Quand Nicolas Sarkozy s'essaie à la Licorne Rose Invisible «Il semblerait que vous soyez pédophile… Qui me l'a dit ? J'en ai l'intime conviction.» C'est là en partie la réponse que Sarkozy a choisi de lancer à la figure d'un des journalistes présents à une entrevue « off » tenue en marge du sommet de l'Otan à Lisbonne, et qui l'avait questionné à propos de l'affaire Karachi. Une façon, pour celui que les dernières révélations Wikileaks, à caractère diplomatique, peignent comme «susceptible et autoritaire», de faire comprendre aux journalistes, par l'absurde, que leurs supputations ne peuvent pas continuer à être prises au sérieux en l'absence de preuves. Libre à chacun d'y voir une réaction à l'emporte-pièce inspirée par le moment (bien qu'on ne voie pas comment, ni surtout pourquoi «pédophile» et pas «escroc» ou «tueur en série»), ou plutôt l'usage prémédité de stratagèmes schopenhaueriens (tels que posés dans l'Art d'avoir toujours raison), le n°15 notamment dit ad absurdum, ou encore, dans une certaine mesure, le retorsio argumenti (n°26), technique consistant à retourner à l'adversaire son propre argument. Plus près de nous, la Licorne Rose Invisible. Vous savez, cette parodie de religion, créée il y a environ 20 ans et dont les étudiants athées de l'université de l'Iowa furent les premiers fidèles. Le principe est simple : plutôt que s'attaquer aux dogmes religieux basés sur la croyance, il suffit de déclarer sa foi en la LRI, à charge pour les autres de démontrer son inexistence ; dans la bouche de Sarkozy, cela donnerait : la Licorne Rose Invisible existe. Qui me l'a dit ? J'en ai l'intime conviction. Plus tard, les créations de ce type se sont multipliées. Le pastafarisme est parmi les plus célèbres ; il a été introduit en 2005 en protestation à une décision de l'Etat du Kansas favorable à l'enseignement du créationnisme comme matière scientifique. Le dieu du pastafarisme est le Monstre en Spaghetti Volant, son prophète est Bobby Henderson, un diplômé en physique, et son jour sacré le vendredi. Les pastafariens ne sont pas peu fiers d'affirmer que l'Univers a été créé par le MSV en un seul jour ; ils assurent, par ailleurs, que le réchauffement climatique est dû au déclin de la population des pirates. Allez démontrer le contraire. Rose et invisible A grand renfort d'atermoiements, de divisions et de cacophonie, les socialistes sont, peut-être, en train de réussir, de nouveau, le ratage par avance de leur campagne présidentielle.Crêpage de chignons par ondes interposées. Le 24 novembre, se fiant, sans doute, trop à son «intime conviction», Aubry annonce, sur l'un des plateaux JT les plus regardés des Français, que Royal est prête à se joindre à elle et à DSK pour un pacte de candidature unique aux primaires. Aucun commentaire de Royal pendant un temps, puis démenti cinglant de l'ex-candidate à l'Elysée : «Il n'y a aucun pacte pour empêcher les primaires». En fait, l'alliance improbable Aubry-DSK-Royal n'est rien d'autre que le pacte politique le plus court depuis l'invention de la démocratie française ; il aura duré environ 40 heures. Cet intervalle a amplement suffi à Hollande pour dégainer. Jeudi il lance à la première heure : «Une présidentielle n'est pas un arrangement. Les pactes, ça vaut pour ceux qui les signent, pas pour ceux qui n'en sont pas». Pourtant, lui-même insistait, moins de dix jours plus tôt, sur la nécessité de «régler la question (..) du candidat en cohérence et pas trop tard», comme sur celle d'«éviter dans la mesure du possible, trop de dispersion». Il ne pensait pas si bien dire. En somme, chaque présidentiable socialiste voit 20 heures à sa porte. On croit entendre : Je suis prêt à me sacrifier pour le candidat le mieux placé, à la seule condition que ce soit moi…A l'exception, paradoxalement, d'Aubry elle-même, qui comme chacun est intimement convaincu, soutiendra DSK le jour où celui-ci se sera enfin décidé à abattre ses cartes. On se souvient que Royal avait laissé échapper, en mai dernier, qu'elle était «prête à se sacrifier» pour la gauche. Qui l'avait crue alors ? Renoncer, elle, comme ça, du jour au lendemain, à ses «désirs d'avenir» ? Aubry rêve. Le plus frappant peut-être dans cette affaire, c'est que Royal et elle avaient déjeuné ensemble avant l'annonce de l'alliance sur France 2. Si vous voulez mon avis, elles ont parlé de la neige. Tant que durait le silence éphémère de Royal, les mauvais esprits n'avaient qu'une seule hypothèse en tête : si elle a accepté le pacte, c'est uniquement pour le plaisir d'en voir exclure son ancien compagnon et néanmoins père de ses enfants. Hollande, sans être le plus exhibitionniste de ses compères, s'était pourtant répandu partout cette année que «Valérie, c'était la femme de [sa] vie». Royal vient-elle de rater l'occasion de confesser en retour : DSK, c'est le candidat de ma vie ? Sinon, en attendant des jours meilleurs, comment qualifier le Sauveur ou la Sauveuse socialiste ? Alors ? Mme la lectrice, je n'ai pas entendu votre réponse… Oui, c'est cela, Rose et Invisible. Parachute enfantin pour Raymond Domenech Retour aux chérubins français. Ne voilà-t-il pas que Domenech s'occupe désormais de ACBB. Non, il ne s'agit pas de bébés, voyons, mais des moins de 11 ans de l'Athletic de Boulogne-Billancourt, club dirigé par un des amis de l'ex-sélectionneur tricolore. Si on y regarde de près, c'est plutôt un changement dans la continuité, à la Fillon : il suffit de se remémorer le niveau de maturité des Bleus séniors en Afrique du Sud. Si la nouvelle tâche de Domenech s'apparente à un jeu d'enfant, il y aura tout de même une corvée inédite dont il lui faudra s'acquitter : corriger les fautes de syntaxe avant de procéder, devant les éventuels badauds et les quelques caméras amateurs des Hauts-de-Seine, avec en fond d'image le bus de l'ACBB décoré aux couleurs locales, à la lecture du communiqué mutin signé de la main des petits joueurs. Reste à savoir quel langage adoptera Domenech dans ses nouvelles fonctions, lui qui était considéré, unanimement, par la presse sportive française et internationale, comme le roi de l'esprit tordu et du second voire énième degré. Qualité dont on ne peut pas dire qu'il l'a héritée de sa maman. En effet, quand l'Equipe avait révélé qu'Anelka avait traité son fils de «sale fils de pute», Mme Germaine avait pris l'injure à la lettre et s'était épanchée à la radio en trouvant «désolant d'être [elle-même] insultée comme ça». «Mon fils sort de l'entraînement avec des étoiles dans les yeux», confie une maman, une autre, celle d'un poussin de l'ACBB. Ah bon ? Domenech, tu es un bon pédo-entraîneur, j'en ai l'intime conviction !