qu'est ce qui distingue l'opération ONA SNI des autres missions d'écrasement de holdings que vous avez menées ? Certains aspects sont très comparables, comme la réduction du nombre de holdings, ainsi que le retrait de la cote. Ces aspects techniques sont liés au souci habituel de limiter les décotes de holdings et de rendre la gestion des investissements plus efficace. En revanche, d'autres aspects de l'opération sont absolument uniques, et notamment la vision d'ensemble associant, d'une part, l'évolution du rôle de conglomérat vers celui de holding d'investissement; et d'autre part l'autonomisation des filiales les plus mûres. Il est clair également que l'opération est unique par son impact très favorable sur la bourse nationale. Cela est lié, d'une part, à la cession, sur le marché de blocs importants, et qui répondra à la demande des investisseurs. D'autre part, il faut comptabiliser Les changements de gouvernance attendus pour les sociétés opérationnelles. Cela se traduit dans l'autonomisation et responsabilisation accrues des managements et le grand nombre d'administrateurs indépendants aux conseils.