Place des femmes, liberté de la presse, programme du gouvernement, lutte anticorruption…Décidément, le nouveau ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, a réponse à tout. Pragmatique, ambitieux et aux idées claires, il nous résume sa feuille de route et celle du cabinet auquel il appartient. Le gouvernement du PJD se retrouve face à des défis colossaux qui serviront d'aiguille à la boussole d'Abdelilah Benkirane. Alors que la majorité affine encore son programme de travail, la rue se révolte de nouveau. A Taza, les sit-in des chômeurs et étudiants ont engendré une situation de chaos et partout au Maroc, les manifestations du Mouvement du 20 février reprennent leurs marches. Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, affirme que le gouvernement a pleine conscience de la nécessité d'agir de toute urgence pour redonner espoir aux citoyens. Au Soir échos, il explique les priorités du gouvernement de Benkirane où bonne gouvernance rime avec transparence. Il dévoile également ses objectifs quant à la réforme médiatique et la défense de la liberté de la presse ainsi que ses impressions par rapport à la récente censure par le Maroc du Nouvel Observateur et de L'Express. Le gouvernement a tenu son premier conseil, jeudi dernier, pour mettre au point son programme. Quelles en sont les grandes lignes ? Le premier Conseil de gouvernement s'est penché, principalement, sur les lignes directrices du programme. A l'issue de la discussion est née une commission ministérielle constituée de 8 ministres, présidée par le ministre d'Etat, Abdellah Baha. Cette commission, qui a entamé ses travaux vendredi, devra accomplir sa mission au début de cette semaine afin de présenter le projet du programme au prochain Conseil de gouvernement, prévu jeudi, pour son approbation. Il ne s'agit pas d'un programme sectoriel, mais d'un plan complet articulé autour de quatre éléments essentiels, à commencer par les engagements contenus dans les différents programmes des partis vis-à-vis de leurs électeurs et qui doivent être respectés. Le second concerne la mise en œuvre de la Constitution, tandis que le troisième porte sur les attentes des acteurs économiques, sociaux et de la société civile. Le dernier, quant à lui, est axé sur les engagements du Maroc aux plans national et international. Le conseil a, dans ce sens, passé en revue les projets de loi prêts et dans lesquels le Maroc est engagé avec certaines institutions comme la Banque mondiale et les Nations Unies. « La procédure démocratique adoptéepar le PJD pour le choix des candidats et candidates n'a permis de sélectionner qu'une seule femme ». A peine constitué, le gouvernement s'est attiré la foudre des féministes en colère contre le peu de représentativité de la femme. Pourquoi est-ce que le gouvernement de 31 ministres ne compte-t-il qu'une seule femme ? C'est un point faible que nous regrettons. Les partis devaient proposer des candidates et nous devions faire de même. La procédure démocratique adoptée par le PJD pour le choix des candidats et candidates n'a permis de sélectionner qu'une seule femme. Nous nous attendions à en avoir trois, mais ce n'était pas le cas. Aujourd'hui, nous avons une grande volonté pour rectifier le tir. Nous l'avons entamée au niveau du Parlement, et il est temps de réfléchir à des mesures à mettre en place aux plans exécutif et local dans les conseils régionaux. Nous devons reconnaître que nous avons un problème quant à la participation de la femme, et nous devons agir en conséquence. « Nous devons reconnaître que nous avons un problème quant à la participation de la femme, et nous devons agir en conséquence ». Dès votre nomination à la tête du ministère de la Communication, vous avez entamé une série de visites aux différentes chaînes de la SNRT, ainsi qu'à l'agence MAP. Pour quelles raisons avez-vous entrepris cette initiative ? C'est, pour moi, un premier pas qui vise à affirmer et confirmer ma volonté de réformer, mais aussi de promouvoir le secteur de la communication au Maroc. Ce sera ma priorité et je compte bien la mettre en œuvre dans le cadre d'une approche participative. En effectuant cette visite, j'ai voulu, d'abord, aller à la rencontre de ces hommes et de ces femmes, acteurs de la production et de la diffusion de l'information, bâtir un pont de communication directe. C'est aussi une manière, pour moi, de lancer un signal aux responsables et personnels leur annonçant que ce secteur connaîtra bientôt une renaissance à laquelle ils sont tous appelés à