Cette semaine, Miloudi a accompagné lalla Fdila à sa dernière demeure. Elle est allée rejoindre son époux qui était l'un des hommes les plus fins, les plus subtils qu'il ait connus. Sur le chemin, ce sont des dizaines d'anecdotes, de souvenirs et de tranches de vie qui ont défilé dans sa tête, selon un ordre qui ne répondait qu'à sa propre logique. Miloudi n'était pas plus triste que ça. Il prenait cette disparition avec philosophie, mais il était éprouvé par ce rappel à l'ordre naturel des choses, d'autant plus qu'il était arrivé à un âge où les disparitions devenaient régulières dans son entourage. Mais ce n'est pas cela qui mettait Miloudi mal à l'aise. A peine descendu de sa voiture, une cohorte de mendiants, jeunes, âgés, estropiés, espiègles mais tous vociférant, l'accueillirent en véritables maîtres des lieux. Impossible de marcher sans être interpellé par l'un ou par l'autre. Quant au recueillement… Autre surprise désagréable. A l'entrée de la mosquée, une petite charrette, surmontée d'un parasol bigarré et équipée d'un autoradio relié à de puissantes enceintes d'un côté et à une énorme batterie de l'autre, crachait le discours d'un prêcheur pour le moins singulier. Misogyne, réducteur, parfois cru, il donnait de l'Islam une interprétation sectaire autant qu'injuste. Attendant que le reste du groupe arrivât, Miloudi écoutait avec stupeur ce type, certainement animé par ses propres frustrations sociales et sexuelles, haranguer des foules imaginaires par CD interposé. Miloudi fut tenté d'acheter l'objet du délit pour mieux le décortiquer, mais il n'avait pas le cœur à ça. Ce n'était ni le lieu ni le moment. Une fois la procession lancée, les salamalecs d'usage reprirent leur droit et ceux qui ne s'étaient pas revus depuis le dernier enterrement se promettaient de ne pas attendre le suivant pour se revoir. Prières et enterrement se sont enchaînés mécaniquement, rappelant à Miloudi pourquoi il n'aimait pas fréquenter ce genre d'événements. Le moment le plus émouvant de tout cela eut finalement lieu dans sa voiture, lorsque enfin seul, il a vu Lalla Fdila et feu son mari lui sourire d'un air malicieux. Aucun article en relation !