Les députés ont examiné hier un projet de loi instituant un ticket présidentiel, qui permet l'élection simultanée d'un président et d'un vice-président. L'opposition dénonce un « coup d'Etat institutionnel ». Les sénégalais ont manifesté hier devant l'Assemblée nationale pour protester contre le projet de loi à l'étude. Et pour cause, ce jeudi, les députés, dont 88% sont issus de la mouvance présidentielle, devaient se prononcer sur la réforme constitutionnelle. Le texte prévoit l'institution d'un ticket présidentiel, c'est-à-dire l'élection simultanée au suffrage universel direct d'un président et d'un vice-président. Mais ce projet de loi fait largement débat dans la société civile et l'opposition qui dénoncent un tour de passe-passe du président pour conserver son titre. « Ce projet de loi est motivé par la peur de perdre le pouvoir. C'est un tour de passe-passe pour supprimer le second tour», estime Alioune Tine, président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho), une ONG basée à Dakar. Dans ce nouveau texte, le ticket présidentiel, comprenant un président et un vice-président, qui obtient 25% des voix au premier tour est élu. Si aucun ticket n'obtient le « minimum bloquant » des 25%, un second tour serait alors organisé pour départager les deux tickets les mieux placés. Ce minimum de 25% inquiète l'opposition. «Un président de la République peut être élu contre la volonté de 75% de la population», s'insurge Mbaye Niang, député et porte-parole de la principale coalition de l'opposition. Appliquée à la situation actuelle, ce projet de réforme devrait permettre au président actuel, Abdoulaye Wade, d'être réélu. «Tous les sondages créditent Abdoulaye Wade au maximum de 27%» des voix, commente Mbaye Niang. Autant dire qu'avec le projet de ticket institutionnel, le président sénégalais l'emporterait lors du premier tour de la présidentielle prévue le 26 février 2012. De plus, l'opposition pense que le président, Abdoulaye Wade, âgé de 85 ans, a l'intention de choisir son fils Karim pour le poste de vice-président, afin de lui céder le pouvoir. Cela ouvre la voie à «une dévolution monarchique», estime Alioune Tine. Le camp présidentiel présente le projet sous un autre angle. Selon le président sénégalais, Abdoulaye Wade, la réforme constitutionnelle vise à « renforcer la démocratie ». «On nous reproche souvent d'avoir un régime trop présidentialiste où le pouvoir repose sur les mains du chef de l'Etat. Mais, avec la création du poste de vice-président, le problème est définitivement réglé», a déclaré le président. Une vision du projet qui fait grincer des dents l'opposition. Depuis l'annonce du projet de loi, les manifestations se multiplient dans plusieurs villes du pays. Ce sont des jeunes principalement qui se rassemblent quotidiennement par petits groupes pour exprimer leur opposition au projet. Les manifestations ont dérivé plus d'une fois en affrontements avec les forces de l'ordre. «On est en train de créer des conditions de troubles sociaux», a dénoncé Babacar Guèye, coordonnateur du collectif des organisations civiles.