La capitale sénégalaise Dakar a retrouvé, jeudi soir, sa sérénité après une journée tourmentée par de violentes manifestations contre un projet de loi controversé de réforme constitutionnelle sur l'institution d'un "ticket présidentiel", finalement retiré par le gouvernement sénégalais au nom de la préservation de "la paix civile". Par Driss Hidass. Le retrait du texte de loi a été annoncé en fin d'après midi par le ministre sénégalais de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, devant l'assemblée nationale. "Le président Wade a pris en considération vos préoccupations, il a pris bonne note de toutes les réactions et il m'a chargé de retirer ce projet de loi", a déclaré le ministre. "Au nom de la paix civile, nous prenons acte de ce retrait", a déclaré, pour sa part, le président de l'Assemblée nationale, Mamadou Seck. Les violentes manifestations ont dégénéré, jeudi matin, aux abords de l'assemblée nationale sénégalaise où les députés s'apprêtaient à examiner, en procédure d'urgence, le projet de loi constitutionnelle instituant l'élection au suffrage universel direct d'un président et d'un vice-président de la République. Une réforme de la procédure de l'élection présidentielle largement contestée par l'opposition et des mouvements de la société civile. Le projet de loi avait été adopté en Conseil des ministres le 16 juin courant. La tension autour de cette réforme contestée a fini par gagner la rue, à l'occasion de son passage à l'assemblée nationale pour adoption. Plusieurs partis de la coalition de l'opposition ont alors appelé à manifester contre le projet de loi. L'humeur de la rue a vite fait tache d'huile et les rues de Dakar ont été investies par des centaines de jeunes manifestants qui se sont livrés à de violents affrontements avec les forces de l'ordre. Le projet de loi visait à modifier la Constitution pour permettre l'élection simultanée, dès 2012, d'un président et un vice-président sur la base d'un "ticket présidentiel" qui, pour l'emporter, n'a besoin de recueillir au premier tour du scrutin que 25 pc des suffrages exprimés, au lieu de la majorité absolue (plus de 50 pc des suffrages exprimés) comme le stipule l'actuelle constitution. Ce minimum de voix pour une victoire au premier tour était l'une des dispositions les plus décriées par les opposants au projet. Dans son argumentaire, l'opposition avance qu'il s'agit d'"une tentative de suppression, d'une façon ou d'une autre, du second tour de la présidentielle". Même dans les rangs de la majorité, des députés avaient clairement indiqué leur refus de voter pour le texte en estimant que "la stabilité du pays est beaucoup plus importante qu'un texte de loi". Au niveau international, la France et les Etats-Unis avaient exprimé leur préoccupation concernant les événements de ce jeudi, tout en tenant à signifier leurs "réserves" sur le projet de réforme présenté aux députés "à quelques mois du scrutin présidentiel, sans grande concertation". Cette révision des dispositions de la loi fondamentale "pourrait aussi entraîner un risque de contestation de la légitimité des résultats de l'élection présidentielle", a estimé, pour sa part, la Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton. Outre la capitale, des manifestations à l'appel de l'opposition ont également dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre durant la même journée dans d'autres villes du pays. D'après l'agence de presse officielle sénégalaise, des affrontements ont été signalés notamment dans les villes de Kaolack et de Thiès. Jeudi soir, les autorités sénégalaises ont démenti les rumeurs sur des morts dans les incidents de ce jeudi. "Nous n'avons enregistré aucun décès lors de ces manifestations", a déclaré un haut responsable de la sécurité qui reconnaît tout de même "beaucoup de blessés, de part et d'autres lors des affrontements" qui ont éclaté en plusieurs endroits de la capitale. A l'issue d'une réunion jeudi soir, les leaders de la principale coalition de l'opposition "Benno Siggil Senegaal" se sont félicités du retrait de cette réforme constitutionnelle, tout en saluant, sans distinction d'appartenance politique, la décision des parlementaires de surseoir au vote du projet de loi controversé. Un signe d'un retour à la normale dans le milieu politique sénégalais après une journée de tensions et une salve d'humeur qui ne sied pas au flegme pacifique et convivial du peuple de la "Teranga".