Cent jours se sont écoulés depuis l'investiture du nouveau président ivoirien, mais aucun accomplissement considérable n'est à signaler. Pendant que la coalition de l'ONU pilotée par la France bombardait Abidjan afin de déloger le président déchu Laurent Gbagbo du pouvoir, la Côte d'Ivoire entrait dans une grave crise économique et humanitaire. Et aujourd'hui, tout est à reconstruire dans ce pays. La réconciliation nationale, qui a pour principal but la réunification ethnique des Ivoiriens divisés en deux gros blocs, musulman et catholique, est la priorité pour le gouvernement. Une instance Equité et réconciliation a été créée à cette fin. Et puis de la relance économique à la refonte des infrastructures du pays, en passant par l'insécurité chronique en zone urbaine et rurale, les chantiers sont interminables pour le tout nouveau président, et les 100 jours qui viennent de s'écouler ne sont pas suffisants pour effectuer le premier bilan d'Alassane Ouattara. Mais beaucoup de choses ont changé depuis son investiture en mai dernier. L'Etat français est devenu une sorte trésorier pour le pays africain, prêtant massivement à l'Etat ivoirien pour payer les salaires des fonctionnaires, apurer la dette intérieure du pays et relancer la machine économique, enfonçant un peu plus la dette du pays. Le malaise socioéconomique s'est aussi approfondi : la filière du cacao, première ressource économique du pays, est au plus bas. Le prix au kilo, vendu 1100 francs CFA sous l'ère Gbagbo, s'échange actuellement entre 150 et 400 francs CFA le kilo. Les rackets se sont aussi multipliés depuis la fin du règne de Laurent Gbagbo. Les FRCI, principales receleurs du pays, font payer à travers de nombreux barrages tout usager de la route, y compris les transporteurs de cacao qui payent à chaque passage entre 200 et 500 000 francs CFA de taxes illégales pour ces derniers, et en moyenne 45 000 francs CFA pour les autres. Ces sommes sont immédiatement répercutées sur les prix de vente de tous les produits transportés, ce qui crée une inflation vertigineuse sur la viande, le riz, le sucre, l'huile de table et tout autre produit de grande consommation. Cette inflation, qui était à son paroxysme en période de crise post-électorale, n'est toujours pas redescendue. « Avant c'était mieux », disent les Ivoiriens sur le ton de la dérision, mais « le vrai bonheur, on ne l'apprécie qu'une fois qu'on la perdu », renchérissent les partisans de l'ancien régime. Certes, la crise est réelle en Côte d'Ivoire, voir inquiétante, mais tel est le destin d'un pays en totale refonte, surtout après avoir subi une quasi-guerre pour que sorte victorieuse la démocratie. Entre-temps, la France, qui a les faveurs d'Abidjan, est sur le point d'investir massivement dans le secteur privé. Un favoritisme qui agace certains pays comme les Etats-Unis. Il va falloir attendre plusieurs mois, voir plusieurs années, pour pouvoir analyser sereinement la situation du pays et ses avancées.