Mille fois imité, jamais égalé, le chef d'œuvre du prolifique maître britannique résiste bien à l'épreuve du temps. Encore aujourd'hui, au delà de son ingéniosité formelle et de sa brillance stylistique, Psychose continue de fasciner par son étoffe et sa profondeur. La multiplicité des analyses en font probablement l'un des films les plus commentés de l'histoire et pourtant, plane toujours un mystère autour de ce petit motel au bord d'une route américaine, principal décor d'un thriller à la résonance métaphysique. Réalisé juste après La mort aux trousses, Psychose vient clôturer une décennie riche en succès pour son auteur, qui est alors l'une des valeurs sûres de Hollywood. La portée, l'inventivité en matière de langage filmique et la signification du travail d'Hitchcock ne seront reconnues cependant que plus tard, à la faveur notamment du travail mené par certains critiques européens, dont François Truffaut. Dans le fameux livre d'entretiens qu'il lui consacre, Truffaut interroge Hitchcock sur le fait que Psychose puisse être considéré comme un film expérimental. Ce à quoi il répond : «Peut-être. Ma principale satisfaction est que le film a agi sur le public, et c'est la chose à laquelle je tenais beaucoup. Dans Psychose, le sujet m'importe peu, les personnages m'importent peu ; ce qui m'importe, c'est que l'assemblage des morceaux de films, la photographie, la bande sonore et tout ce qui est purement technique pouvaient faire hurler le public ». Et en matière de terreur, le coup est réussi. Adapté d'un roman somme toute assez banal qui aurait pu se transformer en série B sans intérêt, Psychose est la démonstration que Hitchcock pouvait se baser sur un matériau vulgaire et en faire du grand art. Marion Crane (Janet Leigh), jeune secrétaire frustrée de ne pouvoir envisager d'avenir avec son amant par manque de moyens, se voit confier par son patron la somme de 40 000 dollars à déposer à la banque. Après courte réflexion, elle choisit de dérober l'argent et prend la fuite à bord de sa voiture. Elle échoue de nuit dans un motel tenu par un jeune homme à l'allure sympathique, Norman Bates (Anthony Perkins), qui vit seul avec sa mère dans une maison attenante. Après un dîner sommaire avec Norman, Marion est assassinée sous la douche par la mère de celui-ci. Un détective, chargé de retrouver l'argent puis sa sœur et son amant se lanceront dans une enquête qui révélera, après moult rebondissements, la personnalité psychotique de Norman Bates, dont la mère, morte des années plus tôt, constituait la deuxième partie. Je ne m'attarderais pas ici sur la scène de la douche, qu'à peu près tout le monde connaît et qui a nécessité sept jours de tournage pour quarante cinq secondes d'images montées. Mais, ce qu'il est important de souligner, c'est la quasi perfection atteinte en matière de langage cinématographique, dont Hitchcock fut l'un des inventeurs les plus créatifs et les plus copiés. En faisant le choix du noir et blanc au détriment de la couleur qui aurait rendu les images trop sanglantes, en faisant disparaître la star du film au bout de la première partie, en tournant avec une équipe de télévision avec des moyens réduits mais en redoublant d'inventivité, Hitchcock réussit une gageure à la hauteur de son audace. Et impossible de conclure cette chronique sans évoquer la musique de Bernard Herrmann qui, à coup d'archets stridents, devint le référent absolu en matière de musique pour film d'angoisse.