Alors que les autorités algériennes demeurent intransigeantes face à l'ouverture des frontières, deux associations du pays appellent à l'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie. Lors d'un séminaire organisé pour commémorer le 23e anniversaire des événements sanglants du 5 octobre 1988 à Alger, un panel d'associations provenant des trois pays du Maghreb a lancé un appel à « la libre circulation des personnes dans le Maghreb », ainsi qu'à l'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie. Le Rassemblement Action Jeunesse (RAJ) et le Comité national de défense des droits des chômeurs (CNDDC) de l'Algérie, l'Organisation démocratique du travail (ODT), l'Action jeunesse (AJ) et le Forum des alternatives (FMAS) du Maroc et le Forum des jeunes pour la citoyenneté et la créativité (FJCC) de la Tunisie, ont tous signé ledit appel. Outre leur appel à « poursuivre la lutte pacifique et la résistance civile » dans les différents pays du Maghreb, les associations ont surtout insisté sur «l'ouverture immédiate des frontières entre l'Algérie et le Maroc, conformément à la volonté des peuples, en tant que concrétisation de l'unité maghrébine», stipule le communiqué publié par les rédacteurs de l'appel. Ces derniers soulignent aussi «l'urgence de la prise de mesures effectives garantissant la liberté de circulation des personnes, des idées et des biens à l'intérieur de la région maghrébine». Contacté par Le Soir Echos, Abdelrhni Bensaid, acteur associatif et militant de la première heure pour l'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie, avoue ne pas connaître les associations algériennes à l'origine de cet appel. « J'ai bien peur que ce ne soient encore que des appels en l'air », affirme-t-il non sans dépit. Pour lui ce sont « les autorités algériennes » qui sont responsables du blocage. « Le roi n'a pas cessé de tendre la main à nos frères algériens, mais rien ne bouge de l'autre côté », déplore-t-il. Bensaïd a tenu à rappeler que les frontières maroco-algériennes demeurent les dernières frontières fermées dans le monde. Une véritable atteinte à la «géographie» et la fraternité entre les peuples. Othmane Lahiani, analyste politique et journaliste au quotidien algérien Elkhabar. « L'Algérie s'accroche à ses arguments » Pensez-vous que l'appel lancé le 7 octobre à Alger pourrait influer sur les décisions politiques ? Ces appels ne sont pas nouveaux. Le RAJ, par exemple, est une émanation du FFS (le plus grand des partis d'opposition), et ce dernier avait organisé à Alger une rencontre entre différents partis maghrébins pour appeler à l'ouverture des frontières entre les deux voisins. Sur le plan politique, ces associations n'ont pas une grande influence. Cependant, la demande d'ouverture des frontières demeure une revendication importante pour de nombreux partis politiques, acteurs associatifs et d'autres personnalités; pour des raisons sociales, économiques, politiques et historiques. Un relatif réchauffement a caractérisé les relations entre les deux voisins depuis quelques mois, mais rien de concret n'a été fait. À qui profite la fermeture des frontières ? Je pense que ce sont des parties étrangères qui profitent de la fermeture des frontières. Les grands perdants ne sont autres que l'Algérie et le Maroc, que ce soit sur le plan politique, économique ou social. Politiquement, l'ouverture des frontières pourrait aider à normaliser les relations entre les deux voisins et en finir avec le gel politique, ce qui aidera à mieux défendre les différentes positions des pays du Maghreb arabe face aux différentes problématiques de la région. Economiquement, les 2 pays peuvent accentuer leurs échanges commerciaux et agricoles. Visiblement, l'Algérie s'accroche à ses arguments en relation avec le refus du Maroc d'arrêter le trafic de drogue vers l'Algérie, tandis que le Maroc n'a apporté aucune garantie à l'Algérie.Je pense que nous étions à deux doigts de l'ouverture des frontières lors de l'échange de visites ministérielles. Malheureusement, quelques parties marocaines, pas forcement le gouvernement, ont exagéré en faisant croire que l'Algérie faisait transiter des mercenaires vers la Libye. C'est ce qui a remis les choses à leur endroit initial. Quel est l'avis du peuple algérien concernant l'ouverture des frontières ? Aucun algérien ne refuse l'ouverture des frontières, que ce soit avec le Maroc, la Libye ou la Tunisie. Le peuple algérien a énormément souffert de la période d'enfermement due à la « décennie noire », et ne saurait attendre l'ouverture sur ses frères aussi bien de l'est que de l'ouest. Néanmoins, il existe des dangers sur la paix sociale et la sécurité nationale qui serait dus aux tonnes de haschisch et de cannabis en provenance du Maroc. Ce qui n'encourage en rien à la réouverture des frontières. Cela nécessite un éveil de conscience des deux côtés, ainsi qu'un effort médiatico-politique, sans oublier l'obligation pour les sociétés civiles de jouer un rôle plus important pour briser les bloquages psychologiques et politiques, des bloquages qui pourraient avoir des conséquences catastrophiques sur les générations futures.