Du 4 février au 31 mars, l'ancien Aquarium de Casablanca accueille « Abysses », une exposition inédite à la découverte des fonds marins. Témoignage in-situ d'une des zones les moins protégées de notre planète. Obscurité, froid glacial, nourriture rare et pression impressionnante : bienvenue dans les abysses des fonds marins, une plongée vertigineuse à plus de 1.000 mètres de profondeur. Ici, les habitants se nomment Chauliodus sp, le poisson-vipère, un spécimen doté de crocs immenses qui, pour ne pas lui transpercer le palais, dépassent de sa gueule, ou encore Saccopharynx sp., le grandgousier qui, grâce à une mâchoire disproportionnée par rapport à sa taille et un estomac extensible, est capable d'engloutir des victimes parfois aussi longues que lui. A conditions extrêmes, animaux extrêmes, sortis tout droit d'un film de science-fiction. On ne fait pas si bien dire. L'exposition « Abysses » dévoile la plus grande diversité de créatures profondes jamais réunies. Des espèces rarissimes, dont il n'existe pas ailleurs d'autres spécimens aussi bien conservés. Un mode de conservation complexe Pêchés récemment à des fins d'études scientifiques par les échantillonneurs des submersibles, ou châlutés au cours de campagnes océanographiques, les animaux marins ont ensuite été conservés avec des méthodes innovantes leur permettant de garder leur aspect naturel. Dans cet optique, l'équipe de l'exposition « Abysses », aidée par les taxidermistes du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris, travaille actuellement sur la mise au point d'une technique pour encapsuler certaines de ces créatures dans de la résine et les montrer ainsi au plus proche de leur aspect réel. Alors disposés sur des colonnes ou dans des aquariums telles des œuvres d'art, ces spécimens uniques aux formes insensées et couleurs surprenantes, permettront au public de prendre contact, pour la première fois, avec les réalités abyssales. L'exposition est complétée de photographies et d'un film illustrant la vie des abysses. Un zone méconnue et fragile Bien qu'elles représentent plus de 60% de la surface du globe, les hautes mers restent parmi les zones les moins protégées de notre planète. De leur côté, les abysses représentent à eux seuls 98% de l'espace dans lequel la vie peut se développer. La plaine abyssale, réceptacle final de toute la nourriture qui traverse la colonne d'eau, est tapissée d'un tissu organique qui permet de nourrir une grande diversité d'espèces. Ainsi monts sous-marins, canyons, et marges des continents qui se trouvent exposés aux courants, deviennent le théâtre local d'une vie foisonnante et insoupçonnée à de telles profondeurs. C'est ce qu'a découvert Claire Nouvian, auteure et réalisatrice de films scientifiques et animaliers, à l'Aquarium de Monterey en Californie puis à l'occasion de nombreuses plongées. Aujourd'hui commissaire de l'exposition, réalisée en collaboration avec des chercheurs du monde entier, elle envisage avant tout cet événement culturel comme une prise de conscience environnementale : «J'aimerais que cette exposition soit une expérience sensorielle, esthétique, et en même temps qu'elle permette de faire aimer la science. On assiste aujourd'hui à une désaffection préoccupante des jeunes pour les filières scientifiques : tout le monde veut « faire de l'argent », comme si c'était la seule finalité dans la vie ! », avant d'ajouter : «gardons à l'esprit que ce que l'on donne à voir aujourd'hui, aura disparu d'ici quelques années si nous ne nous mobilisons pas pour préserver les abysses. Dire qu'il y a urgence à protéger les océans profonds n'est pas une figure de style qui devrait glisser sur nous : c'est la réalité immédiate mais encore évitable !»