La Tunisie s'apprête à vivre une nouvelle ère de son histoire. Les islamistes partent d'ores et déjà favoris aux élections du 23 octobre. Les choses sérieuses commenceront juste après. La Tunisie, premier pays à avoir ouvert le bal du Printemps arabe, amorce sa transition démocratique. Après plus de deux décennies de dictature sous le régime de l'ancien chef d'Etat déchu Ben Ali, les Tunisiens se préparent à une nouvelle ère. Ils se rendront aux urnes le 23 octobre pour élire l'Assemblée constituante qui se chargera de rédiger une nouvelle constitution pour le pays. Et l'engouement du peuple tunisien pour ces premières élections libres est de taille. Sur l'ensemble des circonscriptions, il y a pas moins de 10000 candidats sur 1570 listes pour 217 sièges à pourvoir. La campagne électorale bat déjà son plein depuis le 1er octobre. 42% des listes restent indépendantes alors que le pays compte 112 partis politiques. Jusqu'à présent, on dénombre 56% de Tunisiens inscrits pour le vote. Pour se démarquer de l'ancien régime, le pouvoir a confié l'organisation du scrutin à l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Ce n'est donc plus le ministère de l'Intérieur qui s'en chargera. Cela aura l'avantage de donner plus de crédibilité à cette première épreuve électorale. Seize membres élus par la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, mise en place après le départ de l'ancien président du pouvoir le 14 janvier, dirigent l'ISIE. Pour permettre l'avènement d'une réelle démocratie, la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution a imposé le principe de parité aux listes électorales, c'est-à-dire qu'il faudra autant d'hommes que de femmes pour reconstruire la Tunisie post-Ben Ali. De même, dans le souci de ne pas faire des exclus, cette haute instance a choisi un mode de scrutin qui permettra d'offrir le maximum de représentation à toutes les sensibilités de la société tunisienne dans la nouvelle Assemblée. Cependant, les membres de l'ancien parti au pouvoir, le Rassemblement Constitutionnel et Démocratique(RCD) dissout en mars dernier, ne participeront pas à ces élections. L'Assemblée constituante qui verra le jour après cette échéance aura un mandat d'un an. Elle devra élire un président qui, à son tour, désignera son gouvernement. Les islamistes, conduits par le parti Ennahda, se veulent rassurants dans cette nouvelle aventure. «Nous ne cherchons pas à imposer une lecture rigoriste de la religion en cas de succès aux premières élections organisées en Tunisie depuis la chute de Ben Ali», a déclaré Rachid Ghannouchi, le leader du parti Ennahda. Mais malgré cela, nombreux sont ceux qui redoutent que la Tunisie sombre dans l'islamisme d'autant plus que Ennahda est donné favori pour l'élection. «Ben Ali a fait tout ce qu'il pouvait pour convaincre l'Occident que nous étions un groupe terroriste mais il n'y est pas parvenu. Nous ne sommes pas coupés de notre environnement. Ennahda respecte toutes les valeurs de démocratie et de modernité. Notre parti peut trouver un équilibre entre modernité et Islam», a-t-il assuré. Pour rappel, sous le régime Ben Ali, les membres de ce parti étaient persécutés et nombreux d'entre eux ont été contraints à l'exil. C'est d'ailleurs le cas de Rachid Ghannouchi, chef de file de Ennahda, qui est rentré en Tunisie au mois de janvier après 20 ans d'exil. «Les valeurs de la modernité et la liberté des femmes ont commencé avec le premier président de la Tunisie, Habib Bourguiba. Nous n'allons pas les abandonner. La liberté d'une femme et sa liberté de s'habiller ont déjà été établies et nous comptons les développer», a expliqué le chef des islamistes tunisiens dans une interview à Reuters. Par ailleurs, le feuilleton du procès de la famille Ben Ali se poursuit. Nesrine Ben Ali, la fille de l'ex-chef d'Etat tunisien, a été condamnée par contumace, en début de semaine, à deux ans d'emprisonnement par le juge du tribunal de première instance de Tunis. La jeune femme de 25 ans devra également s'acquitter d'une amende d'environ 1000 euros. Selon le site d'information tunisien Business News, Nesrine Ben Ali, avait déjà été condamnée par contumace à huit ans de prison et à verser environ 26 millions d'euros d'amende dans une affaire d'acquisition de terrain illicite. Quelques jours plus tôt, cette même cour avait condamné le beau-frère de l'ex-président, Belhassen Trabelsi, à quinze années d'emprisonnement pour corruption.