Tiède, parfois froide, la campagne électorale qui prend fin vendredi à minuit, aura néanmoins été marquée par quelques événements. Certains sont riches en enseignements. D'autres relèvent de la bataille électorale où tout est permis. D'autres encore sont anecdotiques, sans forcément être drôles. Il y a d'abord les chiffres. Si la classe politique appréhende un faible taux de participation à ces législatives anticipées, il est déplorable de constater qu'elle n'a pas fait un grand effort pour attitrer les électeurs. L'offre politique est encore figée et peine à séduire les électeurs et électrices, même si la Constitution a changé. Selon des chiffres du ministère de l'Intérieur, les partis politiques ont organisé, durant cette campagne électorale, plus de « 9500 activités, ayant drainé plus de 608 000 participents, soit une moyenne de plus de 55 200 participants par jour». Ce qui est très loin de répondre aux critères d'une bonne performance, sachant que plus de 13 millions d'électeurs sont, normalement, concernés par ces législatives anticipées. Le même texte du département de Taib Cherkaoui précise que «huit partis politiques, sur les 31 qui participant à cette échéance électorale, ont mobilisé 75 % du total des participants au niveau national ». Les résultats du scrutin du 25 novembre devront confirmer cette tendance. Quant à la répartition des participants aux activités des formations politiques, « elle est de 52 %, en milieu rural, et 48 % en milieu urbain ». Des plaintes et une seule condamnation Le ministère de l'Intérieur a mis en place une commission chargée de la réception des plaintes liées au déroulement de la campagne électorale. Au 21 novembre, elles sont, selon un décompte établi par les services de ce département, 394 plaintes à avoir été déposées, réparties notamment comme suit : 84 dont l'origine est connue, 28 d'origine inconnue et 237 figurant dans des articles de presse. Le traitement de ces dernières plaintes a déclenché des enquêtes judiciaires dans 41 cas, la poursuite de l'enquête par les autorités provinciales et de la sûreté, dans 74 cas – en vue notamment de les examiner et, ensuite, prendre la décision adéquate – et le classement sans suite dans les enquêtes ouvertes sur 227 plaintes, faute de preuves tangibles. Les mêmes chiffres de l'Intérieur précisent que quatre plaintes à l'encontre de présidents de conseils municipaux ont été transmises à l'Inspection générale de l'administration territoriale, en vue d'approfondir l'enquête sur les irrégularités attribuées à ces élus. Pour les agents de l'autorité faisant l'objet de plaintes, en cas de véracité des faits, l'IGAT est amenée à prendre les mesures préventives qui s'imposent dans ce genre de circonstances, à savoir le transfert jusqu'à la fin de la campagne électorale. Par ailleurs, le même communiqué du ministère de l'Intérieur précise que la nature des plaintes se répartit comme suit : 109 se rapportant au non-respect de la loi régissant ces élections, soit 23,31%, 70 liées à l'appui d'agents de l'autorité à certains candidats, soit 6,20%, 95 concernent les inscriptions sur les listes électorales, soit 61,12%, et 28 se rapportant à une campagne électorale avant son lancement officiel, soit 2,8%. Sur l'ensemble de ces plaintes, une seule a donné suite à une condamnation du candidat A.L. à deux ans de prison ferme, pour fraude électorale, assortie d'une interdiction de se présenter à des élections pendant deux mandats successifs et à verser une amende de 50 000 DH. Lundi dernier, il a été arrêté à Sidi Slimane alors qu'il proposait une somme d'argent à une personne en échange de son vote, le vendredi 25 novembre. A.L était le candidat du Mouvement social démocratique d'Abdessamad Archane. Les familles La députation est également une histoire de famille. Par exemple à Khénifra, deux candidats de la même famille s'affrontent pour la députation. D'un côté, il y a le PAMiste, Jamal Amehzoune, et son cousin, Hassan Amehzoune, du RNI. Ce dernier est un député sous les couleurs de la Haraki. Pour ces législatives anticipées, il se présente en tant que RNIste. Mais la palme d'or revient incontestablement à la famille Bourkalne de Tinghir, une circonscription de trois sièges. Sous les couleurs du PAM, le mandataire de la liste est Mouha, son second est Hassan et Zahra ferme la liste. Chez l'Istiqlal, il n'y a pas que le clan de Abbas El Fassi qui tisse sa toile. La famille Akayyouh adopte la même démarche. Ces législatives anticipées comptent la participation de Abdessamad, député sortant ; pour mémoire, sa liste en 2007 est arrivée en deuxième position, avec environ 39000 ; seule la liste d'El Himma avait fait mieux à Bengrir. Zineb Akayyouh est également de la partie, mais sur la liste nationale, sans oublier Ali, le patriarche, membre de la Chambre des conseillers. Toujours au PI, Hamid Chabat, l'homme fort du parti, a réussi à placer sa femme Fatima Tarek à la 5e place sur la liste nationale de l'Istiqlal ; ce qui renforce ses chances d'arracher le titre de députée. Le maire de Fès a également mis son fils, Naoufal, second sur la liste de la Balance à la circonscription de Taza, dont le mandataire de liste n'est autre que Abdellah Bourrakadi, député sortant. Le RNI connaît également la présence de Mohamed Bouhdoud Boudlal, candidat de la Colombe à Taroudant, aux côtés de sa fille Amina sur la liste nationale. Même l'USFP n'échappe pas à cette règle. En plus de la candidature à Berrechid du très volubile Abdelhadi Khaïrat, il y a celle de sa femme, Khadija Yamlahi, 6e sur la liste nationale femmes du parti de la Rose. Insolites Durant cette campagne électorale, le PAM a brillé par le retrait des accréditations à deux candidats. Dans le premier cas, la direction du parti a pu présenter, in extremis, un mandataire de liste, alors que la chance n'était pas au rendez-vous dans le second cas. Le jour de la campagne électorale, la direction du PAM a retiré l'accréditation à son candidat de Errachidia, Moulay Mustapha El Omari, député sortant. Des sources au Tracteur attribuent cette mesure « à des informations avérées, recueillies par diverses parties, mettant en doute la crédibilité de El Omari ». Avant de rejoindre le PAM, ce dernier comptait à son actif des passages au Mouvement populaire et au RNI. Ce retrait s'inscrit dans le cadre du bras de fer opposant les notables aux partisans de la gauche. Cette semaine, la même procédure a été enclenchée contre Ali Noumria. Face à l'obstination de ce dernier de participer à ce scrutin sous les couleurs du PAM et à user de ces locaux à Laâyoune, la direction du PAM a été contrainte de l'en expulser. L'exclusion a frappé également Abdelgahni Marhanides du MUR (Mouvement unicité et réforme). Cet ancien PJDiste s'est opposé à la décision de Ablelilah Benkirane de l'évincer de la course à la députation et placer à la circonscription de Sidi Bernoussi, son fidèle compagnon de route, Mohamed Yatim, en rejoignant tout simplement le parti de Renaissance et vertu de Mohamed Khalidi, une scission du PJD. Insultes Incontestablement, la palme d'or revient à Abdelilah Benkirane. Depuis le début de la campagne électorale, le secrétaire général du PJD a distribué les insultes à ces adversaires politiques, notamment Salaheddine Mezaour, le président du RNI, et Elias El Omari, l'homme fort au PAM. Sur le premier, son possible concurrent à la primature, Benkirane estime qu'il est incapable d'assumer une telle fonction quant au second, le patron des islamistes le traite « voyou », « satan » et « démon qui fait peu à nombre de politiques ». Des écarts de langage, désormais, une marque déposée de Benkirane.