participer. Il s'agit d'une urgence, désormais, car le secteur doit absolument accompagner les changements politiques que connaît le Maroc et d'une obligation constitutionnelle. Les articles 27 et 28 de la Constitution mettent l'accent sur la liberté de la presse, l'accès à l'information et le développement d'une instance indépendante de régulation de la presse écrite et le renforcement du rôle de la HACA. « Nous sommes dans une ère de globalisation qui nous impose une compétitivité féroce, difficile à affronter ». Quel rôle les médias doivent-ils jouer ? Il ne faut pas oublier qu'actuellement le Maroc est en train de vivre des mutations aux niveaux social et culturel devant susciter un impact et un rayonnement international. Nous sommes dans une ère de globalisation qui nous impose une compétitivité féroce, difficile à affronter. Il relève du rôle des médias d'en refléter les atouts, d'être le vecteur de son rayonnement et de transmettre le modèle marocain par la promotion de ses composantes identitaires. La série de visites que j'effectue servira ainsi à lancer un débat sur ce projet dans toutes ses dimensions. Et pour y arriver, il est primordial de disposer d'une stratégie claire, d'appliquer la bonne gouvernance, de respecter les responsabilités, de rendre des comptes et d'asseoir la transparence. Je veillerai personnellement à maintenir une proximité avec l'ensemble des composantes des médias à qui je déclare que ma porte restera toujours ouverte. J'appartiens à ce secteur et je lui resterai loyal, ainsi qu'à ceux qui y travaillent que ce soit dans le pôle public ou privé. Je voudrais souligner au passage que je n'accorderai pas plus d'intérêt à la presse écrite parce que j'y ai travaillé. Ma mission vise à remettre à niveau tous les maillons de la chaîne quelles que soient leur provenance ou spécialité (cinéma, publicité, télévisions, radios…). « La position du gouvernement est claire : le dialogue avec la société, les citoyens ». Vous avez déclaré votre volonté de défendre de la liberté de la presse qui vous tient à cœur. Avez-vous prévu une tentative pour libérer Rachid Nini ? Le gouvernement ne peut pas intervenir dans le cadre d'une affaire aux mains de la justice. Il y a séparation des pouvoirs qu'il faut respecter. J'ai eu, toutefois, l'occasion de discuter avec le ministre de la Justice d'une possibilité d'amnistie dans le cadre de cette affaire. Nous nous sommes mis d'accord pour que le gouvernement en fasse l'une de ses priorités. Nous espérons que ce sera le premier signal positif du lancement de l'action de ce nouveau gouvernement.En parallèle, il sera question de renforcer le volet législatif : le code de la presse, l'instauration de l'institution de régulation de la presse écrite, la loi relative aux annonceurs, au droit d'accès à l'information, celui du renforcement et de l'amélioration du rôle de la HACA… Nous proposerons, de ce fait, de nombreux textes législatifs aux partenaires du secteur et à l'opposition pour leur approbation par le Parlement. S'ajoutent à cela le contrat-programme avec la SNRT, les cahiers des charges à élaborer pour les nouvelles chaînes et notre volonté de promouvoir le Centre cinématographique marocain afin de lui permettre de répondre aux besoins particuliers de ce secteur et lui permettre de jouer pleinement son rôle. Avez-vous réussi à mobiliser vos partenaires ? Lorsque j'ai rencontré le secrétaire général du Syndicat national de la presse marocaine, Younès Moujahid, il m'a dit : « Maintenant, tu es pris au piège! » Je lui ai répondu que nous l'étions tous. Ma mission ne peut être accomplie qu'en étroite collaboration avec des partenaires fondamentaux du secteur dont le SNPM ou encore le groupement des annonceurs. L'Etat n'est plus le producteur de l'information, parce que le monde vit une effervescence technologique où foisonnent les réseaux sociaux et autres. C'est un travail de régulation qui s'impose et dont les premiers pas ont déjà été entamés. Il faudra donc le poursuivre et l'améliorer afin de faciliter également l'émergence de nouvelles initiatives. Par quoi allez-vous entamer votre mandat ? Dès que l'étape parlementaire sera accomplie conformément à l'article 88 de la Constitution, j'entamerai un processus de concertation avec l'ensemble des acteurs et partenaires du secteur. En fait, cette discussion a démarré, il y a bientôt deux ans, et il ne sera question que de se mettre d'accord sur les priorités pour lancer l'action. Il y a d'énormes projets qu'il faudra aussi mettre en œuvre comme la création d'une ville des médias et de complexes d'œuvres sociales au profit des journalistes. Le Maroc compte près de 4.000 journalistes, mais ne disposant d'aucune institution d'œuvres sociales. « Nous ne pouvons pas promettre, non plus, à un million de chômeursun emploi dans la fonction publique ». Quelle lecture faites-vous de la censure qui a touché les hebdomadaires français, L'Express, puis Le Nouvel Observateur, au Maroc ? Dès mon arrivée au ministère de la Communication, j'ai demandé des explications à propos de ces censures. Je voulais m'assurer si celles-ci étaient dictées par des raisons d'opinion étant donné que les éditions interdites de vente sont axées sur l'histoire des Arabes. Mais j'ai constaté que la censure n'avait aucun lien avec l'opinion, mais à la représentation du Prophète Sidna Mohammed. Et dans cette attitude, il y a insulte envers le sentiment collectif de la communauté musulmane. Sur le plan international, il est reconnu que le non- respect d'une religion est une violation. Par ailleurs, il serait meilleur que les décisions de censure ne soient pas prises par le gouvernement, mais par la justice. Pour cela, nous devons disposer d'une justice rapide, efficace et spécialisée pouvant agir aux niveaux local et international et pour tout type de violations. Face au chaos qu'a connu Taza, quelle position adopte le gouvernement ? La position du gouvernement est claire : le dialogue avec la société, les citoyens. C'est l'innovation que vous allez bientôt constater dans l'action gouvernementale qui sera bâtie essentiellement sur le principe de la proximité. Et souvent, ce dialogue dévoile des problèmes liés à l'équité des chances. Ce qui nous amène au troisième principe qui s'impose de lui-même : le respect de la loi. Les attentes sociales sont nombreuses et le gouvernement se doit d'y répondre dans les meilleurs délais. Par rapport à ces attentes, justement, celle de l'emploi prime. Le chef du gouvernement s'est montré prêt à ouvrir des négociations avec les diplômés chômeurs et procéder à leur intégration, mais selon les besoins de la fonction publique. « Il serait meilleur que les décisions de censure ne soient pas prises parle gouvernement, mais par la justice ». Que promettez-vous au juste à ces chômeurs ? La fonction publique a ses limites, certes, mais ce que le gouvernement promet, c'est la transparence de l'embauche. Désormais, les seuls critères d'accès à l'emploi seront la compétence et le besoin de la fonction publique. L'administration doit, en effet, subir un lifting, se moderniser d'autant que le Maroc s'apprête à relever le défi de la régionalisation, la décentralisation des contrats et la réforme de la justice. Tout cela nécessite le renouvellement des ressources humaines et l'amélioration de leurs compétences. N'oublions pas que chaque année, 10 000 fonctionnaires partent en retraite. Nous ne pouvons pas promettre, non plus, à un million de chômeurs un emploi dans la fonction publique. Avez-vous des alternatives à proposer ? Le gouvernement s'engage à assumer sa responsabilité dans la résorption du chômage en jouant le rôle du médiateur et du vecteur pour la promotion de l'emploi et la création des opportunités de travail. C'est un grand défi que nous devrons relever, d'autant que 98.000 jeunes rejoindront, dans les prochaines années, le marché du travail. Nous avons prévu des initiatives qui seront rendues publiques une fois le programme gouvernemental annoncé. Nous avons notamment prévu de profiter de stratégies sectorielles industrielles, comme le« Plan Emergence » pour atteindre ce but. Nous espérons que nous réussirons à résoudre le problème du chômage graduellement. A chacun ses responsabilités Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, a réitéré de nouveau le refus catégorique de se livrer à une chasse aux sorcières. Réagissant aux propos de Lahbib Choubani, ministre chargé des Relations avec le Parlement et la société civile promettant une suite à toutes les enquêtes engagées par des commissions parlementaires, El Khalfi a surtout souligné l'engagement du gouvernement à soutenir les enquêtes en cours. « C'est ce que j'appelle la liaison entre être responsable à devoir rendre des comptes », indique-t-il, soulignant que des mesures sont prévues dans ce sens. La bonne gouvernance, le Maroc n'a d'autre alternative pour se débarrasser de la corruption. « Les inspections seront renforcées au niveau des administrations et du secteur privé afin de traquer la corruption », ajoute El Khalfi.