La relation intime entre les valeurs et l'école a fait l'objet d'une concertation de quatre jours à Rabat. L'école est à la fois une valeur en soi et un lieu où se transmettent les valeurs. Encore faut-il que l'enseignant, le système éducatif, et la société dans son ensemble y mettent du leur pour que la magie opère. Tolérance, solidarité, liberté, autonomie. Les valeurs auxquelles aspire chaque individu sont essentielles à l'harmonie d'une société, représentant même, comme le définit le politologue marocain Mohammed Tozy, «la chair d'une société, à travers laquelle elle peut se parler à elle-même, et parler aux autres». Et parmi les lieux de transmission de ces valeurs figure l'école. Les liens entre les valeurs et l'école viennent justement de faire l'objet de nombreux débats et ateliers, au cours de la 1re université de Bayt El Hikma, qui s'est tenue du 26 au 29 janvier à Rabat. Pour les intervenants, l'école est une valeur en soi, avant d'être un lieu où se transmettent les valeurs. «Mais uniquement lorsqu'elle aide à l'épanouissement du désir d'apprendre», relativise le professeur de philosophie Mohammed Doukkali. L'école est ensuite un lieu d'éducation. «Or l'éducation est une valeur humaine constructive. Il n'y a pas d'évolution humaine possible sans éducation», appuie la sociologue marocaine Rahma Bourqia. Et d'ajouter que «l'éducation ne peut se faire sans enseignement». L'enseignant est donc celui qui est tout désigné pour diffuser ces valeurs. Malheureusement, nombreux sont les Marocains à avoir rencontré dans leur parcours scolaire et même universitaire, des enseignants autoritaires, voire technocrates. Or comme le rappelle Mohammed Doukkali en citant Jean-Jacques Rousseau, «si vous voulez rendre quelqu'un maître, soyez vous-même partout apprenti». Rester humble doit donc être l'épine dorsale de l'enseignement, et c'est en étant apprenti avec son élève que l'enseignant s'élève. Regard critique Les valeurs représentent des «préférences collectives». Elles se réfèrent donc à des «manières d'être» reconnues comme idéales, qui ne sont donc pas pour autant respectées. Mais le simple fait d'en avoir vient renforcer la subjectivité de chaque citoyen, et ainsi son regard critique. Quelles sont alors les valeurs qui doivent être transmises par l'école ? Existe-t-il une liste préétablie qui peut être apposée à toute société ? Loin s'en faut, d'après les chercheurs marocains en philosophie et en sociologie qui étaient présents à la rencontre. L'une des raisons est à chercher au niveau de l'évolution permanente de toute société. «Toute société est en constante évolution, que ce soit au niveau micro-sociologique (famille), ou macro-sociologique», souligne Rahma Bourqia. On assiste alors à une lutte des valeurs, qui doivent avant tout répondre aux besoins de chaque société. Qu'attend la société de l'école ? Là est la question fondamentale. Mohamed Tozy affirme que «le projet de l'école découle d'un pacte social et politique. Il émane avant tout de la société ! » C'est en cela que «la participation de l'élève est primordiale», souligne Rahma Bourqia. Plus qu'une boîte de connaissances accumulées, l'école doit lui permettre d'aiguiser son regard critique. Car, pour reprendre la philosophe américaine Hannah Arendt, «c'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal». u Le mariage, premier souci des Marocains Une première enquête nationale sur les valeurs a été menée en 2005-2006, par un groupe d'enseignants chercheurs marocains. Les résultats de cette première enquête du genre, (disponible sur www.rdh50.ma) font ressortir les valeurs majoritaires des Marocains. Parmi elles, le mariage comme institution, le mariage précoce chez la femme et tardif chez l'homme, la solidarité familiale, la sécurité de l'emploi, ou encore l'enfant comme sécurité contre les aléas de l'avenir. Des valeurs nouvelles apparaissent également, comme le dialogue dans l'éducation des enfants, l'autonomie des enfants et du couple, et la participation de la femme à la politique.