Nous avons commis une erreur et nous comptons bien la réparer ». L'Istiqlalienne Rahma Ouikari estime que les féministes, dont elle est l'une des militantes acharnées, ne se sont pas assez mobilisées pour leur cause. « Nous nous sommes mobilisées tardivement, à quatre mois des dernières élections. Ce n'était pas suffisant pour mettre en place les conditions nécessaires à même d'assurer une meilleure représentativité politique des femmes », reconnait-elle souhaitant que « cette erreur soit passagère ». « Nous avons des femmes compétentes qui ont eu le mérite de moraliser de la vie au sein du parlement par leur assiduité et leurs brillantes contributions dans les commissions », rappelle-t-elle, lors d'une rencontre que l'Organisation de la femme Istiqlalienne a tenu samedi 3 mars à Salé autour de « La parité et les défis de l'avenir ». Elles n'encaissent pas le choc Les Istiqlaliennes ont célébré la journée mondiale de la femme bien avant le jour J, par volonté d'ouvrir un débat qui se prolongera certainement dans le temps. « La journée de la femme a, pour nous, un goût sucré lorsque nous constatons les nombreux acquis, mais elle a aussi un goût amer, au regard de la grande réduction de la présence de la femme dans la formation gouvernementale. Qu'il n'y ait qu'une seule femme au gouvernement, et qui, en plus, est confinée dans le secteur de la famille, reste pour nous une pilule dure à avaler », tient à souligner Rahma Ouikari. Elle n'est pas la seule à ne pas avoir encaissé le choc. A ses côtés, Rachida Tahiri, fervente militante des droits de la femme et membre du bureau politique du PPS, se dit inquiète de constater que le Maroc ne tienne toujours pas ses engagements. « On a promis aux femmes le tiers des sièges dans la perspective de leur assurer la parité. Mais, elles ont été finalement marginalisées », regrette la militante reconnaissant, néanmoins, l'existence d'une progression quantitative de la présence féminine au parlement. « De 10,4 %, cette représentativité a évolué à 17 %. Mais c'est en dessous de la parité et de la moyenne dans d'autres pays où cette représentativité atteint 49 % », indique-t-elle. A quoi ressemble la parité ? femmes-istiqlaliennes La parité, ce mot magique que la nouvelle Constitution a reconnu, devient une priorité, aux yeux des féministes. « La parité ne se limite pas au concept, c'est avant tout un contenu à mettre en œuvre. C'est un terme tellement galvaudé qu'il pose un réel problème, celui de son interprétation et de sa concrétisation », affirme Rachida Tahiri soulignant que la parité doit permettre l'accès à tous les droits sans exception. « Les droits ne peuvent pas être appliqués partiellement, il n'est pas question de les dissocier ou de les découper. C'est un principe pour lequel nous allons continuer à militer », promet-elle. Et de relever que la Constitution appelle à la création d'une Instance pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination. « De quelle nature sera-t-elle cette Instance et quelle parité imposera-t-elle ? », s'interroge la député USFPeiste, Hasna Abouzaid. Pour cette dernière, cette autorité ne peut être efficace que si elle est dotée d'un pouvoir décisionnel. « Il faudra aux militantes des droits de la femme de se battre pour qu'un maximum de leurs droits soit pris en compte (…) La mise en œuvre de cette Instance pose un réel problème car elle réunit parité et discrimination positive. Or, les deux ne s'accordent pas », estime la parlementaire, convaincue qu'il faudra, pour les femmes, de parvenir à une parité au moyen d'une équité et non d'une discrimination positive. Plaidoyer populaire Avant d'asseoir la parité, il faudra d'abord préparer le terrain. Hasna Abouzaid soutient l'urgence de lancer un plaidoyer et de renforcer la mobilisation des féministes. « Dans les sit-in pour la parité, le nombre des manifestants est toujours très réduit et élitiste. Ce type de manifestation n'a pas encore acquis la popularité dont il a besoin. Après la formation du gouvernement, plusieurs parlementaires sont restés silencieux et n'ont jamais exprimé de contestation à Benkirane », s'indigne la parlementaire. La mobilisation pour la cause de la femme semble vivre une crise face à laquelle l'unique recours reste son appropriation par le peuple. « Il faut absolument lancer notre appel au peuple, pour apporter une légitimité populaire aux revendications des femmes et connaitre ce que les Marocains attendent de la parité », soutient Hasna Abouzaid. Le chemin sera long, mais les femmes partagent une conviction qui les a toujours unies et renforcé leur rang. « Nous devons nous préparer aux élections de 2013 dès à présent, nous comptons rectifier le tir », promet Rahma Ouikari. En attendant, elles attendent que Benkirane tienne son engagement de pallier l'absence des femmes de son gouvernement par plus de gente féminine aux postes de décision. « Nous étions plusieurs associations à avoir rencontré le chef du gouvernement après le choc du recul de la représentativité féminine. Benkirane nous a donné sa parole et je n'en doute pas », confie la présidente de Connecting Group relevant de l'Internationale des femmes libérales, Hakima Haïti avant d'annoncer qu'une base de données des Marocaines les plus compétentes est en cours d'élaboration pour en proposer certaines aux postes de décisions. « Les femmes à ces postes ne représentent que 6 %, pourtant leurs compétences sont reconnues au plan mondial », rappelle-t-elle. Pour soulager les féministes, Benkirane doit tenir sa parole